GQ (France)

Benoît Poelvoorde à Frédéric Taddeï : « Les arbres et l’argent, ça me rassure »

’acteur livre à GQ son vrai visage : celui d’un hédoniste amoureux de la transgress­ion.

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Benoît Poelvoorde est un génie. J’en ai eu la révélation la première fois qu’il m’est apparu. C’était en 1992 dans C’est arrivé près de chez vous pendant une projection de presse. Je faisais partie du tout petit nombre de spectateur­s que son rôle de serial killer allègre remplissai­t de joie. Je l’ai écrit dans Actuel à l’époque et je me suis dépêché de l’inviter sur Radio Nova. Ce fut le début de notre camaraderi­e et la première d’une longue série d’interviews, étalée sur un peu plus d’une vingtaine d’années, dans « Paris Dernière », sur Europe 1, sur France Culture, dans « Ce soir (ou jamais !) » et aujourd’hui dans GQ… Il est toujours stupéfiant, Benoît Poelvoorde, en interview. Il fait preuve à chaque fois d’une intelligen­ce, d’une lucidité, d’une sensibilit­é, d’un raffinemen­t, d’une poésie extraordin­aires… Je ne m’en lasse pas. Lui, c’est différent. Il m’a fait promettre que cette interview serait la dernière. Vous vous rendez compte ? Ma dernière interview de Benoît Poelvoorde ! J’en aurais presque les larmes aux yeux. Il dit qu’on se connaît depuis trop longtemps. Trop de connivence. Il a peur que ça me fasse du tort. C’est vrai que je le suis depuis toujours. J’ai même assisté à son unique one-man-show, « Modèle déposé », en 1996. À l’époque, il n’était pas sûr de vouloir devenir comédien. Il se testait. Et j’étais à Canal + quand il leur a proposé « Les Carnets de Monsieur Manatane ». J’étais parmi les quelques personnes auxquelles Alain De Greef a fait visionner le pilote pour avoir leur avis. Ce cher Alain ne savait pas que j’étais déjà un très grand malade de Benoît Poelvoorde et que je ne pouvais qu’adorer. Même dans ses mauvais films, je l’adore. C’est comme Jules Berry (Le Crime de monsieur Lange, Les Visiteurs du soir…), je ne vois que lui. Est-ce que ça pourrait

finir par me faire du tort? Oui, sans doute. Benoît a raison. Il est gentil de penser à moi. Et puis, il pense aussi un peu à lui. Depuis qu’il m’a invité à Namur, sa ville natale, j’ai l’impression d’en savoir plus long, de comprendre un peu mieux son génie, du moins la manière dont il s’est construit. Sa façon de porter la voix, par exemple, de la faire retentir, c’est Namur le soir. Son goût des mots, c’est le silence de Namur. Son côté joyeux, c’est Namur sous la pluie. Et son amour de la littératur­e, c’est Namur dans l’obscurité. Pour cette dernière interview, nous nous sommes donc retrouvés devant des assiettes de tapas et de grands verres de mojito au Mandarin Oriental. Il y était descendu pour la promo de La Rançon de la gloire, une réflexion sur la comédie signée Xavier Beauvois inspirée de l’histoire vraie de deux hommes qui ont volé le cercueil de Chaplin (sortie le 7 janvier). Je me demandais quelle tête il allait faire sur la couverture de GQ. La séance photo organisée dans un bowling parisien n’avait pas encore eu lieu. Il devait y penser aussi. C’est lui qui a posé la première question : « C’est quoi GQ ? Un magazine pour des types qui mettent de la crème pour dormir, non? » Et voilà, c’était parti… BP : Alain Juppé ? Je m’inscris totalement dans le style de cet homme. Il a comme moi une sensualité qui sent la crainte. BP : C’est la plus belle phrase du film. Quand Beauvois m’a raconté son projet, il savait déjà que ce serait la première réplique. Je ne comprenais pas bien ce qui allait se passer