GP Racing

Lorenzo peut-il s’en sortir ? ..

Malgré un podium à Jerez et une quatrième place à Barcelone, Jorge Lorenzo n’a pas grands motifs de satisfacti­on sur cette première moitié de saison. L’Espagnol a du mal à s’adapter à la Ducati et son coéquipier lui fait de l’ombre. Mais s’il fait le nez

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

L’Espagnol est au plus bas mais regarde devant.

Une semaine après avoir franchi la ligne d’arrivée du Grand Prix de Catalogne en quatrième position, à moins de dix secondes du vainqueur, en l’occurrence son coéquipier Andrea Dovizioso, Jorge Lorenzo a bu la tasse aux Pays- Bas. La pluie ne tombait pourtant pas très drue ce jour- là... « Quand il a commencé à tomber quelques gouttes, je n’avais plus aucun feeling et j’ai alors décidé de tenter le coup en repassant par les stands pour changer de moto et ressortir en pneus pluie, confi ait le quintuple champion du monde à l’arrivée de la huitième course de la saison. Mais il n’y avait pas assez d’eau et j’étais à l’arrêt. Dans ce genre de conditions, je ne suis vraiment pas à l’aise. Cela avait déjà été le cas à Assen en 2014 et 2016, ça s’est répété cette année. » Quinzième à un tour du vainqueur, en l’occurrence son ex- coéquipier chez Yamaha, Valentino Rossi, Jorge Lorenzo n’a effectivem­ent que rarement brillé aux Pays- Bas. Depuis ses débuts en MotoGP, il n’a remporté qu’une seule course sur la piste néerlandai­se. « Un week- end à oublier » , concluait amèrement l’Espagnol en quittant le mythique circuit de la Drenthe. Depuis le début de l’année, Lorenzo peine à enclencher la vitesse supérieure avec sa Ducati. Le constat est d’autant plus dommageabl­e que Dovizioso s’est imposé au Mugello et à Barcelone avant de se retrouver aux commandes du championna­t aux Pays- Bas. « Jorge est dans une situation très différente de la mienne, tempère l’Italien. Je suis chez Ducati depuis 2013, je connais bien la moto, je l’ai vu évoluer. J’ai commencé avec une machine qui n’était vraiment pas terrible et qui a ensuite progressé de saison en saison. Jorge est arrivé chez Ducati après avoir passé neuf ans au guidon de ce qui est peut- être la meilleure MotoGP du plateau. Et il n’a connu qu’elle. Il se retrouve aujourd’hui avec une moto qui a des limites et à laquelle il doit se faire. Son travail est forcément différent du mien. Il doit s’adapter, changer son style de pilotage et son approche de chaque circuit. C’est compliqué et c’est normal que ça lui prenne du temps. Moi, ça fait cinq ans que je travaille chez Ducati, avec les mêmes méthodes, les mêmes personnes et en améliorant chaque saison un peu plus mon feeling car la machine progresse malgré tout. C’est une autre histoire. Jorge n’est plus du tout dans la position qui était la sienne depuis ses débuts en MotoGP. J’ai une base de travail, lui ne l’a pas encore. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il réclame d’autres choses que moi par rapport aux limites actuelles de la moto. Nos commentair­es sont toujours très proches. » En l’occurrence, les deux hommes continuent à se plaindre d’une moto qui a bien du mal à tourner. « Le sous- virage reste un point faible, mais nous sommes aujourd’hui en mesure de gagner des courses et de monter sur le podium, relativise toutefois Gigi Dall’Igna. Quand je suis arrivé chez Ducati, on terminait généraleme­nt à quarante secondes du vainqueur. Notre moto a quand même énormément progressé depuis trois ans. Toutes les machines ont des qualités et des défauts, qui sont évidemment liés. Si tu veux avoir des points forts, tu dois accepter les points faibles qui sont inhérents à ces derniers. »

« ON SE CONTENTE DE FAIRE DU MIEUX POSSIBLE »

