GP Racing

Reporter nomade ..............

- Par Michel Turco, LBSM. Photos Jean-Aignan Museau et Simon Patterson.

Simon Patterson couvre le MotoGP depuis son van.

Journalist­e free-lance, Simon Patterson couvre le championna­t MotoGP depuis 2016. En cette année pas comme les autres, le reporter irlandais a choisi de suivre la caravane des Grands Prix en prenant la route dans le van qu’il s’est aménagé. Entre nostalgie du passé et isolement covidé.

Trentenair­e, Simon Patterson ne peut pas être qualifié de nostalgiqu­e. Le goût du Continenta­l Circus qui l’a conduit cette saison à parcourir l’Europe, de circuit en circuit, dans un Renault Master, cet Irlandais bon teint le doit à sa famille. « J’ai grandi dans le milieu de la course sur route. Mon grand- oncle a aidé Robert Dunlop tout au long de sa carrière. Quand j’étais gamin, je passais mes week- ends sur les courses, j’ai très tôt appris à aimer l’ambiance de ces compétitio­ns. » Des compétitio­ns à l’ancienne qui ont forgé autant ses goûts que ses ambitions. Tout en étudiant dans une université écossaise, Simon se met à la photograph­ie. Il se lie avec Stephen Davison, l’un des maîtres de l’image dans le petit monde des courses sur route. En 2004, il commence à alimenter le site irlandais

Real Road Racing. Photos, textes... « J’étais décidé à travailler dans ce milieu, c’était pour moi une évidence. » Dix ans plus tard, Simon débarque dans le paddock MotoGP en tant que reporter pour le magazine Motorcycle News. Il remplace alors

Matthew Birt, recruté par Dorna Sports pour commenter les GP sur motogp. com. « Cela faisait un moment que je travaillai­s pour MCN, je m’occupais du site Internet. » Simon Patterson va ainsi couvrir durant trois saisons le championna­t MotoGP pour le compte du magazine britanniqu­e. Jusqu’à ce que le team Petronas lui propose de travailler pour le compte de son service communicat­ion en gérant notamment les réseaux sociaux. « Je n’ai pas trop hésité car mes conditions de travail à MCN étaient en train de se dégrader, confie le journalist­e irlandais. Les budgets étaient de plus en plus serrés... L’idée d’essayer autre chose tout en restant dans le milieu du MotoGP me tentait bien. J’ai donc accepté de tourner le dos à la presse pour une nouvelle expérience dans la communicat­ion. » Une nouvelle expérience qui ne va durer que le temps de la saison 2019. « En fin d’année, le team a changé ses plans, je n’en faisais plus partie. Mais au final, ce fut un mal pour un bien. Je n’étais pas fait pour ce job. La liberté qui était la mienne en tant que journalist­e me manquait. Si j’ai, aujourd’hui, choisi de vivre dans un van, c’est aussi parce que je veux faire ce que j’aime comme j’en ai envie. J’aime être maître de mon agenda. Travailler pour un team, c’est obéir aux

consignes et écrire ce qu’on nous demande de dire. C’est pour cela que je suis devenu journalist­e free- lance. » Patterson l’avoue, il a toujours eu un peu de chance depuis ses débuts dans le monde du travail. « C’est vrai que j’ai eu des opportunit­és à chaque fois que j’en eu besoin. » En l’occurrence, c’est le nouveau site The Race qui, l’hiver dernier, lui a offert la possibilit­é de reprendre son job de reporter. « J’ai attaqué l’hiver dernier en tant que free- lance, tout heureux à l’idée de repartir pour une saison de MotoGP. » S’il est alors loin d’imaginer ce que le coronaviru­s va réserver au championna­t 2020, Simon décide très tôt de le couvrir en enchaînant les courses au volant de son fourgon, comme le faisaient jadis les pilotes du Continenta­l Circus. « Cette idée me trottait dans la tête depuis un moment, raconte l’Irlandais. En étant free- lance, je n’avais plus d’impératif d’aller au bureau entre les Grands Prix. Et puis j’avais aussi pour objectif de faire des économies sur mes frais de déplacemen­ts. »

Le déclic est venu d’une rencontre en Andorre, en juin 2019. « Juste avant le Grand Prix de

Catalogne, je me suis retrouvé sur le parking du magasin de vélos d’Espargaro. Il y avait un ingénieur du team KTM qui voyageait avec son camping- car. Il me l’a montré, m’a expliqué comment il l’avait aménagé... »

Ne reste plus à Simon qu’à passer son permis de conduire. « J’avais pris quelques leçons à l’époque où j’étais à la fac, mais je n’avais jamais passé l’examen. » Ce sera chose faite juste après le Grand Prix du Qatar.

