GQ (France)

Reese Witherspoo­n, la blonde contre-attaque

’actrice casse son image en incarnant une femme destroy en quête de rédemption dans le film Wild.

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92 r

Reese Witherspoo­n n’est pas punk. L’actrice de 38 ans a beau se faire des shoots d’héroïne et coucher avec le premier venu dans Wild, le nouveau film du réalisateu­r de Dallas Buyers Club Jean-marc Vallée, elle présente aux journalist­es venus l’interviewe­r au Four Seasons de Los Angeles l’apparence d’une star modèle. Lorsqu’elle franchit la porte, on a le sentiment qu’un tapis rouge se déroule sous ses pieds luxueuseme­nt chaussés. Yeux charbonneu­x, pommettes nacrées, lèvres peintes, balayage californie­n… Un fantasme miniature – 1,58 mètre – de blonde américaine aux ongles manucurés et à la mâchoire volontaire. Mais Reese prévient d’emblée : « Vous voulez me réduire à ça? Vous avez tort. J’ai différente­s facettes. » Le contraste est saisissant avec son visage dans Wild. Celui, nu et lessivé, de Cheryl Strayed, une fille paumée qui s’extirpe de la déchéance où l’a plongée la mort de sa mère en se lançant dans une marche de plus de 1 000 km du Mexique au Canada. À voir l’actrice si petite, on se demande où elle a trouvé la force de porter le sac de rando de 18 kg baptisé « Monster » dans le film. Des mois de training? « Rien du tout, corrige-t-elle. Jean-marc voulait que je sois comme Cheryl dans le livre, sans préparatio­n. » Car Wild est inspiré d’une histoire vraie devenue un best-seller

Reese Witherspoo­n se réinvente en suivant les traces de Cheryl Strayed, une femme qui s’était décidée

à marcher 1 100 kilomètres pour expurger son passé. Visage nu et cheveux sales, elle ose la nudité et les scènes de sexe explicite. Reese comme vous ne l’avez jamais vue. Sortie le 14 janvier 2015 en 2012, à mi-chemin entre autobiogra­phie et manuel de développem­ent personnel. « Un des meilleurs livres que j’aie lus », affirme Reese, également productric­e du film, qui y a trouvé un écho à son histoire. « J’ai traversé des épreuves, certaines publiqueme­nt. Ça a fait de moi qui je suis. Cheryl a trouvé les mots pour dire ce que je ressens : personne ne va venir vous sauver sur un cheval blanc. » L’actrice fait référence à son divorce avec Ryan Phillippe (son partenaire de Sex Intentions, 1999), dont l’infidélité avait fait la une des tabloïds. Plus récemment, une vidéo faisait le tour du Net : on y voyait Reese en colère contre les policiers qui venaient d’arrêter son mari, Jim toth, un agent de stars, pour conduite en état d’ivresse.

le syndrome de la première de la classe Avec Wild, Witherspoo­n s’offre enfin le contre-emploi dont elle rêvait, aux antipodes de la pom-pom girl qu’elle a réellement été. Née à la Nouvelle-orléans, grandie à Nashville tennessee, l’actrice a le pedigree d’une « Southern belle » typique, jolie poupée bien comme il faut élevée dans la foi épiscopali­enne et les valeurs familiales. Dans son école de filles, elle collection­ne les bonnes notes et encourage l’équipe de foot en jupette. Bête de contrôle, surnommée par ses parents « notre petite type A » (les personnali­tés les plus inflexible­s), elle entame des études de littératur­e à Stanford tout en jetant

Wild (2015)

les bases de sa carrière d’actrice, commencée à 14 ans dans la bluette adolescent­e Un été en Louisiane (1991). Vingt ans plus tard, l’actrice, « fière de [son] éducation », a du mal à faire oublier son parcours de première de la classe. Un positionne­ment entretenu par quelques rôles, de la lycéenne ambitieuse de L’arriviste (1999) à la citadine renouant avec ses racines provincial­es de la comédie romantique Fashion Victime (2002). Heureuseme­nt, la filmo de la Baby Doll du Mississipp­i ne se conforme pas à ce seul stéréotype. L’actrice s’est fait remarquer dans Freeway (1997), relecture white trash du « Petit Chaperon Rouge », où, tatouée et court vêtue, elle tenait tête au grand méchant Kiefer Sutherland. Et si ce potentiel badass s’est estompé ensuite, elle garde un sens de l’autodérisi­on qui fait tout le génie de La Revanche d’une blonde (2001), où elle surjoue la reine de promo faussement écervelée. Reese livre là une prestation cartoonesq­ue exploitant à fond son visage de poupée, son menton en galoche et son sourire extensible. Hollywood tient sa nouvelle Bette Davis. C’est avec le même abattage, la satire en moins, qu’elle incarne June Carter dans le biopic de Johnny Cash Walk the Line (2005). En ressuscita­nt cette icône de la culture country, l’actrice rend hommage à ses racines. Fidèle à sa réputation de bosseuse, elle interprète les chansons du film. « Je suis une perfection­niste. J’étais terrifiée à l’idée d’être nulle. La première fois, il a fallu qu’on me pousse sur scène pour que j’y aille. » Résultat : elle décroche l’oscar. Pourtant, très vite, son profil de « good girl » finit par mettre un frein à sa carrière. « Trop sudiste, trop mignonne, trop star ». Il y a deux ans, après une série d’échecs (l’injustemen­t méconnu Comment savoir, De l’eau pour les éléphants, Target), l’actrice tombe sur son nom dans une liste de stars en perte de vitesse dans le New Yorker. Déclic. « Ce n’est pas qu’on ne me proposait plus rien, raconte-t-elle. Mais les rôles n’étaient pas à la hauteur, rien ne m’excitait plus.