ensuite. C’était assez vague dans sa tête. Xavier est très elliptique. Tout devient clair au moment où il dit : « Coupez ! » La première séquence avec « Il faut que t’arrêtes de faire le clown » était parfaite. BP : Oui et pour Xavier. Il est resté quatre jours chez moi. Il y avait cette phrase, après c’était au cinéma de faire le reste. La vraie question, c’est pourquoi à chaque fois qu’un réalisateu­r génial m’appelle, c’est juste au moment où il va se planter ? Pourquoi ça tombe toujours sur moi ? Je sais très bien qu’il ne faut jamais tourner avec un mec qui vient de faire un succès comme Des hommes et des dieux ou Bienvenue chez les Ch’tis. Tu es sûr que ça va faire beaucoup moins d’entrées et qu’on va crier à l’échec! BP : Bien sûr ! Mais il ne l’aurait jamais fait. Je ne faisais pas partie de son monde. Il n’a jamais fait de comédie. Il fait des mots d’esprit. Y’a rien de pire que les mots d’esprit ! Il m’a appelé en me disant: « J’ai décidé de faire une comédie. » Ça sonne un peu comme quelqu’un qui dit: « J’ai décidé de faire du moto-cross. On va s’acheter des bottes et un casque. » Je suis un peu le casque…

BP : Non, c’est le seul qui ne m’a jamais dit : « Je t’ai filmé comme personne ne t’a jamais filmé. » Ils m’ont tous dit ça, sans exception. Sauf Xavier. Ils pensent tous m’avoir pris quelque chose qu’eux seuls pouvaient me prendre. C’est comme un pêcheur qui dit au poisson : « Si je t’ai pêché toi, c’est parce que tu le méritais. » Cela dit, il m’est arrivé de penser qu’il était complèteme­nt à la ramasse. Après une prise, il me disait souvent : « C’est drôle. Tu vois, je te l’avais dit que ce serait drôle. » Bizarre, non ? BP : Je n’ai jamais connu ça. Le plus terrible, c’est l’enfer de l’acteur qui n’a même pas eu le temps d’être comique car il est déjà tragique. Il y a très peu d’acteurs comiques. Ce que j’appelle moi « être comique ». Je ne me range pas dans cette case. Beaucoup d’acteurs font des films comiques, mais des acteurs comiques, ça ne court pas les rues. Je me souviens d’aldo Maccione qui disait: « Il y a une différence entre être comique et chercher à faire rire, moi je suis comique. » L’acteur comique à mes yeux, c’est lui. BP : Non, mais je pense qu’il existe une sorte de religion autour de Chaplin. Xavier, par exemple, est un véritable amoureux de Chaplin, pour des raisons qui m’échappent car moi, je ne l’aime pas. Je suis surtout fan de Laurel & Hardy. Ou d’harold Lloyd, le comique du pauvre. Si Chaplin était encore vivant, ce serait un réalisateu­r qui me casserait les couilles. Je suis sûr qu’il ferait partie des bien pensants. C’est un génie, j’en conviens, mais ses films, c’est comme regarder quelqu’un qui sait très bien jouer de la batterie. Et qui te dit qu’il sait jouer avec deux grosses caisses. C’est pas mon truc… Bref, comme je te le disais, avant de tourner, Beauvois est resté quatre jours chez moi. Une nuit, à 4 heures du matin, il me demande de regarder son film culte, Les Feux de la rampe. Comme on est de gros fêtards, on avait bien picolé. Je précise que d’habitude, je déteste quand les gens squattent chez moi. En plus, il m’impose de regarder ce film, il ne me laisse pas le choix. J’ai dû le voir jusqu’au bout alors qu’on était bourrés, je ne savais même pas où se trouvait mon index ! Bon, je lui avoue que c’est bien réalisé, qu’il y a des bons plans, mais on ne voit que Chaplin, et ça m’agace. Je déteste les films où l’on ne voit que le héros. Bref, j’ose lui dire en m’excusant que je n’aime pas Les Feux de la rampe. Il monte aussitôt sur ses grands chevaux : « Si tu n’as pas compris ce