GP Racing

L’entourage des top..........

Les stars MotoGP sont entourées comme jamais.

- Par Michel Turco. Photos Jean-Aignan Museau.

Qui mieux que Valentino Rossi peut témoigner des exigences de la compétitio­n moto ? En plus de vingt saisons de Grands Prix, le nonuple champion du monde a vu son sport se profession­naliser à tous les étages. « Désormais, on ne peut plus rien laisser au hasard, assure- t- il. Pour être performant, chaque détail doit être pris en compte et optimisé. » C’est ainsi qu’au fi l des ans, Valentino a développé ses méthodes d’entraîneme­nt et étoffé son équipe pour se maintenir au niveau d’adversaire­s de plus en plus jeunes et performant­s. De fait, les structures des teams ont, elles aussi, peu à peu évolué. « Il y a encore quelques années, le team manager était la personne avec laquelle le pilote échangeait et décidait, témoigne Hervé Poncharal. Avec la profession­nalisation du sport et l’arrivée des gros sponsors, tout un tas de gens se sont mis à graviter autour de nous, attirés par la lumière. Le fait de travailler avec des pilotes de plus en plus jeunes et totalement assistés a aussi transformé le paysage. Les parents, la famille et les amis sont devenus des interlocut­eurs incontourn­ables. Un môme de quinze ans ne peut pas voyager seul, les liens qu’ils tissent avec ceux qui l’accompagne­nt à ce momentlà perdurent par la suite. Tout cela complique les choses. Et puis il y a le sport lui- même, toujours plus exigeant physiqueme­nt qui amène les pilotes à s’entourer d’entraîneur­s et de soigneurs pour rester en meilleure forme possible. » Ainsi Johann Zarco travaille- t- il à présent avec Stéphane Mifsud, le recordman du monde d’apnée statique qu’il a rencontré l’an dernier. Séduit par l’humilité et la personnali­té du pilote, le fondateur de l’Odyssée Bleue qui apporte ses conseils à plusieurs sportifs a proposé à Johann quelques exercices, convaincu de pouvoir l’aider dans sa préparatio­n, aussi bien physique que mentale. « Avec Romain, son préparateu­r, on a mis en place un travail en apnée sur des séances de musculatio­n et de home- trainer » , explique Mifsud.

« IL Y A DES CHOSES QUE LES CHIFFRES NE DISENT PAS »

« L’an dernier, sur les quarante- cinq minutes de course, j’étais à 178 pulsations de moyenne, avec des pointes à 183/ 185, confi e le pilote Tech3 qui a vite compris que l’apnée pouvait lui apporter autre chose que le plaisir de se retrouver sous l’eau. Cette année, je tourne à 170/ 172 de moyenne. Je suis moins essouffl é, donc plus lucide sur la moto. » Avec Laurent Fellon pour l’entraîneme­nt moto, Romain Guillot pour la préparatio­n physique, Alexandre Mathieu pour la récupérati­on et désormais Stéphane Mifsud, le double champion du monde Moto2 a choisi ceux qui l’accompagne­nt. Vicechampi­on du monde MotoGP, Andrea 3 Dovizioso explique de son côté sa récente progressio­n au travers de l’équipe qu’il s’est constituée pour développer son physique comme son mental. Il y a Francesco Chionne, le kiné qui ne le quitte jamais, Dario Boschero, son diététicie­n, Francesco Cuzzolin, son préparateu­r physique, mais surtout Eugenio Lizana, un psychologu­e chilien proche de joueurs de la Roja, l’équipe nationale de football. « C’est lui qui l’a aidé à travailler sa concentrat­ion et qui lui a appris à ne rien laisser interférer sur sa pensée » , explique Simone Battistell­a, son agent. Mais c’est, semble- t- il, la rencontre d’un certain Amadeo Maffei qui a radicaleme­nt transformé le pilote Ducati. Un gourou pour certains, un préparateu­r mental pour d’autres. « C’est un gars qui s’intéresse à la psychologi­e comme à la philosophi­e et dont Andrea est devenu très proche, ajoute Battistell­a. Il lui a fait changer son approche de la vie. Andrea est aujourd’hui plus ouvert et plus relax face aux problèmes. Il écoute les autres et essaie en permanence de trouver des outils pour progresser. Il a compris qu’il lui manquait des cartes dans son jeu et il cherche à se les procurer. » Si tous les pilotes n’ont pas recours à des psychologu­es ou des diététicie­ns pour optimiser leurs performanc­es, nombre d’entre eux travaillen­t sur les circuits avec un coach, ou plus exactement avec un observateu­r qui ne rate rien de leurs tours en piste. Après sa victoire à Jerez,

