GQ (France)

« pourquoi retravaill­er Ya“makasi” ? alors qu’avec cette merde de “taxi 2”, je fais 12 millions d’entrées ! »

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Pour la première fois en vingt ans de métier, Luc Besson ne va réaliser aucun film pendant six ans, conséquenc­e de ses doutes survenus en 1995, après la sortie du Cinquième élément. S’il n’avait pas été question d’imposer sa compagne pour le rôle principal, il n’aurait même pas réalisé Jeanne d’arc. Luc tente de détendre son jeune Jedi à sa manière. « Mais pourquoi tu veux travailler davantage sur Yamakasi ?, lui lâche Besson devant plusieurs technicien­s de plateau. Alors qu’avec cette merde de Taxi 2, je viens de faire 12 millions d’entrées ! » À son grand étonnement, son poulain n’est pas du tout réceptif à l’argument box-office. Julien Séri veut du temps, il le stipule par écrit dans des termes assez virulents. Un premier courrier adressé à Luc dénonce une organisati­on « dont la rentabilit­é est le mot d’ordre » et conclut : « Votre méthode de travail n’a rien à voir avec la mienne. Il s’avère que c’est à moi de travailler selon vos méthodes, ce qui fait de moi un simple technicien (…) mon faire ! En plus, elle a été tamponnée en amont exactement telle quelle par ta production sur le dessin du story-board ! – Je m’en branle, répond Besson. C’est moi qui décide. - Tu me fais exactement ce que tu reprochais à tes anciens producteur­s !

Yamakasi dans les prétoires

Luc ne répond rien. Sur son visage, se dessine une moue insondable. Julien vient probableme­nt de faire allusion à ce que son « papa du cinéma » a écrit l’année précédente dans son dernier livre. « Il y a deux obligation­s (…) pour le metteur en scène, expliquait Besson : être sûr de ce qu’il veut et bien montrer qu’il n’y a qu’un patron sur le tournage. Si vous ne respectez pas ces deux conditions, vous êtes déshabillé, humilié, mort. » Sur le plateau, l’enjeu immédiat est de déterminer face à toute l’équipe qui est le véritable patron du film. Julien ne s’exécute pas, Luc Besson repart sur sa moto. Le len-

Cent soixante-dix millions d’euros de budget. À quelques dollars près, le coût de Star Wars : le réveil de la Force. Le nouveau projet de Luc Besson, Valérian, fait basculer le cinéma français dans une autre dimension. En termes de budget, le précédent record était détenu par Le Cinquième Élément et ses 75 millions d’euros. Une broutille. En adaptant une bande dessinée française à succès (plus de 3,5 millions d’exemplaire­s vendus dans le monde depuis la fin des années 1960) mais dont la renommée s’est un peu effritée, Besson affiche son ambition : rivaliser avec les plus grands d’hollywood – les J. J. Abrams, James Cameron et Peter Jackson – en lançant une franchise qu’il pourra décliner et du merchandis­ing, à la manière des géants Marvel et Lucasfilm chez Disney. Pour mener à bien ce défi insensé, dont Besson rêve depuis une décennie au moins, voire depuis l’enfance (il était lecteur de Valérian), il a fait appel aux plus prestigieu­x studios d’effets spéciaux. Europacorp s’est également implanté aux États-unis et la filiale américaine distribuer­a le film elle-même. Cette stratégie est doublée d’un partenaria­t juteux avec le chinois Fundamenta­l Films, qui a investi 50 millions dans le projet. Ce sont ainsi deux marchés stratégiqu­es qui sont préparés à une sortie au mois de juillet 2017, deux mois après celle de Star Wars VIII : « Sortir deux mois après Star Wars, ce n’est pas comme sortir deux jours après, explique Dominic Patten, du site hollywoodi­en de référence Deadline. La concurrenc­e n’est pas un problème. Je dirais plutôt qu’elle joue en faveur de Besson en aiguisant l’appétit du public pour la SF. » Pour appuyer ces propos enthousias­tes, le journalist­e de Deadline relaie la présentati­on réussie de bouts de story-board du film par le réalisateu­r lui-même au dernier Comic-con de San Diego, grandmesse pop culturelle où se pressent tous ceux qui comptent en matière de blockbuste­rs. Il insiste surtout sur le statut actuel de Besson, qui vit la moitié de l’année au moins à Los Angeles (où il s’est domicilié fiscalemen­t l’été dernier) : « Avec Lucy, il sort du plus grand succès de sa carrière et à Hollywood, le seul truc qui te définit, c’est la dernière chose que tu as faite. Besson jouit d’un vrai respect aux États-unis en tant que businessma­n et il a une image de global filmmaker. » Tout est dans le « global ». De fait, si le film est tourné dans les studios de Besson à Saint-denis, il l’est en anglais avec un casting anglo-saxon. Ce qui n’a pas empêché la production d’obtenir de Fleur Pellerin un amendement du système du « crédit d’impôt cinéma » pour en bénéficier après avoir menacé de délocalise­r le tournage en Hongrie. Pour incarner Valérian, le voyageur de l’espace et du temps créé par le scénariste Pierre Christin et le dessinateu­r Jean-claude Mézières, Luc Besson a engagé le frêle Dane Dehaan, un pari risqué plutôt du

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