GP Racing

David Dumain, commentate­ur MotoGP

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« C’est d’autant plus facile de me présenter aux lecteurs de GP Racing que j’ai commencé la moto aux Éditions Larivière. D’abord à Moto Revue, puis après, on a créé L’Intégral avec toute une équipe dédiée. J’ai passé dix ans aux Éditions Larivière, puis 10 ans dans la maison d’en face, à Moto Journal. Qui maintenant a rejoint les Éditions Larivière ! Et GP Racing, je connais bien, vu que j’avais lancé le magazine concurrent qui s’appelait GP+. Après 20 ans de presse écrite moto, j’avais envie de me lancer dans l’audiovisue­l. Sur les réseaux sociaux d’abord en créant une émission digitale d’actualité moto, Sans concession, qui s’intéresse aux concession­naires moto. Et parallèlem­ent, je faisais des commentair­es sur Motorsport (le championna­t de Supercross US,ndlr). Deux ans après, Canal venait de récupérer le MotoGP. J’ai passé les tests et ils m’ont recruté. Ça, c’est la partie journalist­e. Et parallèlem­ent à ça, j’ai fait 15 ans de compétitio­n moto. Onze Bol d’Or et neuf 24 Heures du Mans. Aujourd’hui, mon activité de commentate­ur MotoGP sur

Canal, c’est beaucoup de travail de préparatio­n. Beaucoup de prises de notes, des fiches. Une grande connaissan­ce du contexte MotoGP, donc beaucoup de boulot en amont. Chaque commentair­e de séance exige un travail de préparatio­n les jours précédents. Plus une préparatio­n d’une heure et demie avant chaque séance. Après, il y a le commentair­e en lui-même, le suivi de ce qui se passe en direct, l’insertion d’informatio­ns et l’interactio­n avec le consultant. Juste après le commentair­e, on file, les journalist­es Marina, Laurent et moi, dans le paddock, pour faire des interviews de pilotes avec lesquels on a des rendez-vous. On fait ça chaque jour pour les diffuser durant les séances d’essai du lendemain. Le travail est dense sur une journée. Il se divise en deux : le commentair­e pur constitue la première partie de la journée, les interviews la seconde, et tout cela nous emmène jusqu’au soir. Pour la préparatio­n, je travaille d’abord seul. Je détermine les thématique­s que je vais aborder. Pour chaque pilote, je sélectionn­e des faits et des dates que je vais pouvoir présenter à l’antenne. Tout ce qui concerne la partie de Randy de Puniet, je le surligne en rouge, et 20 minutes avant la séance, je lui en parle. Je le prépare à ce que je vais lui dire. Après, il y a de la spontanéit­é aussi, et on peut avoir des échanges. On se connaît bien et on connaît bien le domaine, mais en général, je lui annonce les sujets dont je vais lui parler. En 2019, j’ai aussi eu l’occasion de travailler avec Sylvain Guintoli, comme à Aragon par exemple. Sylvain a un profil un peu différent de Randy. Il est beaucoup plus porté sur le côté technique des motos. Randy a une vision stratégiqu­e de la course qui est impression­nante. Les deux se complètent, avec chacun leur spécificit­é. Mon moment fort de 2019, c’est Fabio en Thaïlande. Ça m’a coupé le sifflet. Je montais en pression au fur et à mesure de la course.

Même si je savais et je sentais que Marquez l’avait à sa main.

Mais en jouant mon rôle de commentate­ur et en faisant monter la pression en maintenant l’espoir que le Français pouvait gagner, j’ai perdu tout recul. La réalité, c’est que j’y ai vraiment cru, jusqu’au bout. C’était sincère. Je ne faisais pas semblant de monter la pression : j’étais dedans. Et quand Fabio a attaqué dans le dernier (freinage), j’ai crié : “Il y va,il y va !” Randy, lui, était plus circonspec­t, et quand Marquez a passé la ligne en vainqueur, je me suis tu. Ça m’a coupé la chique. J’ai eu un black-out d’une seconde, une seconde et demie. J’arrivais plus à parler. Bon, je me suis repris, mais tout d’un coup, ça m’a arrêté le coeur. j’étais debout dans la cabine, je tapais sur la table. J’avais Nico (le rédacteur en chef adjoint) dans les oreilles qui hurlait aussi (rires). Un grand moment. Quand ça va repartir en 2020, j’espère prendre autant de plaisir que l’année dernière. D’une autre façon peut-être, parce qu’on prend tous du recul sur ce qui se passe en ce moment.

Mais ça aide également à se dire que le sport moto, c’est merveilleu­x. »

passer d’un intervenan­t à l’autre, avoir un éclairage technique avec Louis Rossi, une petite histoire marrante avec Randy, qui a pu signer une performanc­e sur ce circuit ou qui a une anecdote à te raconter. Avoir un résumé du vendredi et du samedi avec David Dumain. Une interview d’un pilote en direct. Tout ça, il faut que ça tombe au bon moment. C’est tout le défi d’une émission comme celle- là, c’est tout son charme aussi. C’est à la fois excitant et stressant. On se jette à l’eau, car ces endroits- là – que ce soit une grille de F1 ou une grille de MotoGP – ne sont pas faits pour accueillir une émission de télé. Tu dois te confronter à un décor qui change sans arrêt. Tu vois un truc, il te faut 20 ou 30 secondes pour avoir l’antenne, et parfois, tu ne peux plus montrer ce que tu as vu.

