Rencontre : De Puniet........
Si la réussite ne fut pas au rendez-vous des dernières 24 Heures du Mans pour la Kawasaki n° 11, Randy de Puniet se plaît dans cette discipline qu’il apprécie de plus en plus.
L’offi ciel Kawasaki se régale sur le tour d’horloge.
« AUJOURD’HUI, JE FAIS DE LA MOTO POUR LE PLAISIR, ET MON PLAISIR AU GUIDON EST D’ALLER VITE ! »
L’ histoire de Randy de Puniet dans le monde de l’endurance est toute fraîche, même si ses premiers pas dans la discipline ont presque quatre ans. Alors que sa carrière en MotoGP est consommée, celle en Superbike peine à démarrer. En 2014, il occupe le job de pilote de développement pour la Suzuki MotoGP. De quoi offrir à Éric Mahé, son manager depuis le début des années 2000, la possibilité de poser des jalons pour permettre à son pilote d’assouvir un vieux rêve : « J’ai toujours eu envie de prendre le départ des 8 Heures de Suzuka. En 2014, je n’avais pas de programme de course. Quand l’opportunité de rouler dans de bonnes conditions avec le team Yoshimura s’est présentée, j’ai signé tout de suite. » Si la deuxième place fi nale est plus qu’honorable, l’expérience s’avère quelque peu délicate. Comme souvent, les 8 Heures se disputent dans des conditions de piste incertaines. Le départ est retardé à cause d’un déluge, et les premières heures de course sont le théâtre d’averses aussi intenses que régulières. Un gras mouillé que Randy exécrait durant les séances d’essais. Ce qui pousse le management du team à lui préférer ses coéquipiers pourtant moins véloces que lui dans ces conditions. RdP bouillonne et menace de quitter le circuit avant la fi n de la course. Il fi nit par prendre le guidon durant les deux dernières heures et contribue activement à hisser la Suzuki Yoshimura n° 34 sur la deuxième marche du podium. Une belle performance qui, pourtant, ne lui permet pas de fi gurer en bonne place dans les tablettes de Suzuki en endurance. Même s’il dispute le championnat du monde de Superbike pour leur compte, via le team anglais Crescent, personne ne juge bon, chez Suzuki, de renouveler l’expérience Suzuka. « J’ai signé une fi n de carrière en vitesse un peu pénible, j’en avais un peu marre. En 2015, en Superbike, c’était un désastre. Ensuite, je suis allé faire des tests pour Suzuki, sans participer à des courses. J’avais perdu l’envie, j’étais à saturation, je ne prenais plus de plaisir » , concède Randy. Pourtant, les réjouissances spécifi ques à l’endurance
« JE M’ARRÊTERAI QUAND J’EN AURAI MARRE. MAIS ÇA PEUT ÊTRE DANS UN, DEUX, TROIS, QUATRE OU DIX ANS »
l’ont déjà conquis : « Le pilotage de nuit, les dépassements, la gestion des attardés et toutes ces découvertes m’ont apporté une nouvelle forme de plaisir » , reconnaîtil déjà. À la fi n de l’été 2016, il reçoit un coup de fi l de son vieux pote, Fabien Foret. À ce moment, il est pilote d’essais pour le programme MotoGP de KTM en plus de son boulot de consultant pour Eurosport sur les Grands Prix. « Veux- tu venir rouler avec nous au Bol d’Or sur la n° 11 ? Il nous manque un pilote » , lui demande Foret. Après s’être entendu avec Gilles Staeffl er, le boss de Kawasaki en endurance, il donne son feu... vert : « J’avais alors envie de participer de nouveau à des courses et je me suis dit que c’était le moment idéal pour arriver en endurance : c’était dans un bon team, avec Fabien et au Castellet. C’est le retour sur le circuit varois qui m’a poussé à y aller. » Tout se passe super bien et Kawa termine deuxième : « Je retrouve du plaisir, je m’amuse avec la moto tout en ayant moins de pression, moins de stress » , s’enthousiasme- t- il. En plus du Bol 2016, un nouveau pacte est signé pour Le Mans 2017 et le Bol 2017, coup d’envoi de la saison mondiale 2018 d’endurance. Randy y décroche deux pole positions magistrales, auxquelles il faut ajouter le meilleur chrono des qualifs du Mans 2018. « Lorsque je fais un tour qualif qui se transforme en pole, c’est du bonheur. C’est un peu comme un tour chrono en Grands Prix. Me donner à 100 % quand je suis au guidon est quelque chose que j’ai dans le sang, dans mes gènes. C’est ce qui me plaît et c’est ce qui fait que je tombe des chronos. Pendant une heure, à chaque relais, je suis concentré sur la performance. J’aime ça. En revanche, si demain, on me dit qu’il faut rouler à 50 % pour ramener la moto, j’aurais probablement du mal à le faire sauf si c’est dans un but bien précis. Mais je ne passerai pas ma vie à rouler à 50 %, ça me gonfl erait vite ! Aujourd’hui, je fais de la moto pour le plaisir et mon plaisir au guidon est d’aller vite » , s’exclame- t- il.
