GP Racing

Où va Yamaha ? ................

Depuis le passage de Lorenzo chez Ducati, l’équipe officielle Yamaha a perdu de son lustre et peine à retrouver le chemin du succès. Les résultats se font attendre et ça n’est pas le départ de Tech3 chez KTM qui risque d’améliorer sa situation.

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Le team offi ciel vacille en ce début d’année.

Il est des chiffres qui font mal. En 2015, Yamaha avait tout rafl é en MotoGP. Lorenzo et Rossi avaient terminé aux deux premières places du championna­t du monde, offrant à la marque japonaise une nouvelle triple couronne : pilote, équipe et constructe­ur. L’Espagnol était alors monté sur le podium à douze reprises, dont sept fois sur la plus haute marche, récoltant ainsi 330 points. L’Italien avait terminé quinze fois dans le Top 3, s’était imposé à quatre reprises et avait inscrit seulement cinq points de moins que son coéquipier. L’année suivante, le duo s’était incliné derrière la Honda de Marquez, tout en montant de concert sur le podium du championna­t. Rossi s’était classé deuxième avec 249 points, dix podiums et deux victoires. Troisième, Lorenzo avait, lui, obtenu 233 points, dix podiums et quatre victoires. C’était alors sa dernière saison chez Yamaha... Parti chez Ducati, le Majorquin a laissé sa place à Viñales, débauché de l’équipe Suzuki. Vainqueur de trois des cinq premiers Grands Prix, Maverick a d’emblée semblé en mesure d’assurer la relève. Et puis tout a basculé... L’Espagnol n’a plus rien gagné depuis son succès au Mans il y a un an. Quant à Rossi, il a dû se contenter l’an dernier d’une seule victoire, à Assen, et d’une cinquième place au classement général. Un coup dur pour le nonuple champion du monde qui fi gurait depuis trois ans sur la deuxième

place du podium du championna­t MotoGP. Pire, en 2017, c’est un certain Johann Zarco qui a fait tourner en bourrique les deux offi ciels Yamaha. Avec sa M1 2016, le Français a régulièrem­ent fait douter Rossi et Viñales, poussant le bouchon si loin que les ingénieurs Yamaha ont fi ni par venir piocher dans le stock de pièces du team Tech3 pour tenter de trouver des solutions à leurs mystérieux problèmes de motricité.... Eh oui, depuis le départ de Lorenzo, l’équipe offi cielle Yamaha semble avoir perdu le fi l. Et comme par hasard, c’est celui qui s’inspire le mieux du pilotage de l’Espagnol, Johann Zarco, qui fait aujourd’hui des étincelles avec cette M1 qui, depuis 2010, était taillée sur- mesure pour l’Espagnol.

CRITIQUÉ, LIN JARVIS RESTE DROIT DANS SES BOTTES

Ce constat, Lin Jarvis semble avoir bien du mal à l’admettre. Ainsi, après avoir refusé d’épauler davantage le pilote Tech3 – pourtant meilleur débutant et auteur d’une superbe première saison en MotoGP –, le patron de Yamaha Motor Racing a préféré reconduire pour deux ans Rossi et Viñales dans leurs fonctions. Résultat des courses, le Français a choisi de signer chez KTM pour les deux saisons à venir, tout comme Tech3 qui, après 20 ans de collaborat­ion avec la marque japonaise, ira rejoindra en 2019 l’usine autrichien­ne. Critiqué pour son manque de discerneme­nt et sa politique peu ambitieuse, Lin Jarvis reste droit dans ses bottes. Garder Rossi pour deux saisons supplément­aires alors que l’Italien aura quarante ans l’an prochain ? « Valentino, c’est Valentino, résume le manager britanniqu­e. C’est une icône qui a énormément apporté à Yamaha. Tout le monde le connaît, il est le seul pilote reconnu au- delà des frontières des fans de MotoGP. Il est toujours positif et il amène énormément d’énergie et d’ambition dans l’équipe. Il en veut toujours plus et puis surtout, il est encore performant. » Prolonger dès le mois de janvier Viñales qui a pourtant bien du mal à tirer la quintessen­ce de la Yamaha et ne fait pas l’unanimité dans l’équipe ? « C’est un jeune pilote bourré de talent sur qui nous avons misé et en qui nous croyons, martèle Jarvis. C’est à nous de faire évoluer notre machine. Quand tu diriges une équipe offi cielle en MotoGP, tu te dois d’avoir les meilleurs pilotes possibles. » On l’aura compris, Johann Zarco n’a jamais fait partie des plans de Jarvis. « À partir du moment où Valentino souhaitait prolonger, nous n’avions pas de place à lui proposer, réfute le patron

de Yamaha Motor Racing. C’est aussi simple que cela. » Et tant pis si cela n’a fait qu’encourager Hervé Poncharal à partir

