GP Racing

2 Français du team autrichien..

Au sein de la très internatio­nale équipe engagée par KTM en MotoGP, Christophe Léonce et Florian Ferracci représente­nt le contingent français. Portraits croisés de deux mécanicien­s passés à l’orange.

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Léonce / Ferracci, les deux mécanos nous racontent.

Chacun d’un côté du garage KTM, Christophe Léonce et Florian Ferracci ajustent leurs gestes. Le premier sur la RC16 de Pol Espargaro, le second sur celle de Bradley Smith. Le ballet est bien réglé. L’orchestre MotoGP du constructe­ur autrichien a beau tourner depuis un an seulement, tous ceux qui le composent connaissen­t leur partition sur le bout des doigts. Les fausses notes sont rares malgré le rythme imposé par la direction autrichien­ne. Et pourtant, avec une douzaine de nationalit­és différente­s dans la formation dirigée par Mike Leitner, il y aurait de quoi redouter les canards. « Tous les gars qui sont là connaissen­t leur boulot sur le bout des doigts » , assure Christophe Léonce qui a été un des premiers à dire oui au chef d’orchestre allemand, lorsque celui- ci a été nommé pour monter le test team qui, en 2016, a commencé à travailler sur la première RC16. Après une douzaine de saisons au HRC, celui qui a appris son métier aux côtés de Jean- François Baldé, à la fi n des années quatre- vingt, n’a pas été dérouté en rejoignant KTM. « Il y a de gros moyens et une super bonne ambiance, témoigne Florian Ferracci, son comparse tricolore. Ça se passe bien car tu sens qu’il y a une envie incroyable d’y arriver. Si tu as besoin de quoi ce soit, tu l’obtiens très vite. Ils ne disent jamais non, avec eux, tout est possible. Leur temps de réaction est très court. » Pourtant, en arrivant chez KTM après avoir pratiqueme­nt toujours travaillé dans des équipes italiennes, Florian se demandait bien à quelle sauce il allait être mangé. « Je leur ai écrit pour proposer mes services quand le team Forward a arrêté le MotoGP, raconte le Cannois. Il n’y avait pas de place pour moi mais ils ont gardé mon CV. Et ils m’ont rappelé un an plus tard. » Après un passage d’un an en Superbike avec les Aprilia du team Ioda Racing, Florian a retrouvé les Grands Prix pour s’occuper des boîtes de vitesses des KTM de Bradley Smith. « Avant d’être pris, j’ai quand même eu droit à un entretien en anglais avec trois responsabl­es de l’usine, préciset- il. Finalement, ils m’ont embauché. Au début, j’avais un peu peur d’avoir du mal avec la mentalité autrichien­ne, mais le team est cosmopolit­e et l’ambiance toujours positive. » Pourtant, tout n’est pas rose pour le constructe­ur de Mattighofe­n qui n’a pas la partie facile pour faire son trou en MotoGP. « Ce n’est pas simple avec Pol ( Espargaro) et Bradley ( Smith), car ils sont très différents, détaille Christophe Léonce. De plus, il ne faut pas oublier que nous avons quinze à vingt ans de retard sur nos adversaire­s. C’est diffi cile de comparer l’expérience de KTM à celle du HRC. Je pense qu’il nous faudra encore deux bonnes années pour être dans le coup. On a réduit l’écart l’an dernier en fi n de saison du fait qu’on bénéfi ciait d’aménagemen­ts au niveau du règlement,

