TOUT ÇA EST INDIGNE
DES GRAND PRIX
Jusque- là, les Grands Prix semblaient avoir échappé aux traditionnels débordements du supporter. Échappé à sa dialectique posée, à son langage fl euri, à ses chansons enlevées, à ses slogans percutants... Échappé à sa bêtise surtout. Audiard nous avait pourtant prévenus, dès 1963, avec sa célèbre réplique des Tontons Flingueurs : « Les cons, ça ose tout, c’est à ça qu’on les reconnaît ! » . Et le supporter n’échappe pas à la règle. Souvent, il ferait même mieux de se taire, de rester chez lui... ou de se noyer dans son vomi. Côté ballon rond par exemple ( où l’on retrouve les plus beaux spécimens d’entre tous...), les joutes entre bandes rivales sont de véritables guerres de tranchées où les beuglements néandertaliens qui arrivent jusqu’aux oreilles de vos gamins sont à l’image de ceux qui les éructent : déprimants ! Un univers mono- neuroné ponctué de pauvres onomatopées et de bordées d’insultes aux relents trop souvent insupportables. Que du bonheur en quelque sorte... Jusque- là, disais- je, nous y avions échappé. Il faut dire que le spectacle que nous offrent les pilotes, toutes générations confondues depuis que l’homme fait de la moto, ce spectacle impose le respect. Parce que dans notre petit monde, on ne parle pas seulement de technique, de matériel, de nationalités, de pilotage ou de résultats. Non, on parle aussi de peur, de risques, de vie et de mort. Ce n’est pas qu’une simple partie de foot. Ici, on joue avec sa peau et cette différence- là mérite justement tout notre respect. Le plus profond des respects. Quand au Mugello, ce genre de banderoles apparaît ( ci- dessous), c’est un pan entier de l’histoire des GP qui s’écroule. Et avec lui, la mémoire de tous ceux qui y sont restés. Rossi, Marquez et Lorenzo se sont mangé le foie l’année dernière ? OK. Passons à autre chose. Les pilotes euxmêmes ont fait table rase de leurs problèmes en les laissant dans le box. Aujourd’hui, ils prônent tous l’apaisement général ( voir interview de Rossi qui demande à ses supporters de garder leur calme, page 46). Tous les fans de GP devraient être en liesse devant le spectacle que leur offrent les pilotes chaque week- end. « Une foule de GP en liesse » , entendez : qui manifeste publiquement et bruyamment son allégresse ! Pourquoi avoir laissé se perdre un mot aussi plaisant ? Il n’y aura jamais assez de mots pour exprimer la joie débordante, le plaisir et l’exultation qui plus est partagée. Alors, revenons aux fondamentaux. Car si l’expression ne s’est pas totalement perdue, elle s’est transformée. Aujourd’hui, « une foule en liesse » a tendance à brailler et à boire, alors qu’elle devrait, si l’on avait respecté le mot ( « en liesse » : en amour), ressembler aux foules sentimentales d’une belle chanson.