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Mag : l’antidopage.............

Loin des polémiques qui touchent les autres discipline­s sportives, la moto ne compte que peu de scandales liés au dopage. C’est en grande partie grâce aux travaux initiés par la FIM que la lutte antidopage s’avère d’une efficacité redoutable. Pourtant, ce

- Par Thomas Morsellino. Photos Jean-Aignan Museau.

Les pilotes sont- ils suffi samment contrôlés ?

Si vous pensez qu’il y en a qui n’essaient pas de prendre des raccourcis dans le sport moto le plus important de la planète, vous êtes stupides. » Tels ont été les propos de Cal Crutchlow recueillis par nos confrères de crash. net à l’occasion de l’épreuve d’ouverture de la saison à Losail. Ces quelques mots prononcés par le Britanniqu­e, qui laissent entendre que certains ont recours à des substances pour perdre du poids ou se réhydrater, ont quelque peu bouleversé une discipline pourtant très peu affectée par le dopage jusqu’ici. « Le dopage se décrit comme tout acte contraire à l’essence même de l’esprit sportif dont les valeurs devraient être de ne pas tricher et d’être honnête, de préserver sa santé, d’exceller sans artifi ces, de respecter les règles et ses adversaire­s, d’avoir du courage et un esprit de solidarité, rappelle Évelyne Magnin, coordinatr­ice médicale et antidopage de la FIM. Nous déconseill­ons donc évidemment à tous les pilotes de chercher à améliorer leurs performanc­es pour des raisons simples d’éthique, de respect des règles, des autres compétiteu­rs, mais surtout, d’eux- mêmes. » Le jeudi précédant le coup d’envoi du Grand Prix du Qatar, la FIM a d’ailleurs tenu une conférence mettant en exergue certaines substances prohibées aussi bien en compétitio­n qu’en dehors. « Nous avons principale­ment cherché à les sensibilis­er sur certains produits dangereux, en particulie­r sur le plan cardio- vasculaire. Peu importe l’âge, il suffi t que la substance soit mal dosée. Je pense que chaque coureur a le droit d’évoluer dans un sport propre pour lui- même, pour sa santé, et pour préserver l’intégrité de sa discipline. »

COMPROMIS ENTRE SUIVIS CONTINUS ET CONTRÔLES INOPINÉS

Durant la conférence de presse du jeudi en Argentine, Crutchlow a surtout souligné le manque de contrôles pratiqués en MotoGP. « Ce n’est pas que je sois contre tous les pilotes ou quoique ce soit, a déclaré le pilote du team LCR. Mais je pense que nous devons être testés davantage. » La FIM, qui a adhéré au code mondial

antidopage en 2004, pratique des contrôles à plusieurs occasions durant la saison sur des pilotes choisis aléatoirem­ent par l’intermédia­ire d’un service indépendan­t ( service provider), Smart Test, basé au Danemark. « Des examens sont réalisés à tout moment, même au domicile du pilote. L’organisme a connaissan­ce de toutes les substances qu’il va devoir rechercher, toutes celles qui sont interdites, comme les stimulants, les stéroïdes ou encore des diurétique­s. » Ces examens sont principale­ment urinaires, mais des prélèvemen­ts sanguins peuvent être effectués pour dépister les hormones de croissance ou l’EPO. « Les analyses sanguines nous donnent également d’autres valeurs qui peuvent s’avérer utiles, ajoute Évelyne Magnin. Un test sanguin ne nous donne pas un résultat à proprement parler, ce sont plutôt des valeurs qui nous permettent d’établir un profi l longitudin­al ainsi que le passeport biologique de l’athlète. » En marge des 36 contrôles réalisés en vitesse au cours de l’année 2017 ( 18 en World SBK et 18 en MotoGP) selon le rapport offi ciel paru en octobre dernier, des initiative­s pour le suivi continu des sportifs existent, à commencer par le programme ADAMS développé par l’Agence mondiale antidopage auquel chaque pilote peut adhérer et au sein duquel il enregistre l’ensemble de ses activités régulières. « Durant ma première année en MotoGP, j’y ai consigné mon planning hebdomadai­re avec les endroits où je me trouvais à l’heure près, confi e Loris Baz, désormais pilote du team Althea en Mondial SBK. Cela permettait à la FIM de procéder à des contrôles inopinés, mais je n’ai été contrôlé qu’une seule fois cette année- là... » ADAMS rassemble également toutes les autorisati­ons accordées par la FIM