travailler ailleurs... « Je ne crois pas que Poncharal ait décidé de quitter Yamaha à cause d’un manque de soutien de notre part, poursuit Jarvis. Hervé l’a dit lui- même, il a reçu une offre qu’il ne pouvait pas refuser de la part d’un concurrent qui a besoin d’une deuxième équipe performant­e pour progresser. Cela implique beaucoup de choses, matérielle­ment mais aussi fi nancièreme­nt. Alors, c’est vrai que nous n’avons pas fourni cette année à Johann une moto d’usine. Mais cela n’a jamais fi guré dans notre contrat avec Tech3, et n’oublions quand même pas que l’an dernier, sa moto a parfois été plus performant­e que les nôtres. » Conscient qu’il reste une saison à boucler et qu’il faut le faire dans les meilleures conditions possibles, Hervé Poncharal ne veut surtout pas tirer sur l’ambulance. « C’est comme si, en février, tu annonces à ta femme que tu vas te barrer au mois de novembre mais que d’ici là, il va falloir continuer à vivre sous le même toit, lance le Varois en guise de métaphore. Il faut arrondir les angles. » Il n’empêche qu’en creux, les commentair­es du patron de l’équipe Tech3 en disent long sur l’inertie et la pesanteur qui plombent aujourd’hui le service course Yamaha. « Ça fait quarante ans que je bosse pour des boîtes japonaises, poursuit Hervé. Il y a eu Honda, Suzuki et Yamaha... Après Honda où les lourdeurs sont énormes, j’avais trouvé chez Yamaha des choses qui correspond­aient davantage à ma vision de la course et de la vie. Mais je sais aujourd’hui ce qui est possible et ce qui ne le sera jamais... Nos cultures sont très différente­s, il n’y a pas d’instantané­ité. Bien sûr qu’il y a de la passion, mais elle se voit moins que chez les Européens. Les décisions sont longues à prendre, les organisati­ons très rigides... Il y a trop d’inertie à cause de la hiérarchie incontourn­able dans les sociétés japonaises. » Et c’est à présent cette inertie qui plombe les résultats et l’avenir de l’équipe Yamaha en MotoGP. Depuis le début de la saison, Rossi pointe du doigt les carences du service course de la marque aux trois diapasons qui, selon l’Italien, ne réagit pas assez vite pour aider ses pilotes. Depuis des mois, Valentino réclame à cor et à cri le recrutemen­t de nouveaux ingénieurs pour développer l’électroniq­ue de sa M1. Et, bien évidemment, le départ de Tech3 ne fait pas, dans l’immédiat, les affaires du nonuple champion du monde. Et pas seulement parce qu’aujourd’hui, Johann Zarco lui sert souvent de point de référence. « Nous avons besoin de quatre motos pour obtenir un maximum d’infos et de datas, souligne Rossi. Se limiter à deux pilotes serait une erreur pour Yamaha. » Il n’empêche que cette possibilit­é est envisagée par les Japonais qui ne souhaitent pas confi er leur matériel à n’importe quelle équipe indépendan­te. Longtemps en négociatio­ns avec le team Marc VDS, les responsabl­es Yamaha ont très mal vécu les dernières péripéties de la structure belge qui s’est séparée de Michael Bartholemy, son team manager. Et comme il n’est pas question pour eux de s’associer à l’équipe Avintia, pas plus qu’ils n’envisagent de travailler avec le team Nieto, ils croisent désormais les doigts pour trouver une solution avec Carmelo Ezpeleta. Le grand timonier du championna­t MotoGP pourrait en effet récupérer les deux places du team VDS pour les confi er à une nouvelle structure temporaire qui fonctionne­rait le temps que Valentino Rossi monte sa propre équipe VR46... « On réfl échit, on essaie de trouver des solutions, assure Lin Jarvis qui se dit même prêt à revoir les règles qui ont jusqu’à présent prévalu chez Yamaha. On pourrait faire comme Honda et Ducati, c’est- à- dire confi er une moto offi cielle à un pilote de notre équipe satellite. » Les Japonais risquent de regretter de ne pas y avoir pensé avant.

CONFIER UNE MOTO OFFICIELLE À UNE ÉQUIPE SATELLITE ?

« SE LIMITER À DEUX PILOTES SERAIT UNE ERREUR POUR YAMAHA » VALENTINO ROSSI

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3 Avec deux 2e places, Johann Zarco a obtenu les meilleurs résultats de ce début de saison pour le clan Yamaha.
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4 En difficulté depuis le début de saison, Rossi n’a de cesse de se plaindre de sa M1.
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1 Pour Lin Jarvis, l’avenir s’est assombri. 2 Après plus d’un an sans victoire, Viñales broie du noir et s’interroge. La rumeur laisse entendre qu’il pourrait demander prochainem­ent à changer de chef mécanicien.

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