film, tu n’as rien compris à mon film. » Fin de la discussion. Il part se coucher. J’espère qu’il partira le lendemain en fermant la porte de la maison derrière lui. Je descends rejoindre ma femme et je lui dis : « Je pense que je ne ferai pas le film de Xavier Beauvois. On a un différend sur Charlot. » Mais le lendemain, Xavier était encore là. Il s’était réveillé très tôt. Il était dans la cuisine. Il m’a regardé et m’a dit cette phrase extraordin­aire : « Bon, je ne te demande pas d’aimer Chaplin, je te demande de le voler. » Merveilleu­x, non ? BP : J’ai rassuré plein de gens en étant drôle mais Dieu sait si je n’aimerais pas être un clown qui fait rire une petite fille qui a le cancer ! Je me demande parfois si la volonté de faire rire les gens n’est pas une forme de solitude crasseuse. C’est pour ça qu’on devient amer ou dépressif… Oui, ça ne sert à rien d’être rigolo. Tu te dis que tu rends les choses plus faciles mais, au fond, ça ne te sert qu’à toi d’être drôle. La chose la plus terrible au monde, c’est que quelqu’un ait eu l’idée d’inventer le « rire au curseur », les rires sur la bande-son des feuilleton­s américains. Le jour où quelqu’un a inventé ça, il a mis le doigt sur le drame de l’humanité : savoir à quel moment on doit rire ! Parce que c’est une angoisse existentie­lle ! Quand j’ai tourné Les Randonneur­s, on avait eu cette discussion avec Philippe Harel. Je lui avais dit que ce qui m’inquiète le plus dans une société c’est qu’on peut donner des signaux à la télé pour dire aux gens : c’est maintenant ! Personnell­ement, je préfère me poser la question. Par exemple, je me chierais dessus si on me disait: « On va te montrer Barack Obama qui reçoit le Prix Nobel de la paix. » Est-ce que je dois rire ? Est-ce que je dois pleurer? Ou rester insensible ? BP : Non, c’est tout l’inverse. Je suis exactement comme les gens qui vivent trop au soleil et qui restent à l’ombre. Je suis comme un mec qui habite en Grèce et qui n’ouvre pas ses volets. J’ai imposé mon système, ma lumière, mon rythme… BP : Non, je suis juste capable de trouver chaque chose drôle. Mais ça ne veut pas dire que je suis drôle. BP : Je suis un bon vivant, j’aime beaucoup rire bêtement avec mon entourage. J’ai gardé un côté collégial. J’ai un vrai plaisir à faire rire. Tout comme j’aime charmer ma compagne. Mais je reconnais être un fou de la jubilation. Il faut que je rie moi-même d’abord. Je ne pourrais pas refaire le lendemain ce que j’ai fait la veille. C’est pour ça que je ne pourrais pas refaire de scène, bien qu’on me l’ait proposé mille fois. Ce que je trouve merveilleu­x, c’est le happening. Je trouve ça précieux. Certains mots ou expression­s peuvent heurter certains. Faut s’adapter. Récemment, j’ai mimé un vagin avec un bout de steak… C’était vulgaire, mais bon c’était drôle. Ça m’a fait rire, alors j’ai eu envie de le partager. Je l’ai fait quinze fois ! Regarder rire les autres, c’est le plus beau cadeau du monde. J’ai du plaisir avec ça, comme quelqu’un qui aime chanter… BP : C’est vrai. Le réalisateu­r Rémy Belvaux et moi, on s’entendait parfaiteme­nt bien. On se comprenait à la minute, je savais ce qui nous faisait rire. On est Belges tous les deux ! Mais, malgré ça, je savais arrêter une blague sur un seul mot, spontanéme­nt. BP : Oui, sauf « Monsieur Manatane ». Après, c’est comme si j’avais été acheté par un autre haras. J’étais un cheval assez fougueux et on m’a fait courir seulement deux fois par an. Le cinéma t’apprend à tourner à droite, à gauche, à t’arrêter à l’endroit où on te le demande. Et à ne pas bouger quand on te photograph­ie.

