Piero Taramasso : « Je pense qu’on aura plus de bagarre que l’an dernier »
Michelin a beau être le manufacturier unique du championnat MotoGP, le quotidien de Piero Taramasso n’est pas pour autant un long fleuve tranquille. Entre les contraintes de l’aéro, les doléances des pilotes et l’évolution du règlement technique, le manager de la compétition deux-roues Michelin a de quoi s’occuper…
Pourquoi avoir décidé de revoir la règle de la pression minimale du pneu avant ?
Il y avait une demande d’assouplissement de cette règle des teams et des pilotes.
À partir des datas de la saison dernière et des tests que nous avons réalisés cet hiver, nous avons pris la décision d’abaisser cette pression minimale en la faisant passer de 1,88 à
1,80 bar. C’est quelque chose que l’on peut faire aussi parce que le système de contrôle en live a fait ses preuves en termes de précision.
Tout fonctionne bien, et cela permet cette marge supplémentaire. En revanche, les pilotes devront faire 60 % de la course au-dessus de cette pression minimale, et non plus 50 %. C’est un compromis acceptable.
Tous les constructeurs continuent à développer l’aéro de leurs motos. Comment gérer ces contraintes toujours plus fortes pour les pneumatiques ?
Et où en êtes-vous du développement du nouveau pneu avant ?
Effectivement, les contraintes sont toujours plus importantes, aussi bien au niveau de la charge que de la vitesse. Cela se traduit pour les pneus par plus d’efforts et plus d’usure. Rien qu’au freinage, on a des pilotes qui, aujourd’hui, freinent 30 ou 40 mètres plus tard qu’il y a encore un ou deux ans. Nous devons donc parvenir à maîtriser tout cela. Cette année, nous introduisons une technologie inédite de mélange de gommes destinée à améliorer la résistance du pneu. Nous avons également proposé un nouveau mélange « Hard + » pour l’avant qui permet d’encaisser plus de charge et de température. Les tests en Malaisie et au Qatar ont bien fonctionné. Concernant la nouvelle construction avant sur laquelle nous travaillons, nous avons malheureusement pris un peu de retard, les journées d’essais étant très limitées. Nous n’avons pas pu la faire essayer à Valence en novembre, car il faisait trop froid. Et seulement cinq pilotes ont pris le temps de la tester en février, avec, au final, des avis différents. Honnêtement, nous pensions obtenir plus de résultats avec des commentaires allant dans la même direction, ce qui aurait dû nous permettre de définir un plan de développement pour proposer une nouvelle évolution pour les prochaines journées de tests à Jerez et au Mugello. D’où le retard pris, qui fait qu’il sera difficile d’introduire cette nouvelle architecture en 2025.
Un nouveau règlement technique verra le jour en 2027, votre contrat avec Dorna Sport court jusqu’à la fin de la saison 2026… Comment se positionne Michelin par rapport à ces échéances ? Pour ce qui est de notre engagement en MotoGP, nous travaillons actuellement pour prolonger notre contrat jusqu’en 2028, et j’espère qu’une annonce pourra être faite dans le courant de la saison. Concernant le futur règlement technique, il devrait y avoir une baisse drastique des performances des machines, qui nous demandera des ajustements. Pour nous y préparer, ce règlement doit être défini et connu l’an prochain. De toute façon, les constructeurs doivent eux aussi savoir sur quelle base travailler pour préparer les motos qui courront à partir de 2027.
Un autre challenge vous attend cette année avec de nouveaux asphaltes en Aragon et à Phillip Island, mais aussi un nouveau circuit au Kazakhstan…
Oui, ce sont des situations que nous connaissons. Nous les préparons avec le peu de datas dont nous disposons et l’expérience des saisons passées. On aura aussi pour chacun de ces circuits une spécification back up pour être parés à toute éventualité.
Quels sont les pilotes qui, aujourd’hui, comprennent le mieux les pneus ?
En premier lieu je dirais Marc Marquez. Il a beaucoup d’expérience. Pecco aussi comprend bien quand le pneu est dans la bonne fenêtre de fonctionnement, quand il faut passer du soft au medium ou du medium au hard. Mais, pour moi, Marc reste encore un cran au-dessus, il sait faire la part des choses quand il manque de grip, il comprend les différences en fonction de la température de la piste, de l’utilisation du pneu, de la situation… Il échange beaucoup avec les techniciens.
Qui est, selon toi, le favori de cette saison 2024 ?
C’est une bonne question ! On a vu cet hiver que la nouvelle Ducati allait très vite, notamment avec Bagnaia et Enea Bastianini. Aleix Espargaro et l’Aprilia m’ont également impressionné… Marc sera là, Martin aussi… Je pense qu’on aura plus de bagarre que l’an dernier. Pour moi, il y a cinq ou six pilotes qui peuvent jouer le titre.