GQ (France)

Style académie

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Pour savoir rester chic en toutes circonstan­ces.

Faire semblant de vous recueillir face à un dieu auquel vous ne croyez pas n’est pas simple. Pour faire illusion dans ce grand moment de silence, portez des vêtements sobres et propres, dans des tons neutres et foncés. Aucun signe d’appartenan­ce à une quelconque addiction ou passion adolescent­e ne doit venir perturber le cours des festivités. Pour mieux vous rapprocher des cieux – s’ils vous prêtent une quelconque attention –, portez des souliers patiemment cirés et des chaussette­s impeccable­s. Vous pourriez être amené à les dévoiler.

Lundi, 18 h 03. Vous tuez les vingt minutes qui vous séparent de la délivrance en vous dirigeant le plus lentement du monde vers le distribute­ur automatiqu­e de fraîcheurs. Votre confiserie acquise avec peine, la monnaie de retour étant toujours extrêmemen­t difficile à récupérer, vous êtes tout de même heureux pour les trois minutes à venir. D’un geste frivole et spontané, vous lancez en l’air cette barre chocolatée. Malheureus­ement pour vous, l’australopi­thèque en chef de 2001, l’odyssée de l’espace n’aurait pas fait mieux. Permettez-nous de douter à voix haute de l’attrait de vos proches à vous voir le matin en caleçon tout chaud, un bol de café à la main. Aussi, soyez gentils de vous couvrir d’une robe de chambre qui, si elle prend de la place dans les bagages, vous apporte confort et dignité. Chez Tati, on en trouve en polyester contre un simple billet de vingt euros nouveaux. Arrive un âge, peu enviable certes, où il faut choisir jusqu’à la nature même de ses divertisse­ments. Il arrive qu’une fois parvenus au week-end, les individus soient fatigués au point de se moquer du reste du monde. Oui, vous compris.

À QUAND LE GRAND RETOUR DU PULL CAMIONNEUR ?

Son absence de forme, son affreux zip, son col mou… À lui seul, le pull camionneur incarne ce que le style et la mode détestent le plus au monde. La paresse comme esthétique ne doit se lire que dans les détails. Doublé par la droite cet hiver par sa descendanc­e légitime, la polaire, le camionneur devra attendre qu’un ambassadeu­r jette son dévolu sur lui. Pour toutes les raisons évoquées plus haut, sans doute, faudra-t-il se retenir très fort de suivre son exemple.

QUEL EST LE PEUPLE INVENTEUR DE LA MOUSTACHE ?

Si cela ne vous ennuie pas, procédons avec méthode : l’homme de la rue comme le puits de science conviendra que pour faire apparaître au-dessus de la lippe deux vaguelette­s broussaill­euses il faut s’être rasé le poil qui pousse aux joues et au menton, si possible à l’aide d’une lame affûtée. Si la tâche est possible avec un silex, la pratique s’est fatalement répandue à l’âge du Fer. Or, qui étaient mieux placés que les Gaulois pour maîtriser la technique ? Personne. Ce fut d’ailleurs l’un des premiers commentair­es de Jules César en Gaule face à ce peuple qui laissait tremper ses moustaches partout où son groin traînait. Quel homme ce JC !

Au bureau : pour montrer qui est le patron, pardi ! Chez soi : pour y voir plus clair, enfin ! Chez les autres : parce qu’ils sont polis, voyons ! Au restaurant : parce que vous croyez en l’espèce humaine, qui vous le rend bien ! En boîte : parce que vous n’allez pas draguer un manteau sur le bras, une doudoune sur le dos (quoique) ! Mettre les gens à l’aise en toutes circonstan­ces est, de vos missions, celle sur laquelle on vous jugera le plus sévèrement. Face au silence angoissant brisé par le manque de puissance de votre jet, il vous reste l’humour. Et si nulle blague légère ne vous vient, pensez tout de même à prendre des nouvelles de la vie de votre camarade d’infortune. Le sel de déneigemen­t ronge le cuir de vos souliers. S’ils vous sont précieux, il vous faudra les rincer pour éliminer les résidus nichés dans des interstice­s par nature difficiles d’accès. N’ayez là aucune hésitation, le cuir ne craint pas l’eau. Faites sécher à l’air libre, jamais sous la chaleur d’un radiateur, vous provoqueri­ez des fissures irréversib­les dues à une déshydrata­tion trop violente. Imaginez-vous que l’autre jour, en ouvrant un courrier, est tombée de l’enveloppe une petite carte de visite raturée. Attention, de format habituel (environ 85 x 54 mm), elle est uniquement destinée à faire connaître vos coordonnée­s, et non à transmettr­e un message quelconque. Plus grande (155 x 110 mm), elle peut éventuelle­ment faire passer un message plus ou moins personnel. Barrez votre nom quand vous souhaitez faire des variations sur un ton moins formel. Dans la poche, il se compacte en un noyau desséché ou en une madeleine gluante, c’est pourquoi on vous suggère de le glisser dans le pli du coude, à l’endroit où l’on vous prend du sang. Habillé d’un pull, on passe l’hiver manches remontées. Si le nez coule trop abondammen­t, pensez tout de même à consulter un profession­nel. Fermé, il flatte votre graisse sous-cutanée. C’est garanti sur facture : lutter contre votre petit bourrelet ne vous fera pas mourir plus doucement. Les jours de froid, jouez avec les contrastes de couleurs. Un col de chemise ou de T-shirt clair guidera le regard sur votre double menton plutôt que sur votre bedaine.

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