Guidotti, de père en fils
30 ans de Grands Prix en famille.
Aujourd’hui âgé de 76 ans, Fabrizio Guidotti restera pour d’innombrables pilotes des années quatre- vingt- dix l’artisan de leurs succès. Homme de l’ombre de l’armada Aprilia, fi dèle d’Ivano Beggio et lieutenant de confi ance du tandem Jan Witteveen/ Carlo Pernat qui présidait alors à la destinée du service course de l’usine de Noale, Fabrizio Guidotti fut celui qui assembla et entretint des dizaines et des dizaines de 125 et de 250 compétition- clients à l’époque où les deux- temps italiens inondaient tous les championnats de vitesse. À la tête d’une structure qui faisait alors travailler une quinzaine de personnes dans sa ville natale de Florence, cet habile technicien a été de tous les bons coups chez Aprilia. « Il a géré la technique pendant des années et a fi ni par s’occuper du programme sportif, glisse Francesco, l’un de ses deux fi ls. C’est lui qui a développé la première 250 Aprilia compétition- client en 1987. C’était les débuts de la marque en Grands Prix avec Loris Reggiani, et c’est lui qui a construit la première moto d’August Auinger. Il était vraiment bon, la preuve, c’est que lorsqu’il a dit à Beggio qu’il ne voulait plus travailler à Noale mais chez lui à Florence, cela n’a posé aucun problème. Il est vrai que chez Aprilia, on a toujours aimé la fl exibilité. » Sa passion de la mécanique, Fabrizio Guidotti a commencé à la forger dès la fi n des années soixante. « À l’époque, il y avait en Italie des dizaines de constructeurs de motos, reprend Francesco, aujourd’hui team manager de l’équipe Ducati Pramac. Rien qu’à Florence, ils étaient trois. Dont Ancilotti, et Fabrizio, la marque de mon père. En fait, il construisait des partiecycles de cross et il y montait des moteurs Minarelli. C’était un bon technicien, mais il n’avait pas l’âme d’un entrepreneur. Alors il est parti travailler chez Beta. Il y est resté jusque dans les années 80 et a aidé Jordi Torres à obtenir ses premiers succès. Mais le trial, ça n’était pas son truc. Alors, quand Aprilia l’a appelé pour la vitesse, il ne se l’est pas fait dire deux fois. »
« J’AI APPRIS EN REGARDANT TRAVAILLER NOTRE PÈRE »
Entre- temps, ses deux fi ls sont nés. Francesco, en 1972, et Giacomo, trois ans plus tôt. « On a grandi dans l’atelier en démontant des moteurs et en roulant en motocross qui était au départ la grande passion de la famille » , explique l’aîné des deux frangins qui travaillait cette année dans l’équipe Honda Repsol en tant que chef mécanicien de Dani Pedrosa. Les gamins n’iront pas longtemps à l’école. « Ce n’est pas ce qui nous branchait le plus, confesse Francesco. J’ai fait deux ans de plus que mon frère, mais comme lui, j’ai très vite travaillé dans l’entreprise familiale après avoir effectué mon service militaire. De toute façon, avec Aprilia, nous avions du boulot à ne plus savoir qu’en faire. » Encouragé par son père, Giacomo court également en vitesse. « J’ai décroché un titre de champion d’Italie, dit- il fi èrement. J’ai roulé avec Locatelli, Biaggi, Cecchinello, Battaini... Et même avec Rossi quand il débutait en Sport Production. » L’aîné des Guidotti fait également un peu de testing pour le compte du service course Aprilia. « Mais j’ai surtout fait le mécanicien pendant des années, aussi bien en championnat d’Italie qu’en championnat d’Europe et en Grands Prix. » Francesco suit la même route avant de s’orienter vers le management. « Comme mon frère, j’ai appris en regardant travailler notre père, explique- t- il. L’hiver, j’aidais à monter les motos – dans les années quatre- vingt- dix, on en faisait pratiquement quatre- vingt. Et puis en saison, je faisais l’assistance et je m’occupais des pièces détachées en allant d’un circuit à l’autre avec ma camionnette. Il fallait être un peu partout tellement on couvrait de compétitions. » Francesco gère aussi le team Italia, s’occupe des réservations des circuits pour les séances d’essais... « Au fi l des saisons, je suis devenu manager. Au début des années 2000, je m’occupais de l’équipe qui faisait courir Jeremy