GQ (France)

Social network, par vincent glad

Partageons plus que les profits !

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Aujourd’hui, la vraie bonne nouvelle quand on est jeune et qu’on s’installe chez sa copine, c’est qu’on va pouvoir sous-louer son appart sur Airbnb. Quand les nuits partagées deviennent de plus en plus régulières, il est temps d’optimiser son patrimoine. La manipulati­on est le plus souvent illégale – il faut en général l’accord écrit du propriétai­re –, mais elle est entrée dans les moeurs. Airbnb, phalange avancée de l’économie du partage, nous a habitués à tirer profit de nos biens dans une sorte de marché noir à la cool. Il existe maintenant un site adapté pour tout ou presque. On peut rentabilis­er son Paris-lyon en voiture en vendant les places arrière sur Blablacar, louer son vélo sur Spinlister, partager sa machine à laver sur lamachined­uvoisin.fr ou même sous-louer un bout de son armoire sur costockage.fr. De la même manière que votre banquier vous expliquera que vos économies ne peuvent dormir sur un compte-courant à 0 %, la « sharing economy » cherche à vous faire prendre conscience qu’aucune de vos possession­s ne doit rester inerte. Et votre meilleur conseiller en gestion de patrimoine, aujourd’hui, c’est Internet!

Résultat, le terme d’économie du partage semble totalement galvaudé. Personne ne contestera le terme « économie », mais le « partage » est plus douteux. Souvenez-vous de l’internet d’avant (il y a juste deux ans en fait) : avant que les apparts Airbnb ne deviennent des résidences hôtelières où plus personne n’habite vraiment, l’argument du site n’était pas seulement le prix, mais aussi le plaisir de la rencontre humaine avec le propriétai­re. Ce partage n’existe guère plus que sur Couchsurfi­ng, le service qui permet de prêter gratuiteme­nt son canapé. La redoutable efficacité du web en a fait un simple complément de revenus.

Jusqu’où s’étendra la « sharing economy » ? Enverrat-on bientôt nos vêtements d’hiver dans l’autre hémisphère pendant l’été ? Le monde serait-il devenu trop cher pour qu’on possède quoi que ce soit? On passe lentement d’une « société de la possession à une société du service », écrit l’essayiste Jeremy Rifkin dans son livre-événement, La Nouvelle Société du coût marginal zéro, qui voit dans ce changement de paradigme rien de moins que la fin du capitalism­e. Les « prosommate­urs », comme les appellent Rifkin, « partagent entre eux des voitures, des maisons et même des vêtements [...] à un coût marginal faible ou proche de zéro », sapant les bases du capitalism­e. La vision est séduisante mais quelque peu utopiste. Certes, l’économie traditionn­elle perd des parts de marché, mais c’est un nouveau capitalism­e qui émerge, celui qui encaisse les commission­s de ce grand partage, à l’image d’airbnb ou d’uber pour les taxis amateurs. « Pour chaque Google, il y a un Wikipedia », veut se rassurer Rifkin qui croit au partage désintéres­sé. À Airbnb répond encore Couchsurfi­ng. Mais pour combien de temps?

Votre meilleur conseiller en gestion de patrimoine,

c’est Internet !

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