« NOUS AVONS 15 À 20 ANS DE RETARD SUR NOS ADVERSAIRE­S » C. LEONCE

mais cet hiver, les autres ont pu travailler pour développer leur moto et cet écart s’est de nouveau creusé. En MotoGP, tu ne peux jamais arrêter de bosser, surtout quand tu es en phase d’apprentiss­age avec des ingénieurs qui manquent d’expérience. » Dans le garage KTM, Christophe est chef d’équipe sur les motos de Pol Espargaro. « En lien avec Paul Trevathan, son ingénieur, je coordonne le travail des deux mécanicien­s qui travaillen­t avec moi, explique- t- il. Je dois m’assurer que les deux motos sont prêtes. On m’a confi é ce rôle car j’ai pas mal d’expérience. » Pour devenir mécanicien en MotoGP, celui qui est marié avec la fi lle du regretté Renzo Pasolini estime qu’il faut déjà avoir une grosse passion, et beaucoup de patience. « J’ai la chance d’avoir appris ce métier avec Jean- François Baldé, dit- il. À l’époque, durant l’hiver, nous faisions de la restaurati­on de voitures anciennes. La précision du travail était très importante, il fallait être calme et méthodique, comme sur une moto de course.

« FAIS-EN PEU, MAIS FAIS-LE BIEN »

Jean- François me disait toujours qu’il ne fallait jamais se presser. Sa phrase, c’était : « Fais- en peu, mais fais- le bien, il ne faut pas qu’on revienne dessus. » Aujourd’hui, chez

KTM, Christophe a l’oreille des ingénieurs. « Je leur signale dès que je vois un problème, je participe aux discussion­s, je peux donner mon avis. » En trente ans de Grands Prix, le Varois a bien évidemment vu son travail évoluer. « Aujourd’hui, nous sommes des spécialist­es du cadre. Le travail est moins intéressan­t qu’avant car on ne touche plus

aux moteurs. » Alors, pour ne pas perdre la main, Christophe, qui vit à Varèse, s’est investi dans la moto classique en Italie. Avec son beau- frère, les invitation­s pour les rassemblem­ents ne manquent pas. « Je bricole pas mal et je rencontre plein de gens qui me parlent de Renzo que je n’ai malheureus­ement pas eu le temps de connaître. » S’il regrette

de ne pas avoir le loisir de démonter le V4 de la RC16, Christophe dit toutefois que sa passion pour les GP ne faiblit pas : « D’un autre côté, l’objectif reste le même : faire du mieux possible le dimanche. » Cette quête de la performanc­e, Florian Ferracci l’entretient depuis ses années de pilote. Comme Christophe, il regrette l’époque où on tombait les cylindres des moteurs deux- temps entre chaque séance d’essais. « Quand je courais, c’est moi qui faisais mes moteurs, raconte le Cannois. C’est pour ça que chez KTM, on m’a confi é la partie transmissi­on. Je m’occupe de la boîte de vitesses des motos de Bradley, mais aussi de l’embrayage et du système pneumatiqu­e de rappel de soupapes. Et quand je n’ai pas

à y toucher, je laisse la main aux autres sur la partie- cycle. » Dernier point, Florian s’occupe du panneautag­e et gère le changement de roue arrière pendant les essais. « On a la chance de rester à la maison entre les courses et de se déplacer sur les circuits en avion, mais durant le week- end de GP, on ne compte pas nos heures, témoigne celui qui avait déjà connu le tempo d’une écurie offi cielle à l’époque

où Kawasaki était engagé en MotoGP. Disons qu’on sait à quelle heure on arrive sur le circuit, mais on ne sait jamais trop quand on en repart. Surtout que ce n’est que notre deuxième année en MotoGP, on a toujours beaucoup de choses à essayer. » Le dimanche soir, tout est remis dans les camions qui ne repassent que très rarement par l’usine entre les courses. « Le mardi soir, on est en place pour travailler, poursuit Florian. Le mercredi, on monte le box et on commence à travailler sur les motos. De mon côté, je démonte les boîtes de vitesses pour mettre les rapports adaptés au circuit. » Entre les tests et les week- ends de course, les mécanicien­s passent une bonne partie de l’année loin de chez eux. « Ce n’est pas toujours évident à gérer, note Christophe Léonce qui n’a pas vraiment vu son fi ls grandir. Mais ce métier, quand tu l’as dans le sang, il est diffi cile d’envisager de le pratiquer autrement. La course, c’est notre passion à tous. » Et chez KTM, la passion n’est pas un vain mot...

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France