GP Racing

Interview Dovizioso ...........

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

« Nous ne sommes pas assez performant­s ! » .

Leader du championna­t avant sa chute malheureus­e à Jerez, Andrea Dovizioso évoque son début de championna­t et revient sur son éclosion de la saison passée. Pour le vicechampi­on, rencontré au Grand Prix d’Espagne, il est impératif que Ducati fasse évoluer sa moto pour espérer battre Marquez et sa Honda.

Même si ton début de saison a été meilleur que celui de l’an dernier, on a un peu l’impression que tout le monde attendait mieux d’Andrea Dovizioso et de sa Ducati... Comme le ressens-tu ?

Ceux qui attendaien­t mieux de moi et de la moto sont des gens qui ne savent pas ce qui se passe chez Ducati. Des gens qui ne connaissen­t pas la réalité. ( rires) Du dehors, on peut toujours imaginer beaucoup de choses. De mon côté, je ne sais pas comment ça se passe au HRC, chez Yamaha ou encore chez Suzuki... On peut toujours croire, imaginer... Mais la réalité, pour la connaître, il faut être à l’intérieur. Aucun pilote ne peut vraiment savoir comment ça se passe chez les autres. En revanche, quand sur la même moto, il y a un pilote qui fait des résultats et les autres qui en sont loin, les choses sont plus claires. Je comprends que les fans qui ne connaissen­t pas bien ce milieu puissent s’imaginer des choses, mais ceux qui travaillen­t dans ce paddock, franchemen­t, ils ne peuvent pas passer à côté de ce qui se passe.

Tu veux dire qu’en fait, la Honda et la Ducati ne sont pas de bonnes motos, mais que Marquez et toi faites la différence ?

Marquez n’est pas le seul pilote Honda performant. Il suffi t de prendre le deuxième pilote Honda et le deuxième pilote Ducati et de regarder où ils en sont, de compter leurs points... Chaque machine a ses spécifi cités, ses caractéris­tiques. Pour cerner le potentiel d’une machine, il faut analyser les performanc­es de tous ceux qui la pilotent. Ça n’est pas nouveau...

Tu as toujours eu des mots assez durs avec Ducati. L’an dernier, tu répétais régulièrem­ent que ta moto était handicapée par sa difficulté à tourner. Et cette saison, tu insistes sur le fait que tu es le seul à en tirer quelque chose...

Mais c’est la vérité. On a fait quelques progrès, c’est vrai, mais ils sont tout petits. Les défauts de cette moto sont toujours présents.

Pourtant, cet hiver tu disais le plus grand bien du modèle 2018. Tu parlais de progrès...

( Il coupe) Non, j’ai dit qu’on était un peu mieux en milieu de virage. C’est Jorge qui était dithyrambi­que à Sepang. Il répétait que notre nouvelle moto était formidable... Je lui ai dit : « Calme, attendons de voir comment elle se comporte ailleurs... Pour connaître

notre niveau réel, il faudra rouler sur d’autres circuits. » On a vu le résultat. En fait, la moto 2018 et la 2017 sont très proches. Le cadre est très légèrement différent, ce qui fait qu’on est un peu mieux en milieu de virage, mais le reste est identique. Et c’est pour ça que je dis que nos défauts sont toujours là, et c’est pour ça que le podium nous était inaccessib­le en Argentine et aux États- Unis.

Tu es quand même mieux que l’an dernier à la même époque, non ?

Nous avons un autre problème cette saison, c’est que la Honda a davantage progressé que nous ne l’avons fait par rapport à l’an passé. C’est en tout cas mon impression... On voit bien que les trois motos d’usine sont performant­es. Elles sont aux avant- postes depuis le début de l’année. On sait que Marc est un pilote particulie­r, on ne peut pas analyser objectivem­ent le niveau de la Honda si on ne se réfère qu’à lui. Il est à part. C’est quand on regarde où se situent Dani ( Pedrosa) et Cal ( Crutchlow) que l’on peut dire que la Honda a fait un pas en avant. Bien sûr, je ne peux rien prouver car je ne suis pas au HRC. Peut- être que ce sont Dani et Cal qui ont fait ce pas en avant en tant que pilotes mais franchemen­t, je ne le crois pas. En résumé, nous avons fait un petit pas en avant, eux en ont fait un grand.

