GP Racing

Dovizioso dans le miroir ....

Champion du monde 125 en 2004, vice-champion du monde MotoGP depuis trois saisons, Andrea Dovizioso est un personnage singulier dans le paddock des championna­ts du monde. Confession­s d’un pilote de 33 ans en quête de perfection.

- Par Manuel Pecino. Traduction Michel Turco. Photo Jean-Aignan Museau.

Confession d’un pilote en quête de perfection.

Que voit Andrea Dovizioso lorsqu’il se regarde dans un miroir ? Une personne calme et heureuse de vivre son rêve. Je suis également serein grâce à mon entourage. C’est quelque chose que j’apprécie, c’est une grande satisfacti­on personnell­e.

Cela n’a pas toujours été ainsi ?

Non, cela ne fait que trois ou quatre ans que je suis dans de telles dispositio­ns.

Donc, tu aimes ce que tu vois ?

Oui, même si rien ne me satisfait jamais complèteme­nt quand on est, comme moi, ambitieux et qu’on aime la compétitio­n. Je fais partie de ceux qui en veulent toujours plus.

Et d’un point de vue plus personnel ?

On peut toujours s’améliorer. Quand tu te disputes avec des gens et que tu réalises que tu n’es pas d’accord avec grand monde... Cela signifie que tu peux encore t’améliorer.

Qu’est-ce que tu aimerais changer en toi ?

Une chose est sûre, je ne suis pas super doué pour tirer le meilleur des autres. En tout cas, pour tirer le meilleur des autres à 100 %.

Tu as toujours eu des barrières dans tes relations ?

Pas des barrières, mais j’ai toujours été très égoïste. Même si ce n’est pas forcément une mauvaise chose ; je pense en effet qu’un pilote doit être égoïste pour donner plus, encore et toujours. Mais l’être un peu moins ne serait pas un mal.

En anglais, il y a un dicton qui dit « work makes the man » (le travail fait l’homme)...

Oui, c’est tout à fait ça. Le niveau d’excellence que l’on vise fait qu’on ne peut pas se contenter de ce qu’on a.

Il faut toujours fournir plus d’efforts pour atteindre son but.

Et c’est ce qui t’amène à être exigeant avec ceux qui t’entourent... Exactement.

Qu’est-ce qui te rend le moins tolérant ? La grossièret­é.

La chose la plus importante dans ta vie, c’est...

Le bonheur et la sérénité. C’est un cliché, mais c’est vrai.

Ce qui t’irrite le plus ? De ne pas être compris.

Quel goût a pour toi la victoire ?

Chaque victoire a une saveur différente.

Tu as gagné par le passé, puis tu as connu un passage à vide pendant plusieurs années. Du coup, quel goût avait la victoire quand tu as renoué avec elle ? Spécial, particulie­r... Et vraiment puissant. C’est comme marquer un but en Coupe du monde pour un joueur de football. On ne parle pas d’un simple championna­t mais de la Coupe du monde ! Chaque course a son histoire ; elles ne te procurent pas toutes la même joie, la même satisfacti­on ou les mêmes sensations.

Quel est ton sentiment quand tu perds un Grand Prix dans le dernier virage ? La colère de la défaite ou la satisfacti­on d’avoir réalisé une bonne course ? La défaite, mais cela dépend aussi du nom de ton adversaire et de la façon dont il t’a battu.

Qu’est-ce qui t’ennuie le plus dans le monde de la course ?

Au bout d’un certain temps, les voyages deviennent pesants, comme tous ces moments où il ne se passe rien. Le fait de ne pas pouvoir

faire tout ce que je veux durant un week- end parce que des gens me dérangent. C’est bien que plein de personnes aient envie de venir me voir... Mais quand tu es quelqu’un d’important, on veut aussi te regarder quand tu t’entraînes, quand tu fais du motocross... Et là, ça devient pénible parce que ces choses que tu aimais faire quand tu n’étais pas considéré comme quelqu’un d’important, eh bien, tu ne peux plus les faire de la même manière. De l’extérieur, les gens ne comprennen­t pas. Ça peut être très chiant de ne plus avoir la liberté de passer une journée comme tu en aurais envie. Ça n’est pas non plus un problème grave, mais ça a tendance à m’ennuyer.

L’an dernier, tu semblais parfois un peu las de parler MotoGP. Comme si venir sur les GP était une sorte de corvée. A contrario, à l’évocation du mot motocross, on t’a vu retrouver le sourire...

C’est normal, un pilote est comme n’importe quelle personne qui travaille pour gagner sa vie. Quand tu fais la même chose depuis des années, il y a un moment où l’enthousias­me s’émousse, même si tu cours en championna­t du monde. C’est fondamenta­l d’avoir d’autres passions que la compétitio­n dans sa vie, d’autres choses qui te font vibrer. Sinon, comment faire pour envisager de ne plus être pilote de Grands Prix un jour ? Car malheureus­ement, ça n’est pas un métier que tu peux exercer toute ta vie. Il y a un moment où il faudra laisser la place, contre ton gré ou non. Quelles que soient tes motivation­s, il y aura un moment où, que tu le veuilles ou non, tu devras t’en aller.

Qu’en est-il de ce motocross que tu aimes tant ?

Quand tu rentres chez toi, tu as besoin de déconnecte­r. Avoir la possibilit­é de s’entraîner et de se préparer au MotoGP avec une autre passion est la meilleure chose qui soit. Pour moi, le motocross doit être pratiqué avec envie et en suivant une méthode d’entraîneme­nt la plus efficace possible. Si j’étais un profession­nel du motocross, j’aurais le même problème.

Quand quelqu’un fait quelque chose de manière répétitive et qu’il se perd un peu, il a alors besoin de chercher des solutions ailleurs. Celui qui participe au championna­t du monde de motocross passe tellement de temps sur sa moto que cela peut devenir pour lui une obligation. C’est logique qu’il ait, lui aussi, envie de faire autre chose. C’est ce qui nous arrive à tous, sous une forme différente.

Il faut apprendre à gérer cette lassitude sans la voir comme quelque chose de négatif. Elle est inévitable, l’important, c’est de conserver l’envie et le désir de réaliser ce que l’on a au fond de soi. Si tu n’as pas cette lumière en MotoGP, tu ne peux pas obtenir de bons résultats. Sans passion, ça ne marche pas. Le niveau de compétitio­n est si relevé qu’obtenir un bon résultat tous les dimanches mobilise quelque chose de fort à l’intérieur. C’est comme quand tu penses à quelque chose que tu n’as jamais fait ; quand finalement, tu le réalises, la sensation est formidable. C’est si difficile de réussir en MotoGP que sans cette énergie au fond de soi, il est impossible de durer dans ce milieu.

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