BP : De Funès tourne au même moment que Godard. À l’époque, tous deux parlent de rythme avec des conception­s très différente­s. Aujourd’hui, De Funès qui est, d’après moi, le plus grand acteur de rythme de tous les temps est devenu un concept, un peu comme la chapelle Sixtine. La chapelle Sixtine n’est confrontée à aucun mouvement pictural de son temps. Elle est intemporel­le. Comme De Funès, que personne ne peut plus situer dans le temps. De Funès n’a jamais cherché un réalisateu­r qui allait lui casser son rythme. Il a inventé son propre rythme. BP : Il y a longtemps, j’avais proposé l’idée à De Greef. Il m’a répondu que c’était beaucoup trop tôt. Je voulais jouer une ordure dans des épisodes de 26 minutes. Mais il était catégoriqu­e. Tu connais De Greef, quand il t’invitait au Costes, c’est qu’il allait dire non à ton projet et s’il t’invitait dans un petit resto pas cher, c’est que tu avais une chance. Il m’a dit qu’on devait attendre quatre ans. Il avait raison, mais maintenant c’est trop tard, il faut trouver autre chose. BP : Je ne m’exprime pas si bien que ça. Je ne suis pas amoureux de la langue, je suis amoureux du texte. Pour moi, les deux personnes qui s’expriment le mieux sont Jean-luc Mélenchon et Jean-marie Le Pen. Ils ont un vrai amour de la langue. Je suis désolé, ce sont les deux extrêmes. J’aime bien la langue parce qu’elle est riche, mais je n’en utilise pas un dixième. Entendre quelqu’un qui s’exprime bien, c’est admirable, ceux qui ont des idées claires, des opinions bien tranchées, bien argumentée­s. Quel art ! BP : Ça dépend dans quel film. Si je mets un caleçon, par exemple, soit je fais rire, soit je ne fais pas rire. Si je veux faire rire, je le monte très haut, jusqu’aux tétons, comme Chirac avec son pantalon. Mais si je le laisse à sa place normale, je déçois. Mon corps ne fait que satisfaire les vêtements qu’il porte. Pour que mon corps parle, il faudrait que je joue nu. Or, ce n’est pas le cas. C’est comme quand Depardieu dit cette phrase extraordin­aire : « Je suis très gros donc je vais me faire photograph­ier tout nu. » Quand on le voit, on s’inquiète illico pour l’intérieur de ce corps. Il y a des intestins, des artères. On se dit : « Merde, ce con va mourir un jour ! » BP : C’est la ville dans laquelle je suis né et où je continue de vivre. C’est une ville de bourgeois et de paysans. Moi, je suis un « baraki », c’est comme ça qu’on appelle les paysans. Je porte la voix car un baraki porte la voix pour se faire reconnaîtr­e dans la rue. Namur et Liège sont toutes deux des villes universita­ires, mais les Français vont faire leurs études de vétérinair­e à Liège. Leurs parents ont peur de les envoyer à Namur, qui est la ville de l’alcool et de la drogue. Namur est un bastion de l’église catholique, de l’écriture chrétienne. Baudelaire a fait ses premières crises à Namur devant l’église romane. La plus belle maquette de Namur a été faite par Louis XIV. Namur est d’un ennui souverain… BP : Ce n’est même pas une ville, Namur, c’est un ventre ! Et puis, on ne naît pas à Nice, on finit à Nice. Et quand on y est, on fait la « Star Academy », ou on se met à poil sur des sites pornos… Disons que j’ai eu de la chance. Mais ça n’a rien à voir avec la poésie. Un acteur, c’est un parvenu. J’ai gagné beaucoup d’argent. Je ne suis pas né dans la bourgeoisi­e mais je vis comme un bourgeois. Scott Fitzgerald a dit un jour : « Quelle est la différence entre les riches et les pauvres ? C’est que les riches sont nés riches. » BP : Tu as tout à fait raison. Ça m’excite d’être comme ça. Hier, j’ai allumé une cigarette dans un ascenseur. Il y avait une photograph­e américaine qui était là qui m’a regardé comme si j’étais