« MON JOB, C’EST DE PROTÉGER MES PILOTES DES SOURCES DE STRESS EXTRA-SPORTIF » É. MAHÉ

en 2016, Rossi n’avait pas manqué d’associer Luca Cadalora à son succès. « Cette première place, c’est aussi un peu la sienne, avait dit ce jour- là l’Italien. Je suis très heureux qu’on puisse la partager. » Aux côtés de Valentino, Luca tient chez Yamaha le rôle qu’occupe Zeelenberg auprès

de Viñales. « J’essaie d’apporter ma pierre à l’édifi ce comme je peux, explique- t- il. Je regarde, j’observe, je donne des infos et j’essaie d’évaluer s’il y a moyen, quelque part, d’améliorer la performanc­e. Je fais partie d’un groupe, je n’impose rien, je dis ce que je vois du bord de la piste. Valentino et les technicien­s le prennent en compte ou pas. Ce n’est pas toujours facile car je suis quelqu’un d’assez émotif et je peux vite m’enfl ammer. Je fais en sorte de garder un peu le frein à main... Je regarde aussi les données avec Galbusera et Matteo... J’ai toujours aimé la technique. Après, il y a des choses que les chiffres ne disent pas. Il n’y a que du bord de la piste qu’on peut voir si la moto passe à un mètre ou trente centimètre­s du point de corde. » Longtemps conseillé par Randy Mamola, Bradley Smith est convaincu de ce que peut apporter ce regard extérieur. « Quand tu es sur le bord de la piste durant une séance d’essais, tu vois qui fait quoi, détaille le pilote KTM. Tu sais qui va vite, qui se traîne, qui freine fort, qui accélère tôt, qui passe où et prend quelle trajectoir­e... Aucune donnée ne peut te fournir les informatio­ns qu’un coach va recueillir du bord de piste. Bien sûr, il faut que ces infos soient ensuite transmises correcteme­nt à l’équipe et au pilote, mais cela ne peut qu’être un plus. Ça t’offre des suggestion­s, des pistes de travail... Ça peut aussi t’aider à comprendre les points forts et les points faibles de tes adversaire­s et de leur moto. C’est très précieux. »

« LE PILOTE NE DOIT PAS AVOIR LE MOINDRE DOUTE »

Dans le garage, c’est le chef mécanicien qui joue le rôle principal en servant de relais entre le pilote et l’ensemble des technicien­s. Là encore, la complicité est de mise quand on cherche le dernier centième. « Je suis là pour modérer ses émotions, mesurer ses humeurs et le remotiver quand il le faut au travers de la technique et de la moto, explique Christophe Bourguigno­n, l’homme

de confi ance de Cal Crutchlow. Je suis celui à qui il parle durant les séances d’essais, et c’est donc à moi de lui rappeler les règles quand il les oublie, de l’informer des stratégies mises en place ou encore de le renseigner sur la technique, les pneus, le rythme à adopter par rapport à ce qu’on sait de notre matériel. J’ai une idée de ce que la moto est capable de faire, de ce que mon pilote est capable de faire... À partir de là, je suis un modérateur des performanc­es. Quand le pilote veut en faire plus que ce que la moto permet, j’essaie de le recentrer pour optimiser notre potentiel. » Un bon chef mécanicien doit aussi savoir faire la part des choses, comprendre quand son pilote est dans le vrai ou à côté de la plaque... Et puis il faut savoir parfois laisser passer l’orage et accepter la colère ou la frustratio­n. « Il faut être capable de mettre le pilote dans les meilleures conditions psychologi­ques par rapport à la moto, note Nicolas Goyon, le chef mécanicien de Hafi zh Syahrin. Quand il monte sur la moto, il ne doit pas avoir de questions à se poser, il ne doit pas avoir le moindre doute. Il doit être persuadé que sa machine est réglée du mieux possible pour les conditions du moment. Mon rôle, c’est de lui permettre de se concentrer à cent pour cent sur son pilotage. » Libérer l’esprit du pilote, c’est également le rôle de l’agent ou du manager, selon comme on le nomme. « Ses fonctions peuvent être diverses, précise Éric Mahé qui s’occupe aujourd’hui de Fabio Quartararo, Jules Cluzel, Loris Baz, Randy de Puniet et Jeremy Guarnoni. En fait, il n’y a pas un agent type. L’agent classique est là pour gérer le business, pas pour coacher le pilote. Mais chez certains pilotes, l’agent est aussi le coach. C’est le cas de Zarco. Le premier boulot d’un agent, c’est de faire en sorte que le pilote n’entende parler de rien afi n de rester concentré sur ce qu’il fait dans le garage. On voit d’ailleurs très souvent la différence entre un pilote qui a un agent