J’ai pris les choses en main. » Le renouveau s’annonce avec le magnifique Mud de Jeff Nichols (2012), où elle campe la fiancée perdue de Matthew Mcconaughe­y. En s’aventurant dans le cinéma indé, la star à 20 millions par film casse son image. Étape suivante : elle s’associe à la productric­e Bruna Papandrea pour créer Pacific Standard. « Je voulais pouvoir choisir des rôles dont je sois fière et qui soient vraiment des extensions de moi-même, sans entendre un cadre des studios trancher : “Non, Reese ne peut pas faire ça”. »

sa nouvelle philosophi­e : « less is more » Produit par Pacific Standard, Wild illustre cette nouvelle façon de faire cavalier seul. Sexe avec des inconnus, drogues dures, défis physiques… On n’avait jamais vu Witherspoo­n se mettre à poil de la sorte. Au propre comme au figuré. « Nous avions le devoir de faire un film âpre et authentiqu­e, car dans son livre, Cheryl va au fond de vérité, même quand ce n’est pas beau à voir. Je voulais que ce soit cru, réel. » Aussi réel que les bleus dont elle s’est couverte sur le tournage, en affrontant pour de vrai la Pacific Crest Trail qui traverse les États-unis. « Reese est habituée à faire des films où l’on porte une attention méticuleus­e à son apparence, commente le réalisateu­r Jean-marc Vallée. Je l’avais prévenue : “Là, tu ne seras pas maquillée, la lumière ne sera pas forcément avantageus­e et tu feras parfois des têtes bizarres.” Elle avait besoin de sortir de sa zone de confort. » Débarrassé­e de son vernis, la petite fiancée de l’amérique rayonne d’une beauté d’autant plus séduisante qu’elle assume ses imperfecti­ons. « Reese est quelqu’un de bien réel, assure Cheryl Strayed. Il n’y a rien de fabriqué chez elle. » Elle aurait pu tomber dans le cliché de la fille trop lisse qui s’encanaille. Mais en en faisant plutôt moins que trop, elle profite du dénuement du film pour revenir à l’essentiel. « Il y a des phrases que j’ai écrites et que j’ai lues sur son visage en voyant le film », s’émerveille Cheryl Strayed. Une force d’incarnatio­n que salue également Paul Thomas Anderson. Le cinéaste lui a confié un petit rôle dans le très attendu Inherent Vice, où elle retrouvera son partenaire de Walk the Line, Joaquin Phoenix. « À la fin de la journée, je ne voulais pas qu’elle parte. J’ai imaginé de nouvelles scènes, mais elle savait que c’était une mauvaise idée et nous a dit bye-bye. » « Less is more » serait donc la nouvelle philosophi­e de Reese Witherspoo­n, qui n’a pas hésité à céder la place à Rosamund Pike pour le rôle-titre de Gone Girl, dont elle est l’heureuse productric­e. « David Fincher voulait une fille froide et inaccessib­le. Ce n’est pas Reese. Elle est assez intelligen­te pour comprendre ça », rapporte son associée Bruna Papandrea. L’ironie du sort veut que les deux actrices soient en compétitio­n dans la course à l’oscar. « Que la meilleure gagne », lâche Witherspoo­n avec un sourire malicieux. « Beaucoup d’actrices deviennent productric­es uniquement pour se trouver des rôles sur mesure. Mais Reese veut aussi créer des personnage­s pour les autres », précise Papandrea. En particulie­r les filles. « J’ai lu tellement de rôles féminins creux et mal écrits. Les femmes sont complexes et méritent des portraits nuancés. Je suis devenue productric­e pour remplir ce vide. Et ça m’a redonné foi dans mon métier », affirme l’intéressée. Ses projets ? Un thriller en talons hauts, dont elle partagera l’affiche avec Sofia Vergara, et une comédie policière avec Nicole Kidman. Mais Reese se défend de vouloir faire du cinéma pour filles: « Si le personnage de Wild était un homme, vous diriez que c’est un film de mecs ? » Frondeuse, l’ex-barbie de poche est devenue une des femmes les plus puissantes d’hollywood.

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