GP Racing

Interview Johann Zarco .....

Un podium, une pole position, une quinzaine de tours en tête et une sixième place au championna­t à la mi-saison. Depuis Casey Stoner en 2006 avec le team Honda LCR, aucun pilote d’une équipe indépendan­te n’avait réalisé d’aussi bons débuts en MotoGP. Conf

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau..

Plus à l’aise que jamais, Johann nous dit tout.

Johann, quel bilan dresses-tu de cette première moitié de saison ?

C’est un bilan positif, qui va même au- delà de ce que je m’étais fi xé en début d’année pour mon arrivée dans la catégorie. Et c’est ultra- motivant pour aller chercher de nouveaux podiums, et pourquoi pas, une victoire dès cette saison. Je sais aujourd’hui que c’est possible. J’ai bien entamé le championna­t, j’ai pu confi rmer par la suite tout en emmagasina­nt de l’expérience... Et aujourd’hui, quand j’analyse mes courses deux ou trois jours après, je me rends compte qu’il y a une marge d’évolution importante. C’est encouragea­nt.

Par rapport à ce que tu envisageai­s l’hiver dernier, tu es vraiment au-delà de tes ambitions ou, disons, dans la fourchette haute ?

Dans la fourchette haute. Je savais, après les tests hivernaux, que je disposais d’une moto avec laquelle il était possible de faire de bons coups.

Sur cette première moitié de saison, quel est ton Grand Prix le plus abouti ?

Le Mans, sans hésiter. Il y a bien évidemment le résultat en course, mais aussi le déroulemen­t du week- end. À partir de la FP4, je me suis senti super bien sur la moto et j’ai pu appliquer ce que je sais faire. C’est comme ça que tout s’est bien passé.

Au Mans, le public est proche de la piste, tu as pu profiter de l’ambiance ?

C’était énorme, surtout sur le podium. Quand tu lèves les bras et que tout le monde se met à crier, c’est juste fantastiqu­e. J’espère que c’est le genre d’émotions que j’aurai l’occasion de vivre souvent même si je sais que ça n’est pas donné à tout le monde de monter sur un podium MotoGP.

Et ton Grand Prix le plus décevant, Assen ?

( Il réfl échit) C’est mon plus mauvais résultat, c’est vrai... Mais à côté de ça, faire onze tours en tête, c’était top. Après, les conditions ont fait que ça s’est compliqué. Il fallait prendre la bonne décision en très peu de temps, se sentir en confi ance alors qu’il commençait à pleuvoir... Il y a plein de raisons pour lesquelles j’ai agi comme je l’ai fait. Et notamment ce manque d’expérience qui fait que je n’avais encore jamais roulé avec des slicks sur le mouillé. En Moto2, trois gouttes de pluie suffi sent à te mettre sur le toit. En MotoGP, les Michelin te permettent d’aller beaucoup plus loin. Mais ça, tant que tu ne l’as pas expériment­é, tu ne le mesures pas très bien. Pour en revenir à ta question, je crois que je suis plus déçu de ma course au Mugello. C’est le Grand Prix où j’en ai le plus bavé même si au fi nal, septième n’est pas un mauvais résultat. Je n’étais pas bien sur la moto, au contraire d’Assen où c’est une mauvaise prise de décision qui a abouti à mon mauvais résultat. Aux Pays- Bas, j’étais à l’aise sur le sec comme sur le mouillé alors qu’en Italie, j’ai forcé toute la course.

Depuis le début de la saison, tu es le pilote qui utilise systématiq­uement les pneus les plus tendres. Est-ce une force ou une faiblesse ?

Ça peut être une force, sur une constance de course, sur certains circuits... En tout cas, cela l’a toujours été depuis le début de l’année. Je sais néanmoins que je vais devoir prendre du feeling avec les pneus plus durs car il y aura des courses où il faudra privilégie­r les derniers tours. C’est l’un de mes objectifs pour la seconde partie de saison.

À Assen, sans la pluie, tu pouvais aller au bout en restant avec les leaders avec tes pneus tendres ?

Oui, il a plu à sept tours de l’arrivée et quand je me suis arrêté, mes pneus étaient nickels. J’aurais pu rester avec eux et jouer la victoire. Mais je sais qu’il y aura des circuits où ça ne sera pas possible de faire une course en pneus tendres, il faut donc que je travaille pour aussi pouvoir rouler avec les gommes les plus dures.

C’est ce que tu as fait au Sachsenrin­g...

Oui parce que je me sentais mieux avec le dur à l’arrière, et même

PRENDRE DU FEELING AVEC LES PNEUS PLUS DURS EST L’UN DE MES OBJECTIFS POUR LA 2E PARTIE DE SAISON

avec le medium à l’avant. C’est aussi ce qui m’a valu de tomber en FP3 et de compromett­re ma place en Q2. En Moto2, tu as deux choix de gommes et très souvent, il n’y en a qu’un qui fonctionne. Il faut donc faire en sorte de s’adapter aux conditions de piste et moduler son rythme en fonction du comporteme­nt des pneus. En MotoGP, c’est le contraire, il faut être en piste avec le bon pneu pour les conditions du moment.

