Analyses de performance des suspensions et du pilotage
à du développement informatique » , ajoute Paul Vincent, ingénieur data pour Sam Lowes et Iker Lecuona en Moto2.
UNE MOTO PASSÉE AU PEIGNE FIN
Presque 10 Go de données sont générés et enregistrés par le data- logger durant un week- end de Grand Prix en catégorie reine. La majeure partie d’entre elles ne nécessitent pas de post- traitement manuel puisque c’est le logiciel qui s’en charge : « Un capteur nous fournit une information très précise que nous pouvons croiser pour en dégager d’autres, bien plus intéressantes, déclare Alexandre Merhand. Nous pouvons, par expérience, mixer ces données de visu ou passer par des calculs qui prennent en compte de nombreux paramètres. L’analyse se fait virage par virage, tour par tour.
LOGÉS À LA MÊME ENSEIGNE
Certains capteurs concernent davantage le pilotage, comme les gaz, la pression exercée sur les freins ou les suspensions, pour connaître l’équilibre de la moto. Il y a ensuite tous ceux liés au moteur qui permettent d’évaluer la pression d’huile et d’eau. Il y a également un capteur de couple, de vitesse de roue... Tous ceux- ci mis bout à bout nous aident à mesurer par exemple la glisse de l’arrière ( spin). » Avant 2016 et l’introduction du boîtier unique Magneti Marelli, les constructeurs dépensaient des sommes colossales dans
le développement de leur logiciel avec une horde d’ingénieurs à disposition sur place comme à l’usine. Certains logiciels, comme celui mis au point par le HRC, étaient notamment capables d’adapter automatiquement leurs cartographies en fonction de l’usure du pneu arrière. Dans un souci de réduction des coûts, l’ECU unique imposé par le règlement comprend aussi bien le hardware que le software, puisque ce dernier qui permet au boîtier de fonctionner est le même pour tous. La marge de manoeuvre est donc désormais limitée, d’autant plus pour les équipes satellites : « Le travail a été réalisé au préalable par Yamaha. Dans le team Tech3, nous exploitons le logiciel, mais tout ce qui concerne la recherche et le développement n’est pas de notre ressort, explique Alexandre Merhand. C’est Yamaha qui s’en occupe par l’intermédiaire des deux ingénieurs présents dans le box qui arrivent avec de nouvelles idées du département course. Nous l’exploitons sur les conseils de Yamaha. » Et l’ingénieur de Johann Zarco d’ajouter : « En tant que team satellite, il y a beaucoup d’éléments que nous ne connaissons pas dans ce logiciel. Mon travail est de faire en sorte que le pilote soit le plus content possible de ses réglages. Quand je dis réglages, je parle de la puissance à chaque virage, du Traction Control ou encore du frein moteur. C’est la mise en application de ce qu’ils ont trouvé en amont à l’usine. » Des propos qui mettent en exergue les performances du double champion du monde au guidon d’une YZR- M1 satellite face à ses homologues de la structure offi cielle. Jusqu’à présent, l’aide au pilotage est inexistante en Moto3 comme en Moto2. Néanmoins, si le championnat du monde Moto2 accueillera Triumph en tant que motoriste unique dès 2019, l’électronique fera également son entrée avec Magneti Marelli : « Nous ne disposons pas encore de beaucoup d’informations à ce sujet, car le boîtier est en développement pour l’adapter au nouveau moteur Triumph, annonce Paul Vincent.
UNE PLACE POUR LA TRICHE ?
Il semble qu’il y ait plus de possibilités sur le réglage de frein moteur, c’est la seule chose dont nous pouvons être à peu près certains. En ce qui concerne le Traction Control, c’est encore très fl ou. Aussi, je suis quasiment sûr qu’on ne pourra pas toucher à la boîte de vitesses. » Contrairement au MotoGP, seul le boîtier sera imposé, libre aux équipes de choisir leur logiciel : « Je pense qu’on aura le choix de continuer d’utiliser le système 2D qui est un excellent logiciel d’analyse avec son programme châssis ou de passer complètement au Magneti Marelli. » La Triumph Moto2 pourvue du boîtier Magneti Marelli a d’ailleurs fait ses premiers tours de roues sur le circuit d’Aragon début mai avec Julian Simon aux commandes. Si la télémétrie est prohibée en MotoGP, le téléchargement des datas peut quant à lui se faire sans fi l entre le boîtier et l’ordinateur de l’ingénieur par l’intermédiaire d’une clé
Wi- Fi pour des raisons pratiques. Mais alors est- il possible d’aller au- delà ? Matthieu Grodecoeur, ingénieur et chef mécanicien en Moto2, se veut rassurant : « Pour faire de la télémétrie, il faudrait que la moto soit pourvue d’un système bien plus important. De même, cela nécessiterait une antenne d’acquisition sur le camion pour récupérer les données en temps réel. Ce procédé est interdit par le règlement. » L’usage de la télémétrie s’avère également plus compliqué en moto où le pilote peut très diffi cilement agir en temps réel sur les settings de sa machine en comparaison à ses homologues à quatre roues. Aucun cas de piratage de données n’est à déplorer dans le paddock, et quand bien même cela serait le cas, les informations récupérées seraient diffi cilement exploitables : « De notre côté, nous ne disposons pas du même logiciel sur notre ordinateur que celui du team usine, certaines fonctionnalités sont bloquées. Il y a également des choses qu’ils cachent par souci de confi dentialité » , explique Alexandre Merhand. L’électronique devient une technique incontournable du MotoGP. Bien que bénéfi que, quelques irréductibles sont convaincus qu’il est possible de s’en abstraire à l’image de Casey Stoner : « Certains teams et constructeurs oublient à quel point le pilote est important. Ce que disent les datas est une chose, ce qu’on ressent en est une autre. Je pense qu’il est encore possible de gagner sans utiliser d’ordinateurs. »