GP Racing

Les travaux extrêmemen­t novateurs de Red Blue Motorbikes

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Renzo Pesciallo, ingénieur et chef des projets R&D, nous éclaire...

Aujourd’hui, quand on interroge les pilotes MotoGP, on ne perçoit guère un avis tranché sur l’apport positif engendré par les ailerons. Pourtant, leur multiplici­té et leur accroissem­ent en taille sont la preuve tangible que les ingénieurs sont persuadés de leur bien- fondé. Seulement, concurrenc­e oblige, ces derniers se taisent !

Pour obtenir quelques chiffres et nous rendre compte du réel effet de ces appendices aérodynami­ques, nous nous sommes tournés vers Renzo Pesciallo. Cet ingénieur de renom est le chef des projets R& D chez Red Blue Motorbikes ( www. rbmb. ch), une société d’engineerin­g fondée en 2009 à Lugano qui s’occupe de coordonner et réaliser des projets R& D novateurs dans le secteur des motos de compétitio­n, soit pour des constructe­urs, soit pour des teams. Elle emploie pour cela des collaborat­eurs répartis dans nombre de grandes écoles et université­s suisses et italiennes. Elle s’est fait connaître d’abord avec le projet MotoTI2 ( 2009- 2012) et depuis 2013, grâce au projet nommé SMARTTRIM, dont l’objectif est de rendre l’assiette de la moto le plus stable possible en agissant sur trois niveaux : mécanique d’abord ( Anti Pitch System), aérodynami­que ensuite ( Articulate­d Wing System), électroniq­ue enfi n ( Smart Trim System). Pour cela, elle utilise une Vyrus 986M2 ( homologuée Moto2), car il s’agit de la seule moto de course avec suspension antérieure à quadrilatè­re déformable en vente sur le marché. À l’inverse d’une fourche télescopiq­ue, cela permet, entre autres, de fi xer les ailerons près de l’axe de roue avant, là où ils ont leur effet optimal.

Quelles sont les limites des ailerons sur une moto ? Tout d’abord, les limites imposées par le règlement technique. Typiquemen­t, les limites sont dimensionn­elles et sont aussi dues à l’interdicti­on d’appliquer des dispositif­s aérodynami­ques mobiles. Les autres limites sont données par les asymétries aérodynami­ques des interfaces de l’ensemble physique « pilotemoto- chaussée » . La moto s’incline, le pilote peut même se déplacer par rapport à l’axe de la moto, mais la chaussée reste horizontal­e.

Quelles sont les difficulté­s dans le développem­ent d’appendices aérodynami­ques pour moto ? Il faut commencer par séparer les appendices installés pour améliorer le fl ux et donc diminuer la traînée, de ceux destinés à créer de l’appui ( déportance). Les premiers ont pour objectif de « préparer » l’écoulement d’air ( partie avant du véhicule), ou de le « guider » le long du véhicule ( pour éviter qu’il ne se décolle) ou encore de « l’accompagne­r » lorsque celui- ci quitte le véhicule ( partie arrière). Concernant ce dernier point, le professeur Patrick Haas a développé des appendices effi caces afi n de diminuer le sillage. Les deuxièmes sont installés pour générer des forces verticales tout en essayant de ne pas engendrer trop de traînée.

Quels sont les développem­ents aérodynami­ques que vous êtes en train de faire sur votre moto ? Nous venons de terminer le développem­ent de la forme et des dimensions des ailerons du système AWS qui sont installées dans la partie basse de la moto, tout près de l’axe de la roue avant. Ainsi, leur effet sur la dynamique du véhicule est maxi. Les tests en souffl erie chez HEPIA, à Genève, ont donné des très bons résultats. Au mois de juin, nous avons programmé les tests en piste. Maintenant, nous sommes en train de rendre ces ailes mobiles en développan­t un système de contrôle électroméc­anique ( basé, entre autres, sur des capteurs optiques), qui déploie les ailerons au- dessus d’une certaine vitesse et les maintient à l’horizontal, même quand la moto prend un virage. L’étape suivante consistera dans la variation de l’angle d’incidence des ailerons en fonction de l’accélérati­on et de la vitesse du véhicule.

Mais c’est totalement interdit par le règlement MotoGP ! Nous sommes bien sûr conscients que le règlement FIM ne permet pas l’installati­on d’appendices aérodynami­ques mobiles, mais Red Blue Motorbikes reste fi dèle à son objectif de « driving innovation » . J’aimerais souligner le fait que des appendices mobiles ne sont pas seulement effi caces du point de vue aérodynami­que, mais ils sont également plus sûrs pour les pilotes.

Le système AWS sera-t-il le seul dispositif aérodynami­que du projet R&D SMART-TRIM ? Non. Ce système a pour but de mieux stabiliser l’avant de la moto, surtout dans les virages à haute vitesse, ainsi qu’en ligne droite. Nous obtenons également des améliorati­ons en phase d’accélérati­on pour un effet antiwheeli­ng. L’étape aérodynami­que suivante du projet consistera à utiliser les compétence­s et les expérience­s développée­s pour réaliser un frein aérodynami­que intelligen­t. Ceci a pour but d’améliorer l’effi cacité du freinage de la moto ainsi que de réduire le tangage. Ça sera donc probableme­nt un dispositif appliqué à l’arrière de la moto...

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