« C’est assez compliqué de nous dépasser : nous sommes entraînés et formés d’une façon sacrément intelligente. »
Tinker Hatfield, designer chez Nike.
mois, le cool a changé de camp, clairement, avec tous ces EX-VIP Nike comme Justin Bieber, Kanye West et les Kardashian etc., passés dans le camp d’en face. » Lors de notre visite à Beaverton, nous assistons à un événement célébrant les vingt-cinq ans de la Nike Air Max, un des modèles les plus connus de la marque, identifiable à son coussin d’air visible et généreux. Une vingtaine de journalistes sont invités, incluant un Brésilien, un confrère du GQ coréen, un Anglais bruyant mais affable ainsi qu’un tandem de femmes japonaises qui ont fait le déplacement avec leur traducteur. Nous dégustons un repas – entrée, plat, dessert – tout en contemplant la vue sur le lac artificiel et en écoutant différentes présentations portant sur l’histoire et l’importance culturelle des Air Max. Puis arrive alors Tinker Hatfield, le designer emblématique de Nike, qui va, si l’on en croit le dossier de presse rédigé dans un langage parfois cryptique, « débarquer vers la grande ponctuation et procéder à la révélation de la Zero », à savoir la Air Max Zero, une chaussure qui, que cela reste entre nous, n’a pas l’air si bouleversante que ce que l’on croyait et qui ressemble finalement un peu aux modèles de cette marque aujourd’hui oubliée, K-swiss. Au terme de la cérémonie, on nous accorde huit minutes en face-à-face avec Hatfield. Un « face-à-face » d’un genre particulier puisque nous sommes entourés par au moins cinq attachés de presse visiblement très, très attentifs à nos questions. Il faut préciser que le gourou de la sneaker n’accepte quasiment jamais les interviews et que celles qu’il a pu donner jusqu’ici étaient hautement « scriptées ». Il jette un oeil aux chaussures que nous portons, qui ne sont pas des Nike mais des sortes de godillots fort peu stylés : son regard n’