et travaille sereinemen­t et celui qui n’en a pas et s’inquiète pour son avenir. Avec mes pilotes, j’intrigue, le fais le tour, recueille les infos dont j’ai besoin... Mais je leur épargne les étapes intermédia­ires de mes négociatio­ns. J’ai déjà eu un pilote viré, qui n’a pas su qu’il l’était et qui fi nalement n’a pas été viré... Au- delà du fait de défendre leurs intérêts, mon job, c’est de protéger mes pilotes des sources de stress extra- sportif. » Avocat de formation, Simone Battistell­a travaille à la carte avec ses pilotes. « On a deux secteurs, explique l’agent et ami d’Andrea Dovizioso. D’un côté, on négocie et on gère les contrats, avec les obligation­s qui en découlent et les droits à respecter. Et puis de l’autre, on interfère sur la performanc­e en aidant le pilote à s’entourer des bonnes personnes. Certains préfèrent s’occuper de ça tout seuls, mais d’autres ont besoin de conseils et d’outils pour progresser. Tout cela devient d’ailleurs de plus en plus compliqué car le niveau de la compétitio­n est tellement élevé que chaque aspect de la course est poussé au maximum. Le moindre détail compte et peut faire la différence. Pour gagner, un pilote doit être au top ans dans tous les secteurs. Et pour cela, il a besoin d’avoir les meilleurs autour de lui. »

« L’IMPORTANT, C’EST LE POTENTIEL ET L’ATTITUDE »

Comme Hervé Poncharal, Lucio Cecchinell­o prend la mesure de l’évolution de la fonction du team manager. « Aujourd’hui, je n’ai plus du tout le même rôle avec mes pilotes, témoigne le patron de l’équipe Honda LCR. En MotoGP, il n’y a que des pointures, la plupart des gars ont été champions du monde dans une catégorie ou une autre. En Moto2 et en Moto3, un team manager peut faire de la pédagogie avec ses pilotes. La plupart des jeunes ne savent ni s’entraîner, ni s’alimenter, ni même se comporter sur la piste et dans le paddock avec leurs adversaire­s ou avec les médias. Il faut les aider à acquérir des méthodes. Je serais ridicule si j’expliquais à Cal ce qu’il doit faire en course. Mon rôle, c’est de faire en sorte que tout fonctionne dans l’équipe : la technique, la communicat­ion, le réceptif, le commercial... J’orchestre tout ça pour que tout le monde puisse travailler dans les meilleures conditions possibles et donc donner le meilleur de lui- même. » Successeur de Livio Suppo à la tête de l’équipe Honda Repsol, Alberto Puig a une vision plus radicale de son rôle et de la performanc­e de ses pilotes. « L’important, ce ne sont pas les gens autour du pilote, assène l’Espagnol. C’est le potentiel et l’attitude. Après, dans ce business, il faut un patron qui connaisse le sport et qui ait assez de poigne pour contrôler les histoires qui circulent. Ce n’est pas toujours facile, mais je m’y emploie. » Dani Pedrosa en sait quelque chose.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Avec Romain Guillot, son préparateu­r physique, Johann Zarco travaille réflexes, résistance, explosivit­é... Sa récupérati­on, le pilote Tech3 la confie aux mains d’Alexandre Matthieu, son kiné attitré. Durant neuf ans, Wilco Zeelenberg et Jorge Lorenzo ont formé un duo particuliè­rement efficace avec, à la clef, trois titres de champion MotoGP. Chef mécanicien de Cal Crutchlow, Christophe Bourguigno­n ne s’occupe pas que de technique pour le pilote britanniqu­e.
Avec Romain Guillot, son préparateu­r physique, Johann Zarco travaille réflexes, résistance, explosivit­é... Sa récupérati­on, le pilote Tech3 la confie aux mains d’Alexandre Matthieu, son kiné attitré. Durant neuf ans, Wilco Zeelenberg et Jorge Lorenzo ont formé un duo particuliè­rement efficace avec, à la clef, trois titres de champion MotoGP. Chef mécanicien de Cal Crutchlow, Christophe Bourguigno­n ne s’occupe pas que de technique pour le pilote britanniqu­e.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Depuis trois ans, Luca Cadalora épaule Valentino Rossi. L’ancien champion du monde ne rate aucun tour de piste du pilote Yamaha. Sete Gibernau essaie, depuis deux saisons, d’apporter son soutien à Dani Pedrosa. Insuffisan­t semble-t-il... Éric Mahé a pris en main la carrière de Fabio Quartararo, vainqueur en Catalogne de son premier Grand Prix. Solitaire, Maverick Viñales est l’un des pilotes à l’entourage très resserré.
Depuis trois ans, Luca Cadalora épaule Valentino Rossi. L’ancien champion du monde ne rate aucun tour de piste du pilote Yamaha. Sete Gibernau essaie, depuis deux saisons, d’apporter son soutien à Dani Pedrosa. Insuffisan­t semble-t-il... Éric Mahé a pris en main la carrière de Fabio Quartararo, vainqueur en Catalogne de son premier Grand Prix. Solitaire, Maverick Viñales est l’un des pilotes à l’entourage très resserré.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France