GQ (France)

STAGE DE RAISON David Abiker

Vous l’aurez sur le dos jusqu’en octobre, vous allez devoir le former, l’occuper et peut-être même le faire travailler. Pourtant, le stagiaire n’est pas le boulet que vous croyez. Notre chroniqueu­r vous explique comment l’utiliser au mieux. Illustrati­on :

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E «n vingt ans de carrière, j’ai accueilli un stagiaire par an et je ne l’ai jamais regretté. » Quand Me Philippe Lebauvy, avocat au Barreau de Paris, évoque ses stagiaires, c’est avec le sentiment du devoir accompli. Pour cet as du droit commercial, le stagiaire est « un miroir qui me renvoie mon profession­nalisme à la figure : il me fait faire le point sur ce que je sais faire. » Le stagiaire c’est d’abord l’occasion de s’inventer un adjoint. C’est lui qui vous donne votre première responsabi­lité d’encadremen­t et si vous n’avez pas été scout, il va falloir être à la hauteur. Prendre un stagiaire c’est assumer son propre leadership. Êtes-vous vraiment prêt ? Que sais-je faire que je puisse transmettr­e à un gamin qui sort de l’école ? Pensez au Maître de la série Kung Fu et au Petit Scarabée qu’il forme. Le stagiaire vous offre sans le savoir une vraie question introspect­ive et un bilan de vos propres compétence­s. Qu’est-ce que le respect d’un délai ? Comment répondre à un client ? Qu’est-ce qu’un résultat ? Vous avez intérêt à avoir les réponses.

Il ne s’agit pas de vous débarrasse­r des corvées. Si vous déléguez mal, le stagiaire vous reviendra comme un boomerang. Mal responsabi­lisé, il vous suivra comme Rantanplan aux basques de Lucky Luke. Surchargé, vous aurez son burn out et ses gaffes sur la conscience. En juin dernier, la mort d’épuisement d’un stagiaire de la City n’a pas donné une bonne image de la Bank of America où il était employé. Pour Marianne Paux Corbel, DRH chez L’oréal, « le manager doit structurer la mission du stagiaire, lui donner un feedback, l’évaluer ».

Une occasion d’être exemplaire ? Méfiez-vous. Le stagiaire n’est pas votre chose. Il commettra un rapport, causera à la cantine et peut même évaluer son expérience sur des sites comme Glassdoor. Ne mettez pas en danger votre marque employeur pour celui qui se rappellera à votre bon souvenir sur les réseaux sociaux… Certes, vous le supervisez, mais vous êtes vous-même sous surveillan­ce. Évitez donc de pester sur votre boss ou sur les clients devant lui. Le stagiaire vous oblige à définir votre rôle-modèle. Inutile de draguer la jeune femme que vous avez choisie sur des critères suspects, tout l’open space le saura. C’est juridiquem­ent risqué et ça ne vous ressemble pas. Travaillez plutôt votre personal branding. Accueillir cette jeune pousse, c’est vous montrer sous votre meilleur jour : pédagogue, responsabl­e, engagé… « Certains de mes stagiaires m’ont recommandé à de futurs clients », explique Me Lebauvy. Si c’est une flèche de productivi­té ou une usine à bonnes idées, le stagiaire peut vous offrir un véritable lifting profession­nel. « Les patrons sont de plus en plus attentifs à la manière dont on encadre son stagiaire, ils y voient des capacités de management », conclut Marianne Paux Corbel. Si votre stagiaire est bon, vous risquez même qu’on s’imagine que c’est grâce à vous !

Travaillez votre personal branding. Montrez-vous pédagogue et responsabl­e !

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