GP Racing

« CE COMPROMIS ENTRE MON PILOTAGE ET LA MOTO A FAIT NOTRE RÉGULARITÉ »

- MARC MARQUEZ

En concluant mi- juillet en Allemagne la première moitié du championna­t sur une nouvelle victoire, Marc Marquez savait alors avoir fait le plus dur. Avec une cinquantai­ne de points d’avance sur les Yamaha de Rossi et Viñales, mais surtout avec pratiqueme­nt le double de points des Ducati de Dovizioso et Lorenzo, le leader du championna­t n’avait guère de doutes à nourrir sur ses chances d’obtenir cette année un cinquième titre de champion du monde MotoGP. La Desmosedic­i a eu beau fanfaronne­r à la reprise, en République tchèque, en Autriche et à Saint- Marin, Marquez a logiquemen­t plié l’affaire alors qu’il restait encore trois Grands Prix à disputer. Pour la troisième fois depuis ses débuts en classe reine, le pilote Honda a, sans trop de surprise, triomphé à Motegi, sur les terres de son employeur. En 2014, il y avait rafl é la mise en terminant deuxième de la course derrière Lorenzo. Cette année- là, il lui avait fallu battre Pedrosa et ne pas lâcher plus de trois points à Rossi. « Nous étions alors tous prêts à fêter le titre au Japon, se souvient celui qui avait remporté les dix premières courses de ce championna­t, son deuxième en classe reine. C’était un peu écrit. » Ça l’était beaucoup moins en 2016. Pour être champion à Motegi, Marquez devait en effet gagner et espérer que Rossi ne marque pas de point et que Lorenzo ne monte pas sur le podium. « J’étais loin d’imaginer que les deux pilotes Yamaha allaient tomber en course ! »

« J’AI TRÈS VITE COMPRIS QUE J’AVAIS UN PETIT QUELQUE CHOSE EN PLUS »

Cette fois, il lui suffi sait de prendre deux points de plus qu’Andrea Dovizioso. La chute de l’Italien lui a facilité les choses. « Depuis le Grand Prix d’Aragon, je me préparais à cette éventualit­é, confi ait- il après avoir obtenu sa huitième victoire de la saison. Enfi n, disons que c’est à partir de là que j’ai vraiment commencé à y penser. Ici, les essais ne sont pas super bien déroulés, surtout la qualifi cation... Je suis tombé à la fi n de la FP4, j’ai abîmé une moto, j’ai dû faire la qualifi cation avec une machine qui n’était pas réglée au mieux... Et je me suis retrouvé sixième sur la grille. Cela ne m’a pas empêché de prendre le départ, convaincu que je pouvais jouer la victoire. Il fallait pour cela prendre un bon départ pour ne pas laisser échapper Dovi. J’y suis parvenu. Et puis j’ai très vite compris que j’avais un petit quelque chose en plus. » Et d’ajouter : « Être champion du monde lors de la dernière course, c’est vraiment stressant. On est nerveux tout le week- end, l’adrénaline est différente. Obtenir le titre dès sa première balle de match, cela a une saveur sans égal. » Depuis son arrivée en MotoGP en 2013, Marquez ne laisse que des miettes à ses adversaire­s. La preuve, seul le titre de champion du monde 2015 lui a échappé. « Cette année- là, j’avais attaqué la saison avec une moto qui n’était pas au niveau de la Yamaha de Lorenzo et Rossi et j’ai manqué de patience, explique- t- il. Manquant d’expérience pour développer une MotoGP, j’avais demandé un moteur avec plus de puissance à la fi n de la saison 2014, et je m’étais retrouvé avec une machine très diffi cile à piloter. » D’où de nombreuses chutes qui l’avaient très vite écarté de la course au titre.

LES CHUTES : UNE STATISTIQU­E À AMÉLIORER

Depuis, Marquez a appris et tiré les leçons de ses erreurs. Et avec trois titres en trois ans, ses adversaire­s en sont aujourd’hui réduits à attendre un faux pas de celui qu’il faut bien considérer comme le meilleur pilote du moment. Cette année, des erreurs, s’il en a encore beaucoup commis aux essais – plus d’une vingtaine chutes recensées –, il n’en a signé que deux en courses, la première en Argentine en cafouillan­t sur la grille de départ, la seconde en Italie en perdant l’avant de sa Honda alors qu’il essayait de garder le contact avec la Ducati de Lorenzo. « C’est quelque chose qui doit changer, reconnaît- il. C’est une statistiqu­e que je dois améliorer. Je perds trop souvent l’avant à la remise des gaz. À moi de faire évoluer mon pilotage pour obtenir un meilleur feedback du pneu avant. » Quoi qu’il en soit, dès l’ouverture du championna­t au Qatar, Marquez a compris que cette saison 2018 serait encore la sienne. Même si Dovizioso s’est imposé à Losail, monter sur la deuxième marche de ce premier podium de la saison fut un signe fort pour l’Espagnol. « Je me suis battu avec Andrea jusqu’au dernier virage alors que d’habitude, nous étions toujours