Quoi qu’il en soit, Casey Stoner mis à part, rares sont les pilotes à avoir brillé dès leurs premières courses avec la Desmosedic­i. En 2011, Rossi avait tout de même fait un peu mieux puisqu’il comptait 91 points après huit courses, soit 31 de plus que Lorenzo. Comme Jorge, Valentino avait réussi à monter une fois sur le podium, au Grand Prix de France. L’Espagnol y est, lui, parvenu à Jerez. Les mauvaises langues ne manqueront pas de souligner par ailleurs que la GP11 était nettement moins performant­e que la GP17 qui a déjà gagné cette année à deux reprises. Gigi Dall’Igna regrettera­it- il d’avoir recruté à grands frais le quintuple champion du monde ? « Si notre moto a progressé ces derniers temps, c’est aussi parce que Jorge participe à son développem­ent, rappelle le patron du service course Ducati. Son expérience et son implicatio­n nous sont utiles. Bien sûr, je ne suis pas satisfait de ses résultats, mais lui non plus ne l’est pas. Il faut qu’on continue à travailler pour l’aider à fi gurer là où il doit être. Jorge est quintuple champion du monde et il reste aujourd’hui l’un des meilleurs pilotes du plateau. » Pour Wilco Zeelenberg, qui a longtemps travaillé à ses côtés, Lorenzo fait ce qu’il faut pour y arriver. « Il progresse mais il est encore en phase d’adaptation, dit l’ancien pilote néerlandai­s. Il tente beaucoup de choses pour faire en sorte que ça fonctionne. Il fait évoluer son pilotage en essayant de conserver ses points forts et son habileté pour pousser la moto à la limite. Il faut lui laisser un peu de temps. » Et Dall’Igna d’ajouter : « Nous devons trouver un compromis entre son style de pilotage et celui de la moto. Il doit apprendre à mieux utiliser les points forts de sa machine, notamment le freinage. De notre côté, nous devons essayer d’adapter la moto à ses caractéris­tiques. C’est un processus qui prend du temps, surtout avec un pilote qui a passé neuf saisons sur une moto très différente de la nôtre. À Barcelone, Jorge termine quand même quatrième après avoir fait une excellente première partie de course et une très bonne fi n. Il a malheureus­ement eu des problèmes entre les deux, qui lui ont coûté cher. » De son côté, l’ancien pilote Yamaha oscille entre moments d’abattement et pensées positives. « C’est peut- être plus compliqué que ce que j’imaginais mais je ne baisse pas les bras, assure- t- il. Cette Ducati, c’est un peu l’opposé de ce que j’ai connu avec la M1 pendant neuf ans. Je repars de zéro, j’ai tout à réapprendr­e. Avec la Desmosedic­i, il faut freiner fort en entrée de virage et se servir du frein arrière pour faire tourner la moto. C’est- à- dire tout le contraire de ce qu’il faut faire pour aller vite avec une Yamaha. Mais j’aime apprendre, cela me procure du plaisir même si mes résultats ne sont pas bien terribles pour l’instant. » Loin d’accabler son nouveau pilote, Dall’Igna répète à l’envi que ses ingénieurs doivent poursuivre le développem­ent de la Desmosedic­i. « On a fait du bon travail durant ces deux derniers mois, mais nous ne sommes pas encore arrivés là où il nous faut être pour viser le titre, martèle- t- il. Il nous reste des choses à améliorer avant d’y penser. Pour l’instant, on se contente de faire du mieux possible à chaque course avec notre moto. » Les deux victoires décrochées par Andrea Dovizioso n’ont visiblemen­t rien changé pour Dall’Igna : « J’étais persuadé qu’au Mugello, on pouvait faire quelque chose. Cela fait trois ans qu’on est compétitif sur ce circuit, trois ans qu’on sait que le podium est à notre portée. Le Grand Prix d’Italie n’a donc pas été une réelle surprise pour moi. En revanche, gagner à Barcelone, je n’y croyais pas. L’an dernier, cela avait été pour nous la plus mauvaise course de la saison. Mais fi nalement, on a fait d’énormes progrès en améliorant le comporteme­nt de la moto dans ces conditions diffi ciles avec un grip très délicat. Pour l’instant, la priorité reste de faire progresser notre moto. » À se demander si Lorenzo n’a pas signé avec le constructe­ur italien un peu trop tôt... « C’était sa décision, rappelle Zeelenberg. De notre côté, nous avons tout fait pour l’en dissuader. Nous lui avons répété que la Ducati n’était pas encore la moto pour lui, que c’était certaineme­nt mieux qu’il reste chez Yamaha. Il a malgré tout décidé de partir... »

C’EST PEUT-ÊTRE PLUS COMPLIQUÉ QUE CE QUE J’IMAGINAIS MAIS JE NE BAISSE PAS LES BRAS

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France