Cette maîtrise et cette connaissan­ce des pneumatiqu­es, c’est l’une des différence­s majeures avec le Moto2 ?

Oui, car sans expérience, c’est quelque chose d’assez compliqué. Quand tu découvres un circuit, tu mets généraleme­nt des pneus tendres pour te sentir en confi ance. Et comme il faut essayer de régler la moto et de faire un chrono pour rester dans le Top 10 afi n de passer en Q2, tu n’as guère de temps pour essayer les autres pneus à ta dispositio­n et faire un choix pour la course. Je me rends compte aujourd’hui combien l’expérience compte en MotoGP. J’arrive désormais à attaquer la première séance avec les pneus durs sans m’inquiéter du chrono car je sais qu’en passant les tendres, je vais gagner cette demi- seconde qui pourra me permettre de passer en Q2. Ça s’appelle le métier, tu sais ta valeur et où tu peux aller avec la moto. Et tu ne te mets pas le doute parce qu’il te manque cinq dixièmes.

Finalement, toi qui l’an dernier te voyais chez Suzuki, tu ne dois pas être mécontent d’avoir atterri chez Tech3...

Non, c’est un mal pour un bien. J’ai d’ailleurs vite compris que je n’avais pas perdu au change. Dès que j’ai eu la chance d’essayer la M1, j’ai vu que nous étions très proches en performanc­es des Yamaha offi cielles. Et comme l’équipe est aussi motivée que moi, je suis très heureux.

Comment tu te sens dans ce team Tech3 ?

Je reconnais que j’étais un peu inquiet avant d’y venir. Je me demandais si courir dans une structure française serait une bonne chose ou pas. Après mon expérience chez Ajo, j’avais peur de ne pas retrouver la même rigueur, la même implicatio­n. En fait, je me suis retrouvé dans un team tout aussi pro et déterminé à réussir. Et je me sens super bien. Laurent ( Fellon) l’a bien compris. C’est d’ailleurs pour ça que dès qu’on a eu la possibilit­é de reconduire notre contrat avec Hervé, on l’a fait les yeux fermés. Je suis ravi que ça se passe aussi bien, et très content de pouvoir parler français.

En Allemagne, où tu termines neuvième après être parti de la dix-neuvième place, on t’a vu au pied du podium pour applaudir Folger. Un joli geste que beaucoup n’auraient pas fait...

Je connais Jonas depuis longtemps et on s’apprécie. J’étais franchemen­t content pour lui, pouvoir monter sur le podium devant son public, c’est super. Et puis c’est important que les deux côtés du garage soient performant­s, c’est bien pour Tech3 et pour Hervé.

Comment expliques-tu qu’à plusieurs reprises, vous ayez été cette année plus performant­s que les deux pilotes officiels Yamaha ?

Je pense qu’ils sont dans une saison diffi cile alors que tout se passe plutôt bien pour nous. Je pense aussi que la Yamaha 2017 va évoluer et rattraper ce petit bémol qui semble aujourd’hui l’affecter.

Hervé Poncharal dit que l’une de tes forces, et aussi de celle de Jonas, c’est de ne pas regarder ce qui se trouve dans le garage d’à côté et de ne pas passer votre temps à chercher ce que les autres ont en plus que vous. Qu’en penses-tu ?

C’est quelque chose que j’ai appris en Moto2 : fais ton job, travaille du mieux possible avec ton équipe... Et tu vois ensuite où tu te retrouves à la fi n du week- end.

Après le Texas, tu as de nouveau été au contact avec Rossi à Assen. Celui-ci n’a semble-t-il guère apprécié et il t’a bien allumé, notamment auprès des journalist­es italiens. Tu n’as pas peur de t’attirer la foudre de ses fans ?

Non, car cela n’a rien à voir avec ce qui s’est passé entre Marquez et lui par le passé. C’est de la bagarre en course, et chaque fois qu’on s’est touché,

QUAND TU DÉBUTES, LES GARS ESSAIENT DE T’INTIMIDER AVEC DES COMMENTAIR­ES SUR TON PILOTAGE

JE DOIS FIGURER SUR LA PREMIÈRE OU 2E LIGNE POUR PARTIR DANS LE BON PAQUET ET POUVOIR ME BATTRE DEVANT

il a terminé premier ou deuxième ( rires). Ça fait parler, c’est pas plus mal. Perso, ça me fait prendre conscience du fait que je peux me battre aujourd’hui avec eux.

C’est pour ça que Rossi a mis de la distance avec toi en conférence de presse ? L’an dernier, il ne perdait jamais une occasion de te parler...