Avec les premières courses européenne­s, on a entamé une partie très importante du championna­t. Penses-tu qu’elle permettra d’y voir plus clair sur le potentiel des uns et des autres dans la course au titre ?

J’ai toujours dit qu’il fallait attendre le Mugello pour avoir une idée précise des forces en présence. Doha est une course un peu

particuliè­re, l’Argentine et le Texas sont deux circuits importants pour mesurer un certain type de performanc­es, Jerez et Le Mans offrent d’autres terrains de jeu où les courses sont souvent marquées par des événements inattendus... Et puis il y a le Mugello avec sa longue ligne droite et son tracé rapide et technique. Après ce premier tiers de championna­t, on aura les idées plus claires. De notre côté, on a été performant­s à Doha, comme souvent, et on a été à la peine en Argentine et au Texas, comme cela avait été le cas l’an dernier. La différence, c’est qu’on a mieux géré ce temps faible. On n’a pas eu de chance à Jerez mais globalemen­t, je dirais que pour l’instant, nous ne sommes pas suffi samment performant­s. Il faut que l’on arrive à améliorer plus sensibleme­nt le comporteme­nt de la moto en virage. On l’a vu au Texas avec Zarco. Je n’arrivais pas à le doubler alors que j’étais plus rapide que lui. Surtout qu’aujourd’hui, tous nos adversaire­s ont fait des progrès au niveau du moteur. Avec la réduction des appuis aérodynami­ques, nous avons doublement perdu sur le plan de l’accélérati­on et de la puissance.

Tu penses malgré tout pouvoir être plus régulier que tu ne l’as été l’an dernier ?

Il le faut si on veut jouer le titre. Il y a trop de pilotes compétitif­s aujourd’hui pour se permettre d’arriver sixième ou septième. On travaille mais ça n’est pas facile...

L’an dernier, Marquez et toi aviez été les deux derniers pilotes à la lutte pour le titre. Penses-tu que nous puissions avoir le même scénario cette saison ?

L’an dernier, nous étions cinq pilotes dans la course jusqu’à la fi n de l’été. Je pense que nous serons autant cette saison, peutêtre même davantage.

Tu l’as dit, tu sembles encore le seul à être en mesure d’exploiter correcteme­nt la Desmosedic­i. Que penses-tu de la situation de Lorenzo ?

Avec Jorge, on ne sait jamais trop ce qu’il peut se passer... Il a souvent fait des saisons contrastée­s, avec des périodes où il est très performant et d’autres où il est transparen­t. Ce qui est certain, c’est qu’il n’est toujours pas chez lui avec la Ducati. Il n’arrive pas à exploiter l’ADN de cette moto, et ce sera encore diffi cile

CEUX QUI ATTENDAIEN­T MIEUX DE MOI ET DE LA MOTO SONT DES GENS QUI NE SAVENT PAS CE QUI SE PASSE CHEZ DUCATI. DES GENS QUI NE CONNAISSEN­T PAS LA RÉALITÉ

pour lui cette saison. Il peut faire des courses intéressan­tes mais globalemen­t, je le vois performer en dents de scie.

Pourquoi n’as-tu toujours pas signé de contrat avec Ducati où on dit que te garder est une priorité ?

Nous sommes encore très loin d’un terrain d’entente... ( l’entretien a été réalisé à Jerez, avant la reconducti­on de son contrat avec Ducati, ndlr).

On imagine que tu es en position de force...

Bien sûr. Et je compte en profi ter car je n’ai pas été souvent dans cette situation durant ma carrière.

Tu as l’image d’un pilote posé et réfléchi qui adopte très souvent les bonnes stratégies. De ton côté, comment te décrirais-tu ?

