GQ (France)

Impitoyabl­es

Violence, racket, meurtre… les terribles et très stylés jumeaux kray sont les plus célèbres gangsters du royaume-uni. ceux qui ont fait régner la terreur sur le swinging london, avant de passer trente ans à l’ombre, seront bientôt incarnés au cinéma par t

- jérôme pierrat david bailey

LE 24 octobre 1933, LES « Kray twins » naissent dans stean street, à un quart d’heure d’écart.

n mars 2001, quelques jours avant sa mort, Reginald Kray, surnommé Reggie, âgé de 66 ans, fit une ultime confession à un journalist­e venu l’interviewe­r sur son lit d’hôpital, à Norwich, dans l’est de l’angleterre. À l’heure du bilan il concéda du bout des lèvres : « Effectivem­ent, je suppose que j’ai dû être un peu trop violent au cours de ma carrière. Je veux bien m’en excuser, mais je ne peux pas y changer grand-chose maintenant… » Doux euphémisme de la part du caïd londonien. Reggie venait de passer trente-et-un ans en prison pour avoir assassiné un « collègue », Jack « the Hat » Mcvitie, lors d’une soirée à Stoke Newington, dans le nord de Londres. Un crime qu’il avait longtemps nié avant de le raconter : c’est son frère jumeau Ronald dit Ronnie, que Mcvitie avait trahi, qui l’avait maintenu par-derrière tout en lui criant de le tuer. Reggie lui avait alors planté un couteau sous l’oeil gauche, puis dans l’estomac avant de le lui enfoncer dans la nuque tout en remuant la lame. Les États-unis ont Al Capone, la France, Jacques Mesrine et l’angleterre les jumeaux Kray : Ronnie et Reggie, les plus célèbres gangsters du Royaume-uni, et leur équipe de malfrats surnommée The Firm, qui régnait sur le Swinging London des années 1960. Une saga criminelle qui n’a finalement duré que quinze ans, mais qui ne cesse de fasciner… À l’automne prochain sortira sur les écrans Legend, ou l’histoire des frangins, incarnés par Tom Hardy (lire encadré). La légende des Kray s’est forgée dans l’east End londonien, LE mythique coin mal famé de la capitale qui regroupe les quartiers d’aldgate, West Ham, Limehouse, Hackney, les docks… et qui furent tout au long du XIXE siècle peuplés par les vagues successive­s de migrants venus s’entasser dans ses ruelles : les Irlandais qui fuyaient la famine, puis les juifs d’europe de l’est et ses pogroms… La pauvreté a transformé l’east End en terre de gangs, aussi nombreux que ses différents villages, et surtout en royaume de la prostituti­on. À la fin du XIXE siècle, ses filles de joie sont devenues les proies de Jack l’éventreur et les héros de Dickens y ont vécu leurs sordides aventures. Mais aujourd’hui, la Railway Tavern d’east Indian Dock Road où les bourgeois aimaient frissonner et s’encanaille­r a laissé place à des voies express. Lorsque les « Kray twins » y sont nés à un quart d’heure d’intervalle le 24 octobre 1933 dans Stean Street, c’était encore le royaume des mauvais garçons. Dans la famille Kray, il y avait le père, Charles, déserteur pendant la guerre puis vague receleur/chiffonnie­r fortement alcoolisé, marié à l’idole des fils, leur mère adorée Violet. Et leur frère aîné Charles, né sept ans plus tôt, qui

Edeviendra un temps marin dans la Royal Navy avant de tourner truand. Et puis surtout le grand-père, Jimmy « Cannonball » Lee, un boxeur qui s’était fait un nom chez les poids légers avant-guerre avant de transmettr­e le goût des gants à ses trois petits-fils qui écument les rings après l’adolescenc­e. C’est Reggie qui s’en tire le mieux, resté invaincu durant sa courte carrière pro chez les poids légers. Ronnie est plus turbulent, et s’il gagne parfois, il est plus souvent disqualifi­é. Élevés au sirop de la rue, les jumeaux Kray forment surtout un redoutable duo, dont la réputation de durs se répand dans l’east End à coups de lames de rasoir.

De la maison de correction à la Tour de Londres Les premiers ennuis sérieux arrivent en 1950. Ils ont 17 ans : une bagarre à la sortie du Barrie’s Dance Hall sur Narrow Way dans le quartier d’hackney leur vaut un premier séjour en maison de correction. Quelques mois plus tard, une fois dehors, leur carrière criminelle balbutiant­e a failli s’arrêter : Ronnie échappe à un coup de lame vengeresse qui, heureuseme­nt pour lui, termine dans la doublure de sa veste. Leur service militaire effectué en 1952 ne déroge pas à leurs règles violentes. À peine arrivés, ils s’enfuient non sans avoir sérieuseme­nt amoché un gradé. Rattrapés dans leur fief, ils échouent à la célèbre Tour de Londres, dont ils sont parmi les derniers pensionnai­res, avant d’atterrir dans une prison militaire. Ils s’en évadent et finissent dans une prison civile. Une fois libérés de leurs obligation­s, et de retour sur le pavé de l’east End, les jumeaux passent aux choses sérieuses. Avec leurs premiers deniers mal acquis, ils achètent une salle de billard dans leur quartier de Bethnal Green. Depuis ce QG, ils multiplien­t les cambriolag­es et autres vols et, preuve de leur ascension, dès 1955 ils ont « leur jour » sur les champs de courses pour racketter les bookmakers. Une vieille tradition de la pègre locale. Mais le domaine de prédilecti­on de ces durs de durs, craints pour leur violence, c’est la protection des clubs de nuit. Ils commencent avec le Regal sur Eric Street. Grâce à des escroqueri­es aux chèques volés, ils équipent une salle de sport située juste au-dessus. C’est là que naît The Firm, le surnom donné à leur équipe constituée d’une vingtaine de truands. Principale­ment d’ex-détenus dont les familles ont été soutenues par les frangins durant leur incarcérat­ion. Des garçons qui leur sont entièremen­t dévoués. Ils ne sont pas les seuls : en quelques coups de fil, les Kray seront bientôt capables de mobiliser des voyous de Liverpool comme de Birmingham ou de Glasgow. En effet, leur réputation grandit en même temps que leur portefeuil­le de clubs s’agrandit. Pour bénéficier de leur « protection », il suffit d’embaucher leurs videurs et de verser en plus des salaires un supplément. Quatre gros bras de la Firme collectent les enveloppes tous les vendredis. Bientôt tombent dans leur escarcelle le Green Dragon et son club frère le Little Dragon, deux

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France