Tech3 en Moto3 ...............
Pour la première fois de son histoire, le team Tech3 aligne cette année deux pilotes en Moto3, le Japonais Ayumu Sasaki et le Turc Deniz Öncü. Une nouvelle aventure pour l’équipe française désormais retirée de la catégorie Moto2.
Avec 2 pilotes en Moto3, Tech3 change de braquet.
Observer la crinière blonde de Guy Coulon déambuler autour d’un circuit n’est pas courant. Surtout lorsque des motos sont en piste. Revenu au Qatar après les derniers tests MotoGP pour organiser le stockage des KTM RC16 de Miguel Oliveira et
Iker Lecuona, le technicien français a bien évidemment profité de l’occasion pour suivre les débuts officiels de la structure Tech3 engagée cette année en Moto3. « Ces petites motos sont très exigeantes, note Guy. Aussi bien pour les piloter que pour les faire fonctionner, c’est très pointu. Beaucoup plus que ce que tout le monde imagine. » Présent en Moto2 depuis sa création en 2010, le team Tech3 a désormais tourné le dos à la catégorie intermédiaire.
Une décision inhérente au choix de KTM de renoncer à être présent dans les trois classes. « Quand Stefan Pierer m’a annoncé l’été dernier qu’il allait mettre un terme au programme Moto2 et qu’il m’a demandé si je voulais bien aligner à la place deux pilotes en Moto3, je n’ai pas sauté au plafond, avoue Hervé Poncharal. Au début, j’étais
moyennement chaud. » Il faut dire que même si l’an dernier, elle avait dû mettre au placard son cadre périmétrique maison, contrainte d’utiliser le multitubulaire en acier de la marque autrichienne, l’équipe française était très attachée au Moto2 depuis toujours. « J’ai fait partie du groupe de réflexion qui a planché sur l’évolution de la catégorie 250 et qui accouché du Moto2, rappelle Poncharal. Je pense que cette catégorie a fait ses preuves en offrant un beau spectacle et en permettant de former des pilotes pour le MotoGP avec des coûts contenus pour les équipes qui s’y engagent. Chez Tech3, le Moto2 nous a par ailleurs beaucoup appris car nous y avons fait courir pendant des années notre propre partie- cycle. Mais voilà, la vie a fait que KTM nous a demandé de changer notre fusil d’épaule. »
« EN MOTO3, TOUT DOIT ÊTRE OPTIMISÉ À BLOC »
L’abandon du Moto2 a provoqué plusieurs départs de l’équipe varoise. Nicolas
Reynier a rejoint le team American Racing, Florian Chiffoleau a quitté les Grands Prix... « Qu’une partie de l’équipe n’ait pas eu envie de nous suivre en Moto3 nous a facilité les choses, confie Poncharal.
Nous avons pu recruter des techniciens ayant l’expérience de la catégorie et de la KTM. »
Car, comme le dit Guy Coulon, le Moto3 est peut- être la catégorie d’introduction en Grands Prix, elle n’en est pas moins
une affaire de connaisseurs. « C’est une vraie spécialité, affirme le chef mécanicien de Miguel Oliveira. Tu dois gérer des paramètres dont tu ne t’occupes ni en MotoGP, ni en Moto2, et c’est pour cela que nous avons décidé de faire appel à des techniciens rompus à la catégorie. »
Il faut déjà tirer la quintessence de
la machine. « Avec peu de puissance, le moindre détail a son importance,
reprend Guy. Il faut être super vigilant au sens et à la force du vent pour élaborer sa boîte de vitesses. En Moto2, on ne peut pas modifier les rapports de boîte et sur un circuit comme Losail, les motos roulent pratiquement à 300 km/ h. Que tu aies 3 km/ h de vent de face ou dans le dos, ça ne change pas grand- chose. En Moto3, tu dois fignoler tous les paramètres pour aller chercher ce petit km/ h qui pourra faire la différence en course. Comme les pilotes sont très souvent en paquet, celui qui a le meilleur moteur a forcément un avantage.
« AVEC PEU DE PUISSANCE, LE MOINDRE DÉTAIL A SON IMPORTANCE »
GUY COULON
« JE PENSAIS QU’AYUMU SERAIT NOTRE LOCOMOTIVE ET C’EST DENIZ QUI NOUS A SURPRIS »
HERVÉ PONCHARAL
En MotoGP, il y a un énorme travail au niveau des réglages moteur pour gérer la consommation afin d’aller au bout de la course. Il faut trouver le réglage moyen qui va te donner le meilleur rendement du premier au dernier tour plutôt que de privilégier la vitesse de pointe. En Moto2, il n’y a pas de restriction de consommation, pas de boîte de vitesses. Il faut donc essayer de faire la différence avec les réglages de cadre et de suspensions, la position du pilote sur la moto... En Moto3, il faut faire attention à tout. Tous les appendices aéros autour du radiateur doivent être réglés au millimètre... L’échangeur eau/ huile, l’entrée d’air, le refroidissement de l’échappement... Le contrôle de la température est hyper important pour le rendement du moteur, tout doit être optimisé à bloc. » À cela s’ajoute la complexité de la gestion des séances d’essais. « La stratégie est primordiale, constate Guy Coulon. L’équipe doit avoir les yeux rivés sur les écrans pour surveiller la position des autres pilotes, étudier la formation des groupes et faire sortir son pilote au moment adéquat pour qu’il puisse prendre la bonne aspi. Gérer ses pneus, qui sont en quantité limitée, pour pouvoir faire les deux tours cruciaux dans les meilleures conditions possibles...
Tout cela, ce sont des choses qui n’existent
pas en MotoGP. » Au Qatar, le team
Tech3 a plutôt bien géré sa première séance de qualification. Pour ses débuts avec l’équipe varoise, Deniz Öncü a décroché une jolie huitième place sur la grille de départ. Seulement 21e, Ayumu Sasaki s’en est moins bien tiré malgré son expérience. Analyse d’Hervé Poncharal : « Cet hiver, je pensais qu’Ayumu serait notre locomotive, et c’est finalement Deniz qui nous a surpris. Il connaît déjà la KTM, et il n’a que 16 ans. C’est super encourageant. » Pur produit de la filière KTM Red Bull, le pilote turc fait ses grands débuts en Grands Prix cette année, alors que son coéquipier japonais attaque, à 19 ans, sa quatrième saison. « Ayumu est un pilote que j’ai toujours apprécié, confie
Poncharal. Il faut lui laisser un peu de temps pour s’adapter à la KTM car cette moto ne se pilote pas comme la Honda. Même si c’est un peu compliqué pour l’instant, car il a tendance à vouloir garder trop de vitesse au point de corde, je suis certain qu’il va vite progresser. » Quoi qu’il en soit, le patron du team Tech3 dit prendre beaucoup de plaisir avec ses nouveaux pilotes : « Je suis très content de travailler avec des jeunes. Ils sont pleins de vie, comme on peut l’être à 16 ans, et c’est franchement rafraîchissant. On sent
qu’on a des choses à leur apporter au niveau de l’approche de la course et même de la vie. Les aider à devenir des professionnels de la course, c’est super intéressant. » Les voir terminer dans le Top 10 en fin de saison serait une
belle satisfaction. « L’an dernier, il y a eu quatre victoires KTM pour quinze victoires Honda, rappelle Poncharal. Je pense que ça sera plus équilibré cette année. Même si on ne peut pas juger sur une seule course, le moteur de la KTM semble aujourd’hui plus performant. » Hervé et ses pilotes devront malheureusement patienter encore un peu pour affiner leur jugement.