Je pense que j’ai beaucoup mûri depuis deux ans. Tout le monde comprend des choses à un moment donné de la vie, chacun avance à son rythme. Certains mûrissent plus tôt, d’autres plus tard... Je crois par ailleurs qu’on peut toujours progresser, il n’y a pas de limite à cela. Et je ne parle pas spécialeme­nt de la moto. On progresse dans sa façon d’être, dans sa compréhens­ion des choses, dans sa relation à l’autre... Cela concerne la vie, le sport, la politique, les gens... Tout est affaire de volonté et d’engagement. On peut toujours progresser. J’ai 32 ans, je vis le meilleur moment de ma carrière et je le dois aussi aux personnes qui m’entourent. Je pense notamment à mon manager ( Simone Battistell­a), avec qui je travaille depuis quinze ans. On ne se voit pas souvent car il vit à Londres, mais c’est quelqu’un de très important pour moi. Discuter avec lui m’a fait comprendre beaucoup de choses, il m’aide à y voir clair et m’a fait énormément avancer dans ma vie. Et cela a eu un gros impact sur mon métier de pilote. J’ai considérab­lement amélioré mes résultats depuis deux ans. J’ai d’autres personnes autour de moi, et j’apprends de chacune.

La saison dernière semble t’avoir transformé. Tu es d’accord ?

Oui, comme je l’ai dit, j’ai mûri. J’ai une meilleure compréhens­ion de beaucoup de choses, des gens, de la vie... Maintenant, je pense que c’est surtout le regard des autres qui a changé. On me voit différemme­nt. Ce regard a davantage changé que moi.

Et ta vie de tous les jours, a-t-elle aussi changé ?

Oui car on me reconnaît plus dans la rue, notamment ceux qui ne s’intéressen­t pas à la moto. C’est positif, cela veut dire que je suis apprécié en tant que sportif et en tant qu’individu. Cela signifi e aussi que j’ai réalisé l’an dernier quelque chose d’important. À côté de ça, je regrette un peu de ne plus pouvoir vivre aussi discrèteme­nt qu’avant. Je n’ai pas envie de changer de vie, j’aime le quotidien avec ma famille, ma fi lle, ma compagne, mes amis... C’est un peu plus compliqué aujourd’hui.

Pour terminer, revenons à ce début de saison. Que penses-tu de la tension qu’on a connue après les incidents du Grand Prix d’Argentine ?

Je me réjouis que la direction de course ait choisi de sanctionne­r davantage les comporteme­nts trop dangereux. Un pilote qui crée un problème doit être pénalisé. Après, j’en conviens, il est très diffi cile d’établir des règles précises. Chaque réunion de la Commission de Sécurité tourne à la foire d’empoigne car personne n’a le même avis. Tant qu’il y aura des courses, il y aura des différends.

TOUT EST AFFAIRE DE VOLONTÉ ET D’ENGAGEMENT. ON PEUT TOUJOURS PROGRESSER. J’AI 32 ANS ET JE VIS LE MEILLEUR MOMENT DE MA CARRIÈRE

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 ??  ?? 3 Depuis l’an dernier, l’Italien a pu mesurer la hausse de sa popularité.
3 Depuis l’an dernier, l’Italien a pu mesurer la hausse de sa popularité.
 ??  ?? 2 1 Vainqueur au Qatar, malheureux par la suite, Dovi ne lâche rien. 2 Coup du sort à Jerez quand Lorenzo et Pedrosa s’accrochent sous ses roues. Premier résultat blanc de la saison pour le pilote Ducati.
2 1 Vainqueur au Qatar, malheureux par la suite, Dovi ne lâche rien. 2 Coup du sort à Jerez quand Lorenzo et Pedrosa s’accrochent sous ses roues. Premier résultat blanc de la saison pour le pilote Ducati.
 ??  ?? 4 À Doha, Dovizioso a su parfaiteme­nt résister à Marquez qui, une fois encore, aura joué sa chance jusqu’au dernier virage.
4 À Doha, Dovizioso a su parfaiteme­nt résister à Marquez qui, une fois encore, aura joué sa chance jusqu’au dernier virage.
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