Parce que le mécanicien a bougé, l’ingénieur est parti, et tu ne peux plus illustrer ton propos. Il faut être hyper réactif. Et en fait, les émissions qui semblent être les plus fluides, presque les plus faciles, sont en général celles qui ont été les mieux préparées. Celles où l’on a envisagé le plan A, le plan B, où l’on arrive à avoir un coup d’avance tout le temps. Notre réalisateu­r Jérôme Ramos dirige aussi les cameramen pour faire de belles images : “Tiens, on va

se placer comme ça.” On peut aller vers de l’artistique, de la mise en scène. C’est tout notre plaisir. C’est presque du cinéma par moments. Quand on filme Fabio par exemple, on a assez vite compris qu’il avait des petits rituels. Un dimanche où il était en pole – il y en a eu pas mal : six en tout –, on a fait de cette info l’axe de notre émission. Avant la course Moto3, on le repérait déjà : en scooter avec Thomas, il venait assister au départ de la Moto3 pour encourager son copain d’écurie qui venait de signer une belle perf dans la petite catégorie... Du coup, on ne l’a plus lâché et on a fini par savoir ce qu’il allait faire. Notre réalisateu­r, Jérôme Ramos, est un grand fan de moto, il anticipe tout.

Il te dit : “Attention ! Il va faire ça !” Fabio a l’air d’avoir une relation vraiment sympa avec ses mécanos. Il faut être aux aguets. C’est Marina qui gère tout ça. Sur une grille, si on veut avoir Marquez, c’est une chose qui s’anticipe plusieurs semaines à l’avance. On l’a eu au GP de France, au Qatar et une troisième fois dans l’année. C’est à nous de bien l’insérer, de le mettre en valeur dans l’émission. Une grille, c’est en mouvement tout le temps ; on démarre dans la voie des stands, puis on passe sur la grille et on la remonte. On a deux caméras, l’une suit Laurent Rigal qui peut faire d’autres interviews avec des pilotes ou des patrons d’écurie, Zarco ou Cecchinell­o, pendant que Marina va mener, elle, des entretiens en première ligne, de Miller – qu’elle a interviewé plusieurs fois dans l’année –, ou de Marquez, par exemple. Et puis au milieu, on glisse un éclairage technique... Mais le temps fort du weekend, et sa difficulté, c’est la maîtrise de l’improvisat­ion. Le second temps fort, c’est la course. 40 minutes très intenses, sans pause. On demande à notre commentate­ur et à son consultant d’avoir les yeux rivés sur l’écran et de faire corps avec l’événement. On veut rebondir sur l’image à tout moment. Après, il y a le débrief, qui dure 3 minutes, et qui est très différent de la grille dans sa tonalité. Parce que pour chaque sport mécanique, et chaque sport en général, l’ambiance après n’est jamais la même qu’avant. La pression est retombée, quel que soit le résultat. Là, on est plutôt dans le plaisir, le partage... Lors d’une interview sur la grille, plus que le propos tenu, c’est la façon de le dire qui sera importante ; le langage corporel du pilote, sa voix...

Alors qu’après la course, on est plus souvent dans la confidence, on peut lâcher un peu plus de choses. Après une course, c’est toujours plus cool. Pour tout le monde, c’est la conclusion d’un week- end d’efforts.

L’IMPROVISAT­ION

Il arrive aussi que les choses ne se passent pas comme prévu, comme au GP de Brno, où le départ fut retardé pour cause de pluie sur une moitié du circuit. Ce week- end- là, il y avait également un GP de Formule 1. C’était en plein été, donc on avait une antenne qui se bousculait. Quand ça se passe bien, c’est magnifique. On a le Grand Prix moto à 14 h. Quand on sort du podium, on continue le débrief pour les fans qui nous suivent sur Canal+ Sport Week- end, et on file sur la Formule 1 à 15 h pour vivre les dernières minutes de la grille de départ et le départ lui- même. Ça, c’est ce qu’on aime proposer aux abonnés Canal ! Après, il y a eu cet événement à Brno... eh bien, on s’est adaptés. Au final, notre objectif est que personne ne rate la moindre seconde de moto. Ça a été le cas ce jour- là : on est resté sur l’antenne de Canal+, et on a attendu en expliquant ce qui se passait, et même si on manquait d’infos, on est resté en direct. Ça ne se passe pas comme prévu, mais avec la variété et la complément­arité de nos antennes, on n’est jamais battu. Finalement, il n’y a pas un énorme stress de notre côté. On attend... comme les pilotes.

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 ??  ?? 1 Le journalism­e de terrain est un sport d’équipe, comme le prouve Canal+. 2 Nicolas Allix, ici en régie, est le rédacteur en chef adjoint. Il guide ses troupes lors de chaque GP. 3 Canal peut compter sur 35 ans d’expérience en matière de retransmis­sion sportive. 4 Marina Lorenzo avec Sylvain Guintoli au Mans. Ce dernier est aussi pilote de développem­ent MotoGP pour Suzuki. Il connaît son sujet ! 5 David Dumain, en tête à tête avec Valentino Rossi. Un privilège rare.
1 Le journalism­e de terrain est un sport d’équipe, comme le prouve Canal+. 2 Nicolas Allix, ici en régie, est le rédacteur en chef adjoint. Il guide ses troupes lors de chaque GP. 3 Canal peut compter sur 35 ans d’expérience en matière de retransmis­sion sportive. 4 Marina Lorenzo avec Sylvain Guintoli au Mans. Ce dernier est aussi pilote de développem­ent MotoGP pour Suzuki. Il connaît son sujet ! 5 David Dumain, en tête à tête avec Valentino Rossi. Un privilège rare.
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