Le SERT de Saulnier ...........
Le patron a totalement réorganisé le team. Avec succès.
Les journées de Damien Saulnier ne font que 24 heures. Comme Le Mans ou le Bol d’Or. « Et je n’éteins que très rarement mon ordinateur avant minuit, soupire l’intéressé, plutôt affairé tout au
long de ces douze derniers mois. Le Covid- 19 ne nous a pas aidés, entre confinement et chômage partiel, nous n’avons pas arrêté. »
Il faut dire qu’en plus du reste, c’est aussi pendant cette période qu’il a subi une avalanche de remarques acerbes à propos des nouvelles couleurs du SERT. L’abandon de la traditionnelle livrée bleue pour une composition noire, rouge et blanche, réplique quasi exacte de la Suzuki Yoshimura qui dispute les 8 Heures de Suzuka, n’est en effet pas passé inaperçu. « Au départ de notre projet de reprise du SERT, il était déjà prévu que l’implication de Yoshimura soit beaucoup plus importante que ce qui était fait précédemment – fourniture d’échappement pour la saison et coup de main logistique et humain pour les 8 Heures de Suzuka – afin de permettre à Yoshimura de devenir champion du monde, à l’image des titres de Honda puis de celui de la F. C. C. Honda, explique Damien. Un peu comme un gars qui a une Mercedes et à qui AMG propose un coup de main ; avoir l’appui de Yoshimura quand on roule en Suzuki ne se refuse pas. L’implication du préparateur japonais est générale : technique, financière et humaine. C’est pourquoi la moto a changé de couleur. »
Tout en conservant « Suzuki » en marquage principal, contrairement à la moto des 8 Heures, habillée sur ses flancs d’un grand « Yoshimura » : « C’est vraiment la réunion de trois entités. » Une collaboration qui va également dans le sens de ce que souhaite Eurosport Events, le promoteur de l’EWC : une plus grande implication des Japonais dans le championnat du monde. Au milieu de ce grand chamboulement, Damien a également dû s’atteler à une décision douloureuse : se séparer de l’un de ses pilotes maison – Étienne Masson et Gregg Black – pour laisser place à Sylvain Guintoli. Si ce dernier fait des merveilles depuis quelques années en tant que pilote de développement sur la machine de MotoGP, avec les résultats que l’on sait et quelques jolies piges au guidon de la GSX- R du SERT, son arrivée ne s’est pas faite sans dommage : « J’en ai bavé, et j’en bave encore. Il n’était pas question que je prenne la décision seul. J’ai donc consulté Étienne et Gregg. J’ai autant d’affinités humainement et de respect sportivement pour l’un que pour l’autre. En définitive, c’est Suzuki qui a eu le dernier mot. » C’est finalement le Franco- anglais Gregg Black qui a été retenu. Comme si cela ne suffisait pas, l’arrivée de Yoshimura a provoqué une autre rupture de taille en matière de monte pneumatique. Après de 24 ans de fidélité à Dunlop pour le Junior Team et 20 ans pour le SERT, c’est Bridgestone, partenaire historique de Yoshimura, qui prend le relais. Comme sur la Yamaha du YART et la Honda F. C. C. « J’ai une profonde reconnaissance pour Dunlop, on ne peut pas être critique avec ceux qui nous ont aidés aussi longtemps, même si aujourd’hui, il semble que ce soit un avantage de rouler en Bridgestone à Suzuka... »
« POUSSER LES MURS »
Pour Damien, qui a décidé de reprendre le SERT en conservant le Junior Team, il a aussi fallu réorganiser toute sa structure pour gagner de la place : « Je savais qu’il nous
faudrait pousser les murs, et j’avais repéré un local disponible à la vente. » Situé à 500 mètres à peine des anciens ateliers du Junior Team, le nouveau bâtiment du SERT a accueilli quelque temps l’Institut automobile du Mans, pépinière destinée à la formation de divers corps d’ingénierie liés à l’automobile. Propriété de la région et inoccupé depuis plusieurs années, le lieu semblait idéal. Damien est donc entré en contact avec la présidente de région pour expliquer son projet : « Je savais que par sa construction au sein du Technoparc des 24 Heures ( à deux pas du circuit), créer un lien entre ce lieu et les sports mécaniques faisait sens. »
Sa généreuse surface permettant, de surcroît, d’accueillir les deux entités tout en leur assurant une véritable autonomie.
UN AMBITIEUX PROJET
Cette idée de reprise du SERT, Damien l’a mûrie de longue date : « C’était un projet que nous avions avec Jean- François Simon, qui possède une boîte d’informatique mancelle, un ancien de Courage ( voiture), bénévole au SERT et sponsor du Junior depuis très longtemps. » Par ailleurs, il partage ses ambitions avec Claude Michy, l’organisateur du Grand de Prix de France, qu’il connaît depuis de nombreuses années. Claude, toujours à l’écoute, lui propose de lui apporter un coup de main s’il en a besoin. Cette association tripartite se scellera donc autour du projet immobilier. Damien raconte : « Lorsque je suis entré dans le bâtiment, qui était principalement composé de bureaux, j’ai tout de suite vu où l’on pourrait établir chacune de nos activités : là, il y a des fenêtres, ce sera le show- room, là une soufflerie, on va pouvoir y installer l’usinage, les ateliers, le composite, la peinture... En avançant dans le bâtiment, je me projetais complètement. » Au milieu, il y avait un patio avec des arbres : « On ne les a pas coupés mais déplacés, ce qui nous a offert un vaste espace que nous avons réaménagé en trois niveaux avec, à chaque
étage, une destination précise : matériel général, Junior Team et SERT. » De fait, l’aile gauche du bâtiment est réservée au SERT, le centre au stockage, et la partie droite au Junior Team. Chaque structure possède son propre banc de puissance, son atelier dédié ( et cadenassé en ce qui concerne celui du SERT) mais certaines unités, sur lesquelles les Japonais sont moins regardants quant à d’éventuelles fuites de technologie, comme le composite, la peinture, le fraisage ou les suspensions, sont communes, même si chacun dispose de son propre matériel : « Les élèves du Junior peuvent toujours frapper à la porte de l’atelier du SERT pour poser une question, et ils seront toujours renseignés, mais en aucun cas, ils peuvent s’y rendre librement. Ce sont
deux entités bien distinctes. » L’ensemble ne se limite pas qu’à la préparation et l’entretien des machines de course et le stockage du matériel, mais il comporte également une grande salle de conférences d’une capacité maximale de 100 places assises. Largement de quoi organiser des séminaires. Après le show- room, qui compte une trentaine de motos de course et des centaines de trophéessouvenirs de l’épopée du SERT et du Junior, la visite des différents ateliers et celle du circuit des 24 Heures, la possibilité de faire du karting ou de participer à un baptême de piste sur une moto biplace, Damien a d’autres projets en tête : « Permettre à des novices du milieu de la course de se rendre compte de l’étendue du coeur de ce métier. L’ACO est intéressé. » Si, en nombre, celui des employés du SERT reste identique, Damien envisage de monter la jauge d’un cran afin de pouvoir le soulager sur la gestion du Junior et lui dégager ainsi un peu de temps pour développer d’autres secteurs où les compétences et la connaissance des Suzuki pourraient exceller, comme la préparation des machines pour le Promosport ou même de celles engagées dans des épreuves « vintage » . Heureusement, dans les 1 200 m2 et les 25 pièces du bâtiment, il reste de la place pour caser l’énergie débordante et la profusion d’idées de Damien.