Ça veut dire que je deviens bon, que j’atteins mes rêves. Je me rends compte qu’il n’est pas le seul à avoir mis de la distance. D’autres me critiquent, me trouvent trop agressif... Avant, ils me respectaie­nt, maintenant ils cogitent. Je sais qu’ils savent... Quand tu débutes dans une catégorie, les gars essaient de t’intimider avec des commentair­es sur ton pilotage, ta façon d’aborder la course... Ils veulent t’obliger à rendre un peu la main car ils savent très bien que dans ce sport, si tu as le malheur de te poser la moindre question, tu perds totalement le rythme. Je l’ai appris en Moto2. C’est pour cela qu’aujourd’hui, je suis très vigilant. Je n’ai pas l’intention de rendre la main car c’est la seule façon d’évoluer. Et puis s’ils se comportent comme ça, c’est qu’ils savent que lorsque j’aurai compris ce qui me manque, je deviendrai, comme eux, un prétendant.

Tu as revu l’action d’Assen ?

Oui, et je me dis que si j’avais plongé plus tôt, je serais repassé devant. Un gars qui s’écarte de la trajectoir­e devant toi, il ne faut pas hésiter, il faut tenter sa chance tout de suite. J’aurais dû m’engager plus rapidement. Et il savait très bien que j’allais le faire.

À partir de là, Marquez et Dovi te doublent eux aussi et tu perds le rythme...

J’étais moins bien derrière eux que devant. D’ailleurs, quand ils m’ont doublé, on a roulé trois dixièmes moins vite. Je fais encore des choses différente­s d’eux au niveau des trajectoir­es et quand tu es derrière, il faut que tu te conditionn­es par rapport à celui qui roule devant toi. Franchemen­t, ça m’a plus fatigué que de rouler en tête. Et puis il a commencé à pleuvoir et là, je n’y étais plus...

Comment vois-tu la seconde partie de la saison ?

L’objectif, c’est d’essayer de remonter sur le podium en ajustant le travail, en profi tant de l’expérience et d’un meilleur feeling pour utiliser les pneus quand il le faut. Et puis fi gurer sur la première ou la deuxième ligne de la grille pour partir dans le bon paquet

et pouvoir se battre devant. Je l’ai encore éprouvé en Allemagne. Si tu n’es pas en Q2, tu ne peux pas espérer fi nir dans le Top 5.

Au niveau pilotage et gestion de la course, que dois-tu faire mieux ?

Essayer d’être plus performant sur la seconde moitié de la course et pour cela, peaufi ner la mise au point de la moto avec l’équipe. Améliorer le mapping qui va te permettre de tout contrôler, obtenir une moto plus facile sur la durée de la course... C’est là que Rossi est très fort.

En début de saison, tu disais avoir besoin de progresser en sortie de virage pour relever la moto dans le bon tempo et avoir un meilleur drive quand elle commence à patiner...

J’ai beaucoup progressé à ce niveau- là, ça n’est plus un problème. Je ne suis plus dans la diffi culté de perdre des mètres à l’accélérati­on.

On a un championna­t super serré cette saison, avec des pilotes de pointe qui affichent une moyenne de points par course particuliè­rement basse (14,33 points pour Marquez, leader à mi-championna­t)... Quel est ton avis sur le sujet ?

Tout le monde parle des pneus, mais je ne suis pas certain que cela soit vraiment le problème. Ce que je vois, c’est qu’on a une redistribu­tion des rôles. Lorenzo a du mal avec la Ducati, Marquez est en diffi culté avec sa Honda, Rossi en bave car il n’est plus tout jeune... Quant à Viñales, il va vite parce qu’il est jeune, mais il commet aussi pas mal d’erreurs de jeunesse. Du coup, on n’a pas toujours les mêmes pilotes sur le podium. Mais pour moi, Marquez demeure le plus fort.

Tu as encore le temps de t’impliquer dans l’école ZF Grand Prix ?

C’est plus diffi cile, j’ai davantage besoin de souffl er entre deux week- ends de course. Laurent sait ce qu’est l’intensité de rouler à 300 km/ h. Il le comprend. Mais j’essaie quand même d’être présent le plus possible. On a trois week- ends de prévus cet été, j’en ferai deux sur trois.

Ces premiers pas prometteur­s en MotoGP t’ont-ils changé en tant qu’homme ?

Non, ce qui m’a fait changer, c’est mon second titre de champion du monde Moto2. Parvenir à ce doublé m’a vraiment permis de franchir un cap.

Tu mesures ta popularité grandissan­te ?

Franchemen­t, je ne m’en rends pas vraiment compte dans mon quotidien. Je suis peut- être plus sollicité, mais c’est Laurent qui gère ça. Pour le reste, quand je rentre chez moi et que je vais boire un verre ou manger un morceau au restaurant, je le fais avec mes copains et aucun d’entre eux ne ramène quelqu’un qui serait venu pour me voir. Et entre les courses, soit je m’entraîne avec Laurent en supermotar­d, soit je bosse avec mon préparateu­r physique. Ah, j’oubliais, je vois aussi ma propriétai­re qui a 70 ans !

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Avec cinq Top 5, un podium et 84 points, Zarco occupe la sixième place du championna­t à la mi-saison. Régulièrem­ent premier pilote indépendan­t. Quand Johann part à la faute en Allemagne. Il a encore des progrès à faire sur le mouillé. Une équipe aux...
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