GP Racing

1er VOLET L’ÉCHEC KTM

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Johann, comme tu le dis dans ton film L’Audace d’un champion, ta décision de signer chez KTM n’était pas totalement la tienne, mais aussi celle de ton ex-manager. Est-ce que tu es monté sur la RC16 avec le moindre doute ?

Au moment où je monte sur la RC16, j’étais habité par l’envie de bien faire. Je terminais avec de bonnes sensations sur la Yamaha, avec un bon niveau, prêt à me battre. Et je pensais trouver un avantage avec KTM : quelque chose qui compense les petites faiblesses que pouvait avoir la Yamaha

M1. Le côté moteur, le couple, la traction. La RC16 offrait effectivem­ent des avantages moteur, mais elle souffrait aussi de grosses lacunes en partie- cycle. Du coup, ça a été une expérience troublante.

Dès le premier jour de roulage, deux chutes, alors que tu es un pilote qui tombe peu, et des chronos 1,5 seconde plus lents que ceux du week-end sur la M1, qui t’avaient placé second en quatrième séance libre derrière Marquez.

Exact. C’est là que je me suis rendu compte que ça allait être dur. En général, tu roules, tu prends tes repères, et tu arrives dans une zone de chronos intéressan­te. Dès que tu attaques un peu plus, tu atteins de bons chronos, et tu règles ta moto. Mais là, rien que pour arriver dans la zone de chronos correcte, il fallait déjà attaquer beaucoup. Et quand j’allais chercher les bons chronos, je chutais. Du coup, les repères que je pouvais avoir pour aborder une séance d’essai ne fonctionna­ient plus.

D’entrée, tu te plains d’un problème de confiance de l’avant qui t’empêche de te lâcher et d’exprimer ton pilotage. Exactement comme Valentino Rossi quand il est passé de sa

M1 à la Desmosedic­i fin 2010 sur ce même circuit de Valence. Problème de l’avant qui n’a jamais été résolu, sauf sur le mouillé, avec une première ligne à Brno...

Par expérience, je peux maintenant voir que la Yamaha et les motos japonaises en général ( Johann a aussi roulé sur Honda et Suzuki lors d’un test en juillet 2016, ndlr) ont cette qualité de pouvoir facilement s’adapter à ton pilotage. Il y a une « âme » dans ces machines qui fait que ça passe.

Même la Honda, réputée difficile ?

Même la Honda. Alors qu’avec la KTM, la différence était tellement importante que tous mes repères étaient chamboulés.

Outre les chutes et les mauvais résultats qui s’enchaînent, il y a cette quantité de nouvelles pièces à tester pour développer la moto. C’est

« JE ME SUIS DIT : “PRENDS LA CHANCE DE REBONDIR AVANT DE TOUT PERDRE” »

la difficile tâche du pilote d’usine, pour laquelle, avec le recul, tu n’étais peut-être pas encore prêt, surtout sur une machine encore imparfaite ?

Oui, c’est évident. D’autant que jusqu’ici, ma formation de pilote me poussait à remettre uniquement mon pilotage en question, pas la machine. Et de foncer. Du coup, ça devenait difficile de savoir si je bossais bien ou mal. Finalement, avec le recul, je pense que mes sensations étaient correctes, et que j’ai donné des informatio­ns intéressan­tes à KTM, que Dani Pedrosa a confirmées par la suite, vu que ses commentair­es étaient proches des miens. Dani étant la bonne personne pour développer la moto. Mon feeling était juste, mais je n’étais pas prêt à gérer ce type de difficulté dans la mise au point.

En Autriche, tu rends ton tablier faute de performanc­e. Un choix courageux dans la mesure où tu n’avais pas de solution de repli...

Oui, mais c’était pour me respecter moimême. Je ne me sentais pas bien en étant payé comme un pilote d’usine pour ce type de résultat. Et j’avais vraiment peur de perdre mon niveau de pilotage. Je me suis dit : « Prends la chance de rebondir avant de tout perdre. » C’est dans cette optique- là que je suis parti. J’ai osé, et j’ai eu de la chance.

Après, il y a cette main tendue par Honda et LCR qui te permet de montrer ta valeur dès le Grand Prix de Sepang avec une bagarre pour la 8e place jusqu’à ce que Mir te percute. Comme si le destin te donnait un petit coup de pouce pour avoir osé ainsi risquer ainsi ta carrière...

Ces trois courses avec Honda LCR m’ont sauvé la mise. Personnell­ement, ça m’a déjà permis de m’ôter pas mal de doutes. Ensuite, j’ai montré au paddock que je valais encore la peine (!). Et j’ouvre cette porte Honda, où il y avait la moto de Lorenzo à récupérer chez Repsol. Avant même de penser à Ducati.

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 ??  ?? 1 Après des difficulté­s initiales et une améliorati­on aux essais de Sepang,
Johann s’aperçoit rapidement que la KTM ne lui convient pas. Le doute s’installe. 2 Problème principal : un train avant rétif qui ne permet pas au Français d’utiliser sa vitesse de passage en courbe. Il force, pour rien. 3 Sursaut de joie juste avant la séparation : la troisième place sur le mouillé à Brno, où le grip moindre masque les soucis de partie-cycle de la RC16. 4 Jean-Michel Bayle a coaché efficaceme­nt Johann durant cette période trouble. « J’applique encore ses conseils
aujourd’hui » , témoigne ce dernier. 5 Après avoir été viré par KTM après Misano, Johann retrouve du boulot chez LCR dès Phillip Island en remplaceme­nt de Nakagami. 2 34 5
1 Après des difficulté­s initiales et une améliorati­on aux essais de Sepang, Johann s’aperçoit rapidement que la KTM ne lui convient pas. Le doute s’installe. 2 Problème principal : un train avant rétif qui ne permet pas au Français d’utiliser sa vitesse de passage en courbe. Il force, pour rien. 3 Sursaut de joie juste avant la séparation : la troisième place sur le mouillé à Brno, où le grip moindre masque les soucis de partie-cycle de la RC16. 4 Jean-Michel Bayle a coaché efficaceme­nt Johann durant cette période trouble. « J’applique encore ses conseils aujourd’hui » , témoigne ce dernier. 5 Après avoir été viré par KTM après Misano, Johann retrouve du boulot chez LCR dès Phillip Island en remplaceme­nt de Nakagami. 2 34 5

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