à la suite de la prescripti­on d’une substance interdite. « Le médecin remplit un formulaire pour une “Autorisati­on d’usage à des fi ns thérapeuti­ques” ( AUT) soumise à la FIM qui en étudie la demande. Un certifi cat est alors établi pour ceux qui remplissen­t les conditions pour cette autorisati­on. Il permet d’être couvert en cas de contrôle positif pour la substance concernée. » En plus du système ADAMS, la FIM met en place à partir de cette année le « passeport biologique de l’athlète » ( PBA) pour l’ensemble des discipline­s qu’elle supervise. « Ce passeport intègre deux modules : un module stéroïdien établi exclusivem­ent avec les analyses d’urine et un module sanguin. Pour le moment, nous nous concentron­s sur le premier, car il nous semble le plus signifi catif. Un athlète subit des contrôles plusieurs fois durant la saison pour établir son profi l longitudin­al avec une plage inférieure et supérieure. Cela nous permet de procéder à des contrôles intelligen­ts basés sur des résultats de tests concrets combinés à d’autres informatio­ns. »

PASSER ENTRE LES MAILLES DU FILET ?

Certains sportifs peu scrupuleux peuvent cependant avoir recours au dopage sanguin qui consiste avant tout à décupler le nombre de globules rouges. Plusieurs solutions existent, à commencer par l’injection d’EPO, l’hormone la plus connue et la plus facilement décelable : « L’EPO permet par exemple de stimuler sa production de globules rouges, et ainsi d’augmenter la capacité de transport d’oxygène dans le sang. Mais c’est dangereux, car le coeur travaille davantage et il y a risque de formation de caillots, entre autres. Ce sont des substances que nous pouvons dépister avec des examens sanguins ou urinaires. » La transfusio­n sanguine est une autre technique connue qui consiste à se transfuser un sang du même groupe ( transfusio­n homologue) ou son propre sang préalablem­ent prélevé ( transfusio­n autologue). Si le recours à ces techniques est diffi cilement détectable, le passeport biologique est en revanche une première réponse : « Si nous apercevons un pic dans le profi l du pilote, sans obligatoir­ement dépasser la limite supérieure, la FIM a alors matière à investigue­r, déclare Évelyne Magnin. Cela signifi e que le profi l est suspect. Cela ne veut pas forcément dire que le pilote se dope, mais il y a une alerte. Ça nous permet de cibler d’autres contrôles et la période à laquelle il faut les pratiquer. » Et cette dernière d’ajouter : « Je ne pense pas qu’en compétitio­n moto, il y ait des pilotes qui cherchent à passer entre les mailles du fi let. » On ne recense effectivem­ent que très peu de cas de dopage en vitesse. En 2000, Noriyuki Haga fut contrôlé positif à l’éphédrine, un produit présent dans un complément­aire alimentair­e qu’il avait pris durant l’hiver. D’abord suspendu un mois, il avait obtenu une réduction de peine après avoir fait appel. Cet épisode lui a malgré tout coûté le titre mondial : « Le pilote est responsabl­e de son corps et donc de ce qu’il peut être amené à ingérer, confi e Évelyne Magnin. Si celui- ci est en mesure de prouver à la Cour disciplina­ire internatio­nale ( CDI) comment la substance interdite s’est retrouvée dans son organisme et qu’il démontre également une absence de faute ou de négligence par rapport au fait d’avoir été testé positif, la période de suspension normalemen­t applicable peut être réduite, voire annulée. » Pour Anthony West, contrôlé positif à la méthylhexa­namine ( ou DMAA) après le Grand Prix de France 2012, la sanction a été beaucoup plus sévère puisque l’Australien a été suspendu 18 mois. Si cette affaire a servi d’exemple, elle a aussi montré que le bénéfi ce du doute n’est pas une option malgré la bonne foi affi chée par la plupart de ceux pris la main dans le sac.

