350 m2 « UN CLUB D’ÉLÈVES VIVANT DANS PLUS DE
Une ancienne élève »
intellectuel d’aujourd’hui suffit à cerner le profil des élèves de l’« école » : Édouard Baer (comédien), Laurent Gaudé (écrivain), Édouard BocconGibod (directeur de Christie’s France), Thomas Clay (universitaire en droit spécialisé dans l’arbitrage et tombeur de Bernard Tapie), pour quelques exemples côté garçons ; Léa Salamé (France Inter), Judith Nora (productrice de Connasse), Tamara Taichman (styliste), côté filles. Et encore, ce n’est que pour parler des plus célèbres. Mais ce serait injuste de ne retenir que la notoriété comme critère de réussite. Il y a aussi les anonymes, parfois timides au moment de partager leur café du matin à La Cachette, entre Kristin Scott Thomas et Inès de La Fressange. Mais tous ne sont pas effrayés par ce « name-dropping », et même le recherchent, rêvant d’un moment mondain (dans la cour, lors d’une réunion, voire en privé, le must !) au milieu de Benjamin Biolay, Chiara Mastroianni, Vincent Lindon ou encore Sandrine Kiberlain, autant de parents d’élèves un peu particuliers. D’autres, encore, jugent cette réputation excessive. « Cela me fait bizarre de parler de mes amis comme cela, comme des fils de », estime ainsi Gabriel Roberts, fils de Jean-marc Roberts (l’ancien patron des éditions Stock, décédé en 2013) dont les meilleurs amis se nomment Adrien (fils de Richard Ducousset), Marie (fille de Patrick Modiano) et Ara (fille de Philippe Starck).
Pédagogie moderne Cette proximité avec le pouvoir est née de façon presque naturelle. Fondée en 1874, l’alsacienne s’affirme d’emblée comme l’une des rares écoles privées et laïques. Nous sommes au virage de la séparation de l’église et de l’état. Cette nouvelle institution symbolise d’emblée l’école de l’état contre l’influence des catholiques et des jésuites. Quand ceux-ci prônent la compétition, les sanctions, le classement et l’absence de mixité, l’alsacienne, qui compte déjà les enfants de Georges Clémenceau et d’alexandre Millerand, développe une pédagogie opposée. L’élite est d’emblée séduite par cette vision moderne, et cette relation ne se démentira jamais. L’alsacienne a ainsi toujours accueilli « des enfants de ». D’actrices – Isabelle Huppert, Catherine Deneuve. D’hommes de pouvoir – Robert Badinter, François Mitterrand. « Le 10 mai 1981, une soirée réunit de nombreux élèves, se souvient une collégienne de l’époque. La moitié exultait, l’autre non, selon que leurs parents pensaient ou non entrer au gouvernement. » L’importance du patronyme aurait même pris, au fil du temps, une place croissante dans la façon dont l’alsacienne est perçue. « Pendant longtemps, cela n’impressionnait personne, mais on est dans une ère de peopolisation des esprits. Célèbre égale important. On fait tout pour que cela reste à la porte de l’école », assure le directeur Pierre de Panafieu.
Trouver sa porte La direction est toutefois parfaitement consciente que la présence d’enfants de parents prestigieux est un argument pour certains du commun des mortels. L’an dernier, pour la rentrée en 6e, plus de 300 candidats postulaient, pour 60 places seulement. Une des astuces de la direction consiste à demander aux parents des candidats qui ils connaissent. Une pratique qui ressemble surtout à un piège. « On aura tendance à se méfier des parents qui ne donnent qu’une liste de noms connus », avertit Pierre de Panafieu. Mais même les puissants n’hésitent pas à manoeuvrer pour l’avenir de leur progéniture. Il y a quelques années, les mésaventures du fils de Carla Bruni sont restées célèbres : quelques jours avant que les résultats officiels ne soient donnés aux autres parents de candidats, une brève dans Le Figaro informe que l’enfant est accepté à l’école. Tollé. Le beau-fils de Nicolas Sarkozy, alors président de la République, restera finalement dans son ancienne école. Les élèves eux-mêmes se retrouvent parfois embarrassés par la réputation de l’alsacienne. Pour cette raison, Gabriel Roberts était un élève « hyper dissipé ». Il a fallu une convocation chez le directeur pour que sa vision évolue.
« Le 10 mai 1981, une soirée réunit de nombreux élèves.
La moitié exultait, l’autre non, selon que
leurs parents pensaient ou non
entrer au gouvernement. »