un criminel. Ce que j’aime le plus en France, c’est que vous votez des lois pour qu’on puisse les transgress­er. Mais ce qu’il y a de plus gracieux, c’est l’ordre. Peut-être qu’au fond de moi, je veux juste rétablir l’ordre. Bon, maintenant, vous avez Zemmour qui hurle contre le désordre. Moi, je ne veux pas de colère. Il est fatigant d’énergie, Zemmour, alors que la France demande juste un peu de paresse. BP : À partir du moment où je me suis mis à compter les jours. Les premiers films que j’ai faits, je discutais de l’affiche, de plein de détails. Et puis, je me suis rendu compte que c’était un engrenage inutile. Alors j’ai commencé à m’ennuyer. Je me demandais souvent « Pourquoi moi ? » Je posais la question au réalisateu­r. Je me disais que s’il n’avait pas la bonne réponse, je pourrais me barrer de son film. En fait, j’avais toujours envie de dire non à tout. À force de boire et de m’habituer à la lâcheté des gens, à l’impossibil­ité de communique­r avec eux parce qu’ils sont tous dans l’engrenage, j’ai fini par me faire à une certaine forme de complaisan­ce. C’est une musique douce où tu te dis: « Je pose trop de questions, je les mets mal à l’aise. » Et tu finis par être compassion­nel, même pour les gens qui t’engagent. BP : Parfois ! Dans mon palmarès des métiers idiots, j’ai mis en premier attaché de presse, en deuxième agent, en troisième distribute­ur. On est confronté à des discussion­s qui n’ont pas lieu d’être. J’ai demandé ce matin à une attachée de presse quel était l’intérêt de faire une interview pour vendre le film à des gens qui mettent de la crème pour dormir, comme les lecteurs de GQ, ou pour les lecteurs de Psychologi­es, des gens qui se rassurent d’être malheureux. Ça ne fera pas une entrée de plus ! Et tu sais ce que l’attachée de presse m’a répondu ? « Rien n’est prouvé ! » On n’est pas obligé de faire de la promo. Les distribute­urs ont bien essayé de le mettre dans notre contrat mais ils n’y sont pas parvenus. Les Américains sont payés pour faire de la promo, mais pas nous. En tant qu’acteur, tu as un salaire payé en cinq tranches, selon la durée du tournage. La dernière tranche est payée au moment de la post-synchro, pour être sûr que tu viennes. Les Américains, eux, touchent la dernière tranche seulement s’ils font la promo. Chez nous, il y a juste une clause qui stipule que tu ne dois pas nuire au film, mais en parler, rien ne nous y oblige. Du coup, pour en revenir au distribute­ur, il va se contenter de lire l’interview pour voir si je ne dis une connerie sur sa gueule. C’est tout. BP : On ne parle jamais du film, ça emmerde les gens. Et je n’aime pas parler de moi, ça peut vite me rendre fou. Ça demande énormément d’énergie de parler de soi. BP : Évidemment. Il y a deux choses qui me rassurent, les arbres et l’argent. Les arbres, je me dis c’est bien, les cycles recommence­nt. Et l’argent, c’est au cas où je tombe malade. BP : Ah, je te vois venir. Tu parles de ma dépression. J’ai une très belle image pour expliquer ça, c’est l’aire de stationnem­ent. J’adore les voitures. Je n’ai pas d’enfants, ma layette à moi, c’est les turbines. Je n’ai pas honte de dire que j’ai des Porsche, je m’en fous. Quand je me lève le matin, grâce à mon GPS, je peux savoir combien il y a de kilomètres pour aller là où je veux aller et calculer le temps que ça va mettre. Mais tu as beau avoir la voiture la plus puissante du monde, avec un moteur de 500 chevaux, tu as beau avoir ta technique et ton envie d’arriver là-bas le plus rapidement possible, tu n’arriveras pas plus vite. Parce qu’il y aura toujours un mec sur la file de gauche, ou un truc qui te barrera la route. Et la vie c’est comme ça. Une dépression, c’est l’aire de stationnem­ent. Où est-ce qu’on met le pneu de secours dans une Porsche? Le plus grand luxe, pour moi, ce serait de pouvoir m’offrir une autoroute. J’adorerais posséder 5 kilomètres d’autoroute. Avec un restaurout­e au milieu, des gens qui m’attendent pour une pause déjeuner. À chaque trajet, les spécialité­s changeraie­nt. Le jour où c’est l’allemagne, il y aurait de la saucisse de Morteau, du jambonneau. Une autre fois, ce serait l’espagne, avec de la paella. On me demanderai­t : « Avec ou sans frites, M. Poelvoorde ? » Ce serait ça le plus émouvant. Et parfois, je serais surpris de me dire : « Dis donc, y’a du monde aujourd’hui sur ma route. »

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