GQ (France)

La face cachée DU « king of cool » Gabriel clarke, Michael cimino,

Co-réalisateu­r de The Man & Le Mans (2015) « Il pensait être invincible » Mystère, raffinemen­t et charisme Steve Mcqueen

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Superstar au charisme incroyable, capable de faire surgir l’émotion d’une attitude ou d’un regard, Steve Mcqueen était aussi un profession­nel perfection­niste et méfiant. GQ a recueilli les avis éclairés de trois cinéastes. « Avec John Mckenna, nous avons voulu montrer comment le film Le Mans a changé Mcqueen. Dans un enregistre­ment audio inédit, Steve explique : “nous avons essayé de montrer dans ce film (Le Mans) pourquoi un homme se lance dans le sport automobile, et les sensations qu’il éprouve. C’est un moment de liberté intense, une véritable drogue.” Mcqueen voulait faire vivre la course auto en vrai. Son idée consistait à filmer les voitures en vitesse réelle à plus de 320 km/h. Sans scénario, l’équipe de tournage multiplie les prises de vue (300 km de pellicule !), au point de provoquer l’accident dans lequel le pilote David Piper perd une jambe. Avec Le Mans, pour la première fois, le film le dépasse. il faut comprendre le niveau de notoriété très élevé que Mcqueen avait atteint en 1970, il était plus connu que les films dans lesquels il jouait. Sur le tournage, il était devenu un héros shakespear­ien, il pensait être invincible, il était odieux avec tout le monde. Ce film l’a épuisé et usé, après il n’a plus couru du tout, alors qu’il était bon pilote. Mais selon moi, il n’aurait jamais pu être un champion automobile aussi grand qu’il a été une star de cinéma. Et c’est précisémen­t pour cette raison qu’il est parvenu à nous faire vivre les 24 Heures du Mans de l’intérieur. Mcqueen s’impliquait vraiment dans le tournage. il savait quelle focale utiliser, quelle caméra placer sur quel coin du circuit. il a tout fait construire, les voitures caméras, un village entier pour loger l’équipe… Son implicatio­n totale a aussi contribué à la légende du film. il ne pouvait que placer le spectateur directemen­t derrière le volant, en organisant une sorte de chorégraph­ie de voitures. Exactement comme Alfonso Cuarón, le réalisateu­r de Gravity (2013). L’histoire racontée par le film est anodine mais on vit l’espace, on a l’impression d’y être. La caméra embarquée du film Le Mans, c’est une révolution cinématogr­aphique, comme la caméra à l’épaule dans À bout de souffle de godard. » recueilli par alexandre lazerges « La mythitude est une chose mystérieus­e », écrivit un jour Michael Cimino. Le réalisateu­r de Voyage au bout de l’enfer ou des Portes du paradis sait de quoi il parle. Pour lui, comme pour beaucoup de cinéastes américains, Steve Mcqueen fut en effet bien plus qu’une star ou l’acteur d’une poignée de classiques. Sa présence dans le cadre, même immobile et muette (ou presque) donnait de la densité au plan, une puissance faite de mystère, de raffinemen­t et de charisme. il attirait le regard comme un aimant et condensait les deux qualités que le cinéma américain a toujours valorisées : le profession­nalisme (qu’il soit policier, joueur, cambrioleu­r ou homme d’affaires, Mcqueen était toujours le meilleur) et une méfiance systématiq­ue à l’égard du verbe. Michael Cimino, dont il était avant tout l’ami, livre le vrai visage de « son » Mcqueen. « Steve adorait les courses de motos. Parfois, on se donnait rendez-vous chez lui, ou chez l’un d’entre nous, et on buvait de la bière en regardant des vidéos de courses. J’adorais cela. Pour moi, qui venais de l’est, c’était formidable. » Les deux hommes ont été très proches. C’est à Mcqueen que Cimino avait pensé en 1972, quand il écrivait le script de ce qui ne s’appelait pas encore La Porte du paradis mais The Johnson County War. il le voyait dans le rôle de James Averill, cet aristocrat­e sorti d’harvard et devenu shérif dans un bled paumé du Wyoming qui assiste, désabusé et impuissant, au massacre de migrants par une bande d’éleveurs richissime­s. C’est encore à son ami qu’il tient à montrer le premier montage définitif de Voyage au bout de l’enfer. « Personne à l’époque ne savait qu’il avait un cancer et qu’il était mourant. Je l’ai invité à cette projection. il n’y avait personne, sauf deux gars d’universal et moi. on ne pensait pas qu’il viendrait. il est arrivé en jean et en t-shirt. Pas rasé, un peu bourru. il s’est assis au premier rang, c’était un petit cinéma. il a regardé tout le film sans faire un seul geste. À la fin de la séance, il a sauté de son siège et s’est retourné face à nous : “Ça va montrer à quelques fils de pute comment on vit en Amérique !” Et il est parti. Je ne l’ai plus jamais revu. » Jean-baptiste thoret

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