en diffi culté sur ce circuit » , expliquait- il le 18 mars. Trois semaines plus tard, c’est le pilote Honda qui aurait dû s’imposer sur la piste de Termas de Rio Hondo. Au- dessus du lot aux essais, Marquez s’est malheureus­ement pris les pieds dans le tapis sur la grille de départ. Contraint de repasser par les stands, il a ensuite confondu vitesse et précipitat­ion, et il fait tomber Rossi après avoir bousculé plusieurs adversaire­s qui avaient eu le malheur de se trouver devant ses roues... Tout cela lui a valu d’être sanctionné par la direction de course d’une vingtaine de secondes, le faisant passer dans le classement de la cinquième à la dix- huitième place. Au Texas, sur un circuit où personne n’a encore jamais réussi à le battre, Marquez a naturellem­ent empoché sa première victoire de la saison. Deux semaines plus tard, il s’imposait à nouveau à Jerez et s’emparait des commandes du championna­t alors que Dovizioso enregistra­it son premier résultat blanc. Vainqueur au Mans, il trébuchait ensuite au Mugello. Ce sera sa dernière erreur de la saison. À partir de là, Marquez ne descendra plus du podium jusqu’à ce Grand Prix du Japon qui le verra coiffer sa septième couronne de champion du monde. « Cette régularité, c’est ce que m’a appris la saison de Dovi l’an dernier, soulignait l’Espagnol au soir de son sacre. Cette année, avec Honda, on a fait du bon boulot. Parfois, j’en donnais un peu plus que la moto, parfois la moto en donnait un peu plus que moi. C’est ce compromis qui a fait notre régularité. Finalement, je n’ai pas fait qu’une erreur en course, au Mugello. Et avant cela, il y avait eu mes deux victoires à Jerez et au Mans, deux courses où Dovizioso n’avait pas marqué de point. Ça a été la clef. » Délivrant course après course sa science du pilotage et régalant le public de son adresse et de son sens du spectacle, Marquez est désormais le plus grand mais aussi le plus clivant pilote du championna­t MotoGP. Adoré ou détesté, le pilote Honda n’a que faire des critiques. Tel un bulldozer, il taille sa route avec en point de mire, les records de Rossi. Bien entouré et mentalemen­t très solide, le protégé d’Emilio Alzamora ne se laisse, il est vrai, guère affecter par la vindicte que les ultras du 46 lui réservent. Mais nul doute que sa valeur commercial­e serait tout autre si le charisme de Rossi ne lui faisait pas encore autant d’ombre. L’infl uence de l’Italien n’est cependant pas totalement négative. Rossi n’a- t- il pas participé à la vocation du jeune Espagnol ? « Quand j’étais gamin, Valentino était mon héros, aime dire Marquez. C’était aussi mon modèle. » Aujourd’hui encore, le pilote Honda continue de s’inspirer de celui qu’il faut bien considérer comme le champion le plus complet du MotoGP.

« IL SAIT UTILISER LES ARMES DE SON ADVERSAIRE »

Ainsi, au fi l des saisons, Marquez a affi né ses stratégies de course et sa gestion du championna­t en s’inspirant de celui qui peut être considéré comme un maître en la matière. « Marc est aussi intelligen­t que Valentino, avance Hervé Poncharal, le patron du team

Tech3. Et il a bien compris comment utiliser les armes de son adversaire. Il ne cite plus jamais son nom devant la presse. En revanche, il ne cesse de parler de Dovi avec qui il prend du plaisir à se bagarrer tous les dimanches. » Un bon moyen de mettre Rossi sous l’éteignoir en attendant de le défaire de ses derniers records. « Chaque saison est différente, tempère le septuple champion du monde. Mais j’ai signé pour deux années de plus avec Honda, et je compte bien tout faire pour être champion durant ces deux saisons. Je suis là pour ça. » Ses adversaire­s n’en doutent pas.

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