GP Racing

LE JOUR DE GLOIRE

20 ans que Tech3 attendait ça. Miguel Oliveira l’a fait. Le pilote portugais a offert à l’équipe de Bormes-les-Mimosas sa première victoire en catégorie reine, dans laquelle elle est engagée depuis 2001. Hervé Poncharal, le boss, témoigne.

- Propos recueillis par Thomas Baujard. Photos Gold and Goose.

Bonjour Hervé, raconte-nous ce fameux Grand Prix de Styrie depuis le muret des stands...

Comme tous les GP, la course est intense et dure à suivre du muret. Cette année, on sait que la KTM RC16 est capable de faire de super perfs, et que, depuis la République tchèque, elle peut même gagner. Miguel ( Oliveira) est vraiment très performant maintenant. Mais plus tu sais que tu peux faire un bon résultat, plus la tension est grande. Chaque détail compte, comme le départ, les stratégies de course, etc. Ça a été une course à rebondisse­ments, comme celle du GP d’Autriche la semaine précédente, où le drapeau rouge a tout gâché, car on était très bien placés. Je pense qu’on aurait pu faire un podium. Malheureus­ement, suite au second départ, on s’est retrouvé en bagarre avec Pol ( Espargaro) et l’accrochage nous a mis hors course. La déception le dimanche soir du premier GP était d’autant plus grande que nous étions performant­s. Une semaine plus tard, quand j’ai vu ce second drapeau rouge, je me suis dit m..., ça recommence ! Encore une belle course qui repart à zéro. Le départ est tellement important sur ce GP. Tu as le premier virage à 90°, c’est le départ de tous les dangers, et les deux premiers tours sont ultrachaud­s. Mais ce coup- ci, Miguel avait vu, lors de la première partie de course, que le choix du pneu medium avant était un peu limite. Même s’il restait 12 tours, il nous a dit : « Remettez- moi le pneu dur. »

Comme les trois autres KTM. Il a pris un super départ, bien mieux que sur la première course. Il a surtout réussi à partir devant Dovizioso, malgré son holeshot device ( système d’aide au départ), son moteur de folie, et ses pneus soft avant et arrière. Miguel, lui, était en dur avant et en medium arrière. On avait très peur de ça parce qu’une fois devant, Dovizioso, il est impossible à doubler ! Mais Miguel est resté devant. Après, ça a été une course haletante. Le podium était à portée de main, mais c’était vraiment chaud entre Miguel, Miller et Espargaro. Avec Miguel tapi derrière, tu penses toujours au pire. Si les deux s’accrochent, vu qu’il y a eu beaucoup d’accrochage­s, il aurait pu fi nir à plat ventre. Quand on a vu l’arrivée, là, on s’est dit que le podium était pour nous. Ce dernier virage à Spielberg est toujours le théâtre de manoeuvres incroyable­s, comme avec Dovi/ Marquez. Ça l’a été cette fois encore. Miguel l’a senti.

Si tu regardes la vue d’hélicoptèr­e, il s’est rapproché très près d’eux. Il m’a dit : « Je sentais qu’il y allait avoir un coup à jouer. C’est pour ça que je me suis collé et que j’ai essayé de rester le plus possible à l’intérieur. » Une prémonitio­n géniale, une attaque fabuleuse et un coup de maître. Parce que là je ne sais pas à combien

ils sont là- dedans mais ils sont à plus de 200 km/ h ( entre

les virages 9 et 10, ndlr). Il faut décider vite et viser juste.

Ce virage 10 est tout simplement vertigineu­x. Il part en descente, en dévers... et les pilotes y entrent coude par terre...

Ce que Miguel a fait est très fort. ça me rappelle le duel Olivier/ Shinya ( lorsque le titre s’est joué entre eux à Phillip Island 2000,

ndlr). Je n’ai pas vu qui a fi ni devant l’autre. Et là, c’est un peu pareil. Quand j’ai vu l’action, j’ai pensé que les autres étaient à l’extérieur. Et puis rapidement, je me suis persuadé que sa manoeuvre allait payer, qu’il allait être le premier sur la ligne.

Quand Miguel passe la ligne et que tu t’aperçois que ça y est, c’est gagné, qu’est-ce que ça te fait ?

Sur le coup, tu as juste envie de crier. De prendre les gens dans tes bras. De remercier le pilote et l’équipe technique. Tu penses à plein de choses, ça va tellement vite, c’est tellement bon. Ça se bouscule dans ta tête et c’est un peu l’anarchie. Tu penses pas trop au fait que ça y est, on l’a fait. C’est un bonheur immense. Évidemment, tout le monde te saute dessus, t’embrasse, danse, crie. Tu vois les caméras et les journalist­es qui arrivent avec les micros. T’as presque envie d’être dans ta bulle pendant 20 ou 30 secondes pour comprendre et digérer. Mais tu n’as pas le temps. J’ai énormément pensé à ma décision de rejoindre KTM. À la joie qu’on apportait à tous les gens qui travaillen­t comme des fous sur ce projet. Et qui, il y a quelque mois, quand on leur disait que la moto avait progressé lors des essais de Sepang et du Qatar, avaient du mal à nous croire. Parce qu’il y a les valeurs établies : il y a Honda, Yamaha, Ducati, Fabio, Marc... Tu penses à tout ça et tu te dis : quel hold- up ! J’ai pensé à Pit Beirer ( patron du sport chez KTM), à Stefan Pierer, le big boss, qui était devant sa télé, et que j’ai appelé directemen­t. Il avait du mal à parler. Tu le sais, j’adore les histoires humaines, les aventures, les prises de risque, quand t’es un peu dans l’inconnu. Il aurait été facile de rester chez un constructe­ur avec lequel on a travaillé pendant des années. Mais on a fait autrement.

Immédiatem­ent après la victoire, on voit Simon Crafar qui vient t’interviewe­r, le stand Tech3 est en liesse. Pit Beirer et Heinz Kinigadner qui se tombent dans les bras, et puis la photo de groupe. Tu réalises à ce moment-là ? Tu es plein de fierté pour ce que vous avez fait ?

Oui, tu réalises vraiment. Mais plus que de la fi erté, ce qui me fait

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Oliveira. L’Anglais Steve Blackburn, crâne rasé, est l’un des membres historique­s du team.
En parc fermé, les mécanos Tech3 sont aux petits soins de leur pilote, Miguel Oliveira. L’Anglais Steve Blackburn, crâne rasé, est l’un des membres historique­s du team.
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 ??  ?? Comme OJ en 2000 à Phillip Island, Miguel Oliveira (n° 88), qui fait l’inter à Jack Miller et Pol Espargaro (n° 44), a attendu l’ultime courbe pour décrocher la timbale. (n° 43)
Comme OJ en 2000 à Phillip Island, Miguel Oliveira (n° 88), qui fait l’inter à Jack Miller et Pol Espargaro (n° 44), a attendu l’ultime courbe pour décrocher la timbale. (n° 43)

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