GQ (France)

SMART & FURIOUS

Ce mois-ci, GQ vous propose un petit tour dans l’univers borderline et génial de l’acteur Benoît Poelvoorde. On le savait poète, on le découvre adepte de métaphores autoroutiè­res. Toujours à fond.

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C’est à un beau « voyage en absurdie » que nous vous convions dans ce numéro avec l’inénarrabl­e Benoît Poelvoorde. Outre une belgitude flamboyant­e, notre héros du mois partage avec celui qui a reçu le prix GQ de l’humoriste de l’année, Stéphane De Groodt, cet art de créer en quelques secondes et en « punchlines », une faille spatio-littéraire, un univers singulier, subversif même, qui se joue des convention­s langagière­s et autres prévention­s politiquem­ent correctes. Évidemment, Stéphane De Groodt opère en mode downtempo là où Poelvoorde privilégie l’hyperbole, mais les deux hommes nourrissen­t manifestem­ent une passion dévorante et un goût prononcé pour les « belles mécaniques ». Celles de l’humour, du jeu, de la psyché humaine et de la poésie bien sûr, mais aussi et plus littéralem­ent celles des… vrais bolides. Les lecteurs les plus fidèles de GQ savent que De Groodt fut pilote de formule 3000. Quand vous lirez les nombreuses allusions aux voitures et métaphores « autoréfére­ncées » de Poelvoorde dans l’interview qu’il accorde p. 68 à Frédéric Taddeï, vous comprendre­z ce que je veux dire ! Je me souviens d’ailleurs à cet égard d’un épisode culte des « Carnets de Monsieur Manatane » – ces conseils de savoir-vivre trash que prodiguait Poelvoorde sur Canal + à l’orée des années 2000 et qui sont sûrement l’une des matrices inconscien­tes de notre rubrique star, la Style Académie. Poelvoorde était installé nonchalamm­ent dans son magnifique fauteuil Joe Colombo noir et blanc. Avec ce phrasé « aristocrad­e » si typique d’un Jean d’ormesson shooté à la Duvel dans une friterie (version belge de la « patate chaude »), il nous enchantait de mille choses à savoir pour rester « smart & furious » en toutes circonstan­ces. Dans l’un de ces sketches, délicieuse­ment baptisé : « Aujourd’hui, je pilote mon auto », Poelvoorde fait l’éloge de l’excès de vitesse, ce que le CSA n’autorisera­it sûrement plus aujourd’hui. « Bonsoir mes enfants, s’exclame-t-il, l’incorrigib­le enfant gâté que vous êtes ! Vous l’avez achetée n’est-ce pas, le véhicule de l’an 2000, la voiture de Monsieur Puissance, hein ! » À l’image, apparaît une magnifique Renault 8 Gordini d’époque, bandes blanches sur fond bleu de caisse, conduite par un vaniteux play-boy en gants de cuir et lunettes d’aviateur. « La maréchauss­ée vous a interpellé à la vitesse prohibée de 163 km/h ? Alors que faire ? », demandait Monsieur Manatane, avec sa célèbre formule post-léniniste. Eh bien, il ne faut « jamais au grand jamais » s’excuser auprès d’elle mais lui rétorquer aussitôt : « Mais que me contez-vous là, je ne descends jamais en dessous des 180 km/h ! » Belle parabole. Car ainsi vont le coeur, le corps et l’esprit de Benoît Poelvoorde : toujours à fond. Pour mieux pointer en creux un monde à l’inhumaine vitesse ? Peut-être. Ne livre-t-il pas dans notre interview son rêve secret d’acheter… « une portion d’autoroute de 5 km » ? Pour pouvoir s’y arrêter, s’y reposer, contempler. En compagnie des hommes.

Poelvoorde aime les belles mécaniques : celles du jeu, de l’esprit… et des bolides

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