15 000 KM PARCOURUS DEPUIS LE GP DE FRANCE

« J’ai ensuite trouvé un Renault Master d’occasion. J’ai pu l’acheter deux jours avant le confinemen­t. Et bien évidemment, j’ai mis les semaines suivantes à profit en me lançant dans l’aménagemen­t de mon fourgon. J’ai regardé un bon paquet de tutos sur YouTube car je n’avais aucune expérience dans ce genre de transforma­tions, et je dois avouer que je ne suis pas particuliè­rement bricoleur. » Ça ne l’empêchera pas de mener à bien sa mission. « J’ai fabriqué un lit, une cuisine, de nombreux rangements pour installer mon

vélo et tout le matériel dont je pensais avoir besoin, comme un routeur WiFi, des panneaux solaires pour recharger les batteries, et

même un four à pizza. » Quand il apprend que le championna­t MotoGP pourra enfin redémarrer en juillet, Simon rend les clefs de l’appartemen­t qu’il occupe en Angleterre, et met le contact, direction Jerez. Il sait pourtant qu’il ne pourra pas mettre les pieds sur le circuit espagnol, seule la poignée de photograph­es qui fournit des clichés au promoteur du championna­t étant autorisée à travailler sur site, ainsi que les journalist­es TV dont les chaînes payent de juteux droits commerciau­x à Dorna Sports. « J’ai un deal cette année avec un copain photograph­e, confie Patterson. Je m’occupe d’éditer ses photos. L’idée était de travailler dans mon camion à côté du circuit en attendant que les restrictio­ns s’assoupliss­ent et que les journalist­es puissent à nouveau travailler sur place. Au départ, nous pensions tous que cela pourrait se faire au mois d’août, à partir du Grand Prix d’Autriche. On a finalement dû patienter jusqu’à Misano. Et encore, dans des conditions vraiment particuliè­res puisque

nous ne sommes pas autorisés à mettre les pieds dans le paddock, ni même à travailler

en salle de presse. » Un traitement qui n’a pas manqué d’agacer l’Irlandais.

Et ses critiques de l’organisate­ur sur les réseaux sociaux lui ont valu de perdre son accréditat­ion permanente. Le voilà désormais contraint à faire une demande à chaque

Grand Prix en s’acquittant à chaque fois de la modeste somme de 500 euros. Pas suffisant toutefois pour le dissuader de faire partie, à chaque course, des trois ou quatre journalist­es qui tentent de couvrir le mieux possible cette saison pas comme les autres. « Au final, je vis une belle expérience, positive, dit Simon qui, au soir du Grand Prix de France, avait déjà avalé 15 000 km et traversé une vingtaine de pays. Jusquelà je n’ai rencontré aucun problème. Je suis de près les infos pour savoir où en est la situation sanitaire là où je me dirige. Je me débrouille pour ne pas rester coincé en quarantain­e. J’essaie aussi de profiter de mon parcours pour visiter des sites insolites ou voir des gens que je ne peux plus rencontrer sur les courses. » Lors de ses passages dans

l’Hexagone, il a ainsi rendu visite à Johann Zarco et Hervé Poncharal. « Faire des interviews mais aussi échanger avec des acteurs importants dans leur environnem­ent est toujours enrichissa­nt. »

C’est aussi en France qu’il a vécu l’une de ses plus curieuses expérience­s de

journalist­e- nomade. « J’étais arrêté sur une aire d’autoroute, en train de travailler sur mon ordinateur, quand je me suis tout à coup retrouvé entouré de policiers.

Ils ont commencé à me poser tout un tas de questions. Et quand je leur ai dit quel était mon job, l’un d’eux a lancé : “Je suis fan

de Lorenzo !” À partir de là, la conversati­on n’a plus tourné qu’autour du MotoGP. »

DU MOTOGP AU TOUR DE FRANCE

Avant de se rendre à Misano, il a également assisté à quatre étapes du Tour de France. Car Patterson est également amateur de vélo. « J’en fais régulièrem­ent, notamment quand je passe en Andorre, qui est un peu mon camp de base. J’y ai pas mal d’amis,

dont John McPhee, et j’adore la montagne. C’est aussi un endroit qui accueille sans problème les camping- cars. »

Car depuis son départ d’Irlande en juillet, Simon n’a passé que trois nuits à l’hôtel. « J’ai également séjourné trois jours en Auvergne dans la maison que m’a prêtée un copain. » Malgré le manque d’espace de son van, cette vie de nomade lui convient

à merveille. « J’ai des applicatio­ns sur mon téléphone qui me permettent de toujours trouver un endroit pour prendre une douche, que ce soit dans un camping, sur une aire d’autoroute, une station- service, ou dans un centre sportif. » L’an prochain, quelles que soient les conditions dans lesquelles il pourra suivre le championna­t MotoGP, Simon s’est promis de reprendre la route. « Je trouve ça vraiment génial. En revanche, je vais investir dans un fourgon un peu plus grand pour gagner en confort. » Un camping- car derrière lequel il aimerait accrocher une moto et, bien sûr, qu’il aménagera encore luimême. En espérant qu’il n’ait pas à bricoler durant un énième confinemen­t...

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 ??  ?? 1 Arrêt en Avignon, chez Johann Zarco. 2 Halte sur le Tour de France. 3 Pizza en Andorre avec John McPhee. 4 La vie au grand air a du bon. 5 Pas très grand mais bien équipé, le van de Simon. 6 Un vrai coq en pâte, notre ami irlandais. 1
1 Arrêt en Avignon, chez Johann Zarco. 2 Halte sur le Tour de France. 3 Pizza en Andorre avec John McPhee. 4 La vie au grand air a du bon. 5 Pas très grand mais bien équipé, le van de Simon. 6 Un vrai coq en pâte, notre ami irlandais. 1
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