GQ (France)

Les parents de Luc sont instructeu­rs de plongée, ses meilleurs amis sont une murène et un poulpe.

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pour m’effacer, pour me mettre un masque de fer. Moi, il fallait absolument que j’existe, que je laisse une marque. Pour ça, il fallait créer. »

La plongée interdite

(…) Noël 1975, Luc a 16 ans. Il quitte l’internat quelques jours pour aller passer les fêtes avec sa mère et son beau-père. Ce dernier s’appelle François Guerre-berthelot. Il est pilote de Formule 2 et a cofondé la marque de casques GPA, très réputée auprès des pilotes de Formule 1. Pour ce Noël, Luc a demandé en cadeau un appareil photo, un Minolta ST101 équipé d’un objectif 50 millimètre­s. Il le désire, il n’en peut plus d’attendre, son attirance pour l’image est déjà forte. « Et c’est alors que son beau-père refuse, explique ce proche souhaitant demeurer anonyme. Luc ressent un sentiment d’injustice. Plus que par la revanche, c’est quelqu’un qui a toujours été transcendé par le sentiment d’injustice, qu’elle soit vraie ou pas d’ailleurs. Et en réaction, il est capable d’aller chercher des choses. C’est une forme de vengeance positive en fait. Là, il se sent mal aimé et puis, il y a le nouvel enfant (Bruce, le demi- dimanche, alors qu’il souffre d’une sinusite, Luc descend pour le plaisir à 35 mètres de profondeur. Au bout d’un moment, ses sinus s’endoloriss­ent tandis que la mer s’agite. Il décide de remonter. « À vingt mètres, mes sinus, complèteme­nt bouchés, gonflent sous la pression, pincent les nerfs optiques et je deviens… aveugle ! Je redescends de quelques mètres. La vue revient. » Il se mouche, se met des coups de poing dans la tête, rien n’y fait. Dès qu’il arrive entre 20 et 15 mètres de profondeur, il perd à chaque fois la vue. Luc est bloqué au fond de l’eau. « Alors, je décide de forcer et je remonte quand même jusqu’à la surface, mais dans quel état !... je passe les détails. » On l’évacue d’italie vers un hôpital à Marseille. Il y restera deux semaines. Luc se réveille amputé de la moitié amphibie de son corps. Comme si, sans son consenteme­nt, les médecins lui avaient enlevé ses ouïes puis coupé ses nageoires. La plongée lui est désormais interdite. Luc ne sera pas delphinolo­gue. En quittant la plage du Club Med, il croyait faire une simple pause dans sa relation quasi extatique aux dauphins. Depuis sa chambre d’hôpital, il voit s’enfuir son rêve.

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