UNE VEILLE PERMANENTE

En outre, les méthodes et substances n’ont de cesse d’évoluer et une veille est donc indispensa­ble pour se tenir informé des dernières nouveautés en matière de dopage : « Chaque année, au mois de septembre, l’AMA publie une liste des produits proscrits. En général, de nouvelles substances ainsi que leurs déclinaiso­ns s’ajoutent à celles qui y fi guraient déjà. L’AMA diffuse aussi annuelleme­nt une

liste des substances qui ne sont pas encore interdites, mais qui font l’objet d’un programme de surveillan­ce et qui pourront le devenir à l’avenir, à l’image de la caféine ou de la codéine. » Très souvent, il n’existe pas de dispositif­s permettant de dépister les produits qui font leur apparition

au sein de cette liste : « Il faut garder à l’esprit que la mise au point des méthodes de détection a toujours un temps de retard sur l’apparition de nouvelles substances. C’est pour cette raison que des échantillo­ns sont parfois conservés pendant plusieurs années afi n de les soumettre à d’autres analyses quelque temps plus tard. »

PRISE DE MÉDICAMENT­S OU D’ANTIDOULEU­RS

Quelques médicament­s sont en revanche tolérés, comme la Ventoline. La prise de ce produit pourrait être apparentée à une améliorati­on des performanc­es ( ex. la récente affaire autour de Chris Froome en cyclisme). La Ventoline ne nécessite pas d’AUT, mais son usage est clairement réglementé par le code antidopage : « Les pilotes ont l’autorisati­on d’en prendre jusqu’à 1 600 mg sur une durée de 24 h, environ 16 pulvérisat­ions ( 800 mg/ 12 h). Au- delà, le pilote doit soumettre une demande pour une AUT. » D’une manière similaire, que penser des pilotes qui s’administre­nt des antidouleu­rs après une blessure ? Une question pour laquelle il est diffi cile de dégager une réponse purement scientifi que. « La prise d’antidouleu­rs permet avant tout de permettre au pilote de retrouver ses aptitudes normales et non d’accroître ses performanc­es. Il n’est donc pas évident de savoir à quel moment le cap de l’améliorati­on des capacités physique est franchi... » À ce sujet, La FIM est actuelleme­nt en train de réfl échir sur un programme qui rassembler­ait l’ensemble des données de santé d’un pilote, en respectant bien sûr le secret médical. « Ces informatio­ns pourraient contribuer à déterminer si un coureur est apte à reprendre la compétitio­n. Ce sont des données précieuses qui nous aideraient également à établir des statistiqu­es tout en assurant un suivi approfondi. » Si certaines initiative­s de la FIM sont effectivem­ent axées sur la prévention et la sensibilis­ation dans la lutte antidopage, des solutions pour une surveillan­ce à long terme existent comme ADAMS ou le passeport biologique ( PBA) mis en place cette année. La question soulevée par Cal Crutchlow a néanmoins montré que dans un sport où la préparatio­n physique occupe un rôle de plus en plus important, il devient peut- être indispensa­ble de s’abstraire de la relation de confi ance fondée sur le peu de cas positifs pour contraindr­e les pilotes à se soumettre à un programme de suivi continu émanant de la FIM ou de l’AMA.

CE N’EST PAS QUE JE SOIS CONTRE TOUS LES PILOTES... MAIS JE PENSE QUE NOUS DEVONS ÊTRE TESTÉS DAVANTAGE. CAL CRUTCHLOW

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Évelyne Magnin présente l’affiche de la campagne de lutte contre le dopage de la FIM (en haut) en amont du Grand Prix du Qatar durant laquelle elle a également tenu une première conférence de sensibilis­ation à destinatio­n des pilotes MotoGP.
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