McWilliams, puis j’ai pris en charge le team MotoGP avec Haga. Je suis resté chez Aprilia jusqu’en 2004, année où le groupe Piaggio a racheté la marque. » Année où par ailleurs son père, alors directeur sportif, prendra sa retraite. Francesco Guidotti travaillera ensuite cinq saisons avec KTM et Harald Bartol qui était en charge du programme Grands Prix pour le constructeur autrichien. Pour Giacomo aussi, 2005 marquera un changement important dans sa carrière. « C’est l’année où j’ai quitté les Grands Prix » , se souvient- il. Et de rappeler : « J’y étais arrivé à plein- temps en 1994 en tant que chef mécanicien de JeanMichel Bayle qui était alors le coéquipier de Biaggi dans l’équipe offi cielle en 250. » Une carrière chez Aprilia qu’il achèvera comme son frère avec l’éphémère programme de la RS Cube en MotoGP. « J’ai été chef mécanicien de Byrne puis de Haga, rappelle- t- il. Quand Piaggio a repris la marque, on m’a proposé de rester mais je n’avais pas envie de replonger avec le deux- temps. Pour moi, ça n’était pas l’avenir. Alors, je suis passé en Superbike avec Suzuki et l’équipe de Francis Batta. Ce fut une très belle expérience car l’équipe était géniale, on était engagés en Superbike, mais aussi en Supersport et Superstock. Et puis j’ai découvert le travail avec un constructeur japonais, je suis allé plusieurs fois à l’usine pour rencontrer les ingénieurs. On a été champion du monde avec Corser.
J’ai passé six belles saisons avant que Suzuki n’arrête. Je suis ensuite parti chez BMW avec Leon Haslam. » Les Grands Prix, Giacomo y reviendra en 2013 avec Hector Barbera et le team Avintia qui fait rouler des FTR en MotoGP. « Et puis mon frère m’a proposé de le rejoindre chez Pramac pour m’occuper de
Yonny Hernandez. » Les frangins Guidotti passeront quatre saisons ensemble. Jusqu’à ce que Livio Suppo, fi n 2016, ne propose à Giacomo de remplacer Ramon Aurin aux côtés de Dani Pedrosa. Un défi que l’Italien va rapidement accepter. « Travailler au HRC avec l’un des meilleurs pilotes du MotoGP, ça ne se refuse pas, lâche- t- il.
« PARTIR D’UNE FEUILLE BLANCHE ME PLAÎT »
Malheureusement, je suis arrivé sur la fi n de carrière de Dani. Sa motivation n’était certainement plus la même. » L’an prochain, toujours sous contrat avec le HRC, Giacomo Guidotti succédera une fois de plus à Ramon Aurin. Cette fois pour s’occuper de Takaaki Nakagami dans l’équipe LCR, le technicien espagnol retournant pour sa part dans le team Honda Repsol pour travailler avec Jorge Lorenzo. « Un nouveau challenge » , dit sobrement l’aîné des Guidotti. Bras droit de Paolo Campinotti, le big boss de Pramac, Francesco est de son côté beaucoup moins soumis aux aléas des transferts et aux caprices des pilotes. « J’avoue que je travaille aujourd’hui dans le confort, confesse le cadet de Guidotti. J’ai la confi ance de Paolo, et j’ai les mains libres pour avancer. Je ne vais pas au bureau tous les jours, je travaille de chez moi quand je ne suis pas sur les circuits, et j’ai du temps à consacrer à ma femme et à mes fi ls. » Pour autant, le Florentin assure que sa passion de la course ne faiblit
pas. « Je suis très excité à l’idée de faire débuter Peco Bagnaia en MotoGP, dit- il. Depuis le passage d’Andrea Iannone, ça sera la première fois qu’on alignera un rookie. Partir d’une feuille blanche, ça me plaît bien, surtout qu’aujourd’hui, on a de très bonnes relations avec Dall’Igna. On se connaît depuis les années Aprilia, et je sais ce que je peux obtenir de Gigi. En temps que team manager, j’ai gagné en 250 et en Superbike, mais jamais encore en MotoGP. J’aimerais bien y parvenir l’an prochain. » En attendant, si besoin est, les frères Guidotti pourront toujours compter sur un conseil de leur père, même si ce dernier a pris du recul avec le monde des Grands Prix. « Il a toujours l’oeil, assure Giacomo. Même si on parle davantage aujourd’hui des enfants que des Grands Prix lorsqu’on se retrouve en famille, il suit la course de près. Mais il profi te aussi de la vie... Avec tout ce qu’il a donné aux pilotes pour lesquels il a travaillé, il le mérite bien. »