GQ (France)

En 2015, le concours De Sosies est toujours ouvert

Steve Mcqueen

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Les acteurs d’hollywood se livrent une guerre sans pitié pour interpréte­r le rôle de leur maître dans le biopic que prépare James Gray (le réalisateu­r de La Nuit nous appartient). tout porte à croire que Ryan Gosling peaufine le rôle depuis sa naissance. Les autres ne lui arrivent pas à la cheville.

l est 4 heures du matin sur Mulholland Drive, la route qui serpente entre les collines au nord de Los Angeles. un homme seul roule à tombeau ouvert dans un vrombissem­ent de moteur : c’est Steve Mcqueen. il est sûr de ne pas croiser de véhicule en sens inverse sur cette route zigzagante, qui met à l’épreuve son sens inné de la trajectoir­e. il accélère fort, et ça le détend. il essaye sa toute dernière acquisitio­n, la Porsche 930 turbo. une des machines les plus agressives des années 1970 : 6 cylindres à plat, 234 ch, accélérant de 0 à 100 km/h en 5 secondes. un vrai bolide de course, homologué pour la route. Cette nuit-là, comme très souvent, les phares sont allumés, mais les feux arrière éteints. La paranoïa de l’acteur est à son comble. « il avait installé un interrupte­ur de feux arrière sur la plupart de ses voitures pour ne pas être suivi», explique aujourd’hui son fils Chad. Cette Porsche, la dernière commandée et revendue par l’acteur au bout d’un an et demi, est mise aux enchères à Monterey ce 13 août 2015 aux alentours de 200000 $. Et comme à chaque fois qu’un véhicule de Mcqueen est présenté à la vente, il attire de nombreux collection­neurs, car son goût sûr, ses choix de modèles pertinents et les modificati­ons qu’il leur apportait transforme­nt la moindre machine de l’acteur en rareté. Le bénéfice de la vente sera reversé au profit duboys Republic, le pensionnat qui a permis au jeune Mcqueen d’éviter la prison et de devenir la première mégastar du cinéma.

le Bricoleur Steve Mcqueen aurait pu devenir pilote de course profession­nel. Après le pensionnat, en 1947, il fait son service militaire au sein d’une division blindée des Marines. Et déjà, il bricole le moteur de son tank pour aller plus vite en limant la culasse (en vain). De retour à la vie civile en 1950, Mcqueen prend des cours de théâtre à new york et s’achète un side-car qu’il répare lui-même lorsqu’il ne dépanne pas les motos des copains comme celle de James Dean. En 1952, il réussit à s’acheter une première voiture de sport, une Mg tc payée avec ses cachets de débutant à broadway et ses gains au poker. Mais c’est grâce à son premier grand rôle dans la série télé Au nom de la loi qu’il peut enfin s’offrir sa première voiture neuve : une splendide Porsche 1600 Super Speedster noire, modèle 1958, avec laquelle il commence la compétitio­n. Pourquoi cette voiture ? « Parce qu’elle convenait bien aux épreuves régionales sur circuit », explique Matt Stone dans son beau livre illustré Mcqueen et ses machines (éd. Etai). Le Speedster de Mcqueen avait subi d’emblée quelques modificati­ons comme à chaque fois qu’il s’appropriai­t un véhicule, à commencer par l’ajout d’un allume-cigare. Sur le plan technique, le moteur gonflé à 75ch, les roues à démontage rapide et le pare-brise abaissé permettent au rookie de remporter d’emblée trois courses, aiguisant son appétit. « La victoire vous monte facilement à la tête», racontait-il à son biographe William nolan. Au bout de dix-huit mois, il troque ce Speedster contre une Lotus Xi, plus légère, puis une rare Jaguar XK-SS dérivée de l’excellente type D, victorieus­e trois fois de suite aux 24 Heures du Mans (1955-56-57). un homme de goût qui, à chaque course, améliore ses performanc­es.

le collection­neur Sauf que les studios s’inquiètent des risques que prend l’acteur et lui imposent d’arrêter la compétitio­n. En contrepart­ie, son agent négocie l’usage d’une voiture pendant les tournages, qu’il rachète ensuite. C’est ainsi que Mcqueen se met à accumuler des engins de tous types : des sportives (Ferrari, Porsche, Jaguar) ; des limousines (Hudson, Cadillac, Rolls, Mercedes) ou des utilitaire­s (pick-up, Jeep, Land Rover) et même un half-track (un blindé semi-chenillé) de l’armée, modifié pour promener les invités dans sa propriété de Palm Springs. En 1974, devenu immensémen­t riche, Mcqueen retrouve par hasard la trace de son Speedster de 1958, en possession du collection­neur bruce Meyer. « il m’a harcelé de coups de téléphone pendant deux ou trois mois, raconte Meyer à Matt Stone, jusqu’à m’inviter avec ma femme dans sa maison. J’ai fini par céder. Comment résister à Mcqueen ? » À sa mort, son fils Chad a hérité de cette voiture et l’entretient toujours avec amour. Preuve de sa collection­nite aiguë, Steve Mcqueen a possédé plusieurs dizaines de voitures mais aussi quelques avions, des pompes àessence, des affiches en tout genre et jusqu’à une centaine de motos. « il aimait ses machines non pour leur valeur marchande, mais pour la sensation de liberté qu’elles lui procuraien­t», insiste Matt Stone. C’était particuliè­rement vrai avec le motocross qu’il découvre en 1960 grâce au concession­naire triumph de Los Angeles bud Ekins : « Mcqueen a vu toutes ces motos sans phares et couvertes de terre au fond du garage, raconte Ekins. il était intrigué, j’ai accepté de l’emmener et de l’initier au pilotage. » une profonde amitié naît entre les deux hommes au point que l’acteur propose au garagiste de venir en Allemagne sur le tournage de La Grande Évasion (1963) pour les séquences de sauts à moto.bud devient alors la doublure attitrée de Mcqueen : dans Bullitt (1968), c’est lui qui fera bondir la Mustang dans les rues de Sanfrancis­co, donnant naissance à la course-poursuite la plus culte du cinéma. Ekins raconte que, pour être sûr que Mcqueen ne prenne pas levolant, la production donnait des heures différente­s de début detournage à l’un et à l’autre : 6 heures du matin pour Ekins et 10 heures pour Steve. Heureuseme­nt, la star se rattrapera dans

« Quand je trouve que le monde est moche, je regarde ceux qui prennent du bon temps avec leur moto et je vois les choses autrement. » On Any Sunday

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