« LA MOTO N’EST PLUS MON SEUL CENTRE D’INTÉRÊT »
Alors que la Kawasaki n° 11 termine sur la troisième marche du podium au Mans, la nouvelle pole de Randy au Bol d’Or le place en situation de vainqueur. Aux manettes pour les premiers tours de course, De Puniet atomise la concurrence et creuse un écart qui laisse pantois les observateurs jusqu’au moment où les chronos s’effondrent et que la verte regagne défi nitivement son stand, moteur cassé. Pour autant, il n’est pas abattu : « La moto n’est plus mon seul centre d’intérêt. J’ai plusieurs activités différentes, dont celle de consultant sur
les Grands Prix pour Eurosport, ce qui me permet, si ça passe mal sur la moto, d’enchaîner aussitôt sur autre chose. Lorsque tu es pilote de MotoGP, la totalité de ta vie tourne autour de la moto. Je l’ai bien réalisé lorsque ça m’est arrivé. Ce n’est plus mon cas aujourd’hui, et c’est très bien ainsi. Regarde, lorsque j’ai cassé au bout d’une demi- heure alors que nous étions en tête au Bol d’Or, j’ai accepté cet événement, ce qui n’aurait pas du tout été le cas – même à mon âge –, si cela s’était déroulé dans le cadre d’un GP ! Je ne suis plus dans cet état d’esprit où le résultat d’une course engage toute ma vie ! » Si, au coeur de l’été, il est allé disputer les 8 Heures de Suzuka 2017 au guidon de la Honda F. C. C., avec une 3e place à la clé, c’est de nouveau avec Kawasaki qu’il s’est engagé pour 2018. « Dans la lignée du Bol, on a trouvé un deal avec Kawasaki pour disputer les 24 Heures Motos et les deux courses de huit heures suivantes que sont la Slovaquie et Oschersleben. En revanche, la Kawasaki offi cielle est complète pour Suzuka, donc je suis libre de trouver un autre guidon. » Une situation qui aurait pu déplaire à Randy mais dont il s’accommode avec facilité : la gestion de Suzuka n’est pas du tout faite par les mêmes personnes que le reste de la saison. Il y avait déjà une équipe en place, avec Kazuma Watanabe, le Japonais de service, et Leon Haslam. Jonathan Rea a également manifesté son désir de rouler.
« JE N’AI PAS DE TEAM IDÉAL. JE VEUX JUSTE ÊTRE BIEN »
« Il était normal que le triple champion du monde de Superbike ( qui a remporté les 8 Heures de Suzuka en 2012 au guidon
d’une Honda, ndlr) soit retenu. Tout est logique. Haslam fait toujours du bon boulot à Suzuka, et il faut un Japonais. Je n’ai
donc aucune déception, ni amertume de ne pas être sur la Kawasaki à Suzuka. Ça me permet d’être libre pour le Bol d’Or et d’envisager sereinement la saison 2018- 2019 sur une autre moto, ou sur la même mais pour toute la saison ! » Et de viser un titre mondial... En attendant,
Randy se réjouit de sa situation : « Je n’ai pas de team idéal, j’ai juste envie de me faire plaisir, d’être bien, d’être en osmose avec mes coéquipiers. Pour l’instant, tout est nickel et je suis bien où je suis ! » Et le Parisien en redemande : « J’arrêterai quand j’en aurai marre ou si un jour je m’estime plus assez compétitif. Mais ça peut être dans un, deux, trois, quatre ou dix ans. Je n’en ai pas la moindre idée. L’an prochain, l’objectif est de boucler le championnat complet, parce qu’il n’y a que six courses, et ça ne fait pas un calendrier de fou. Tant que j’aurai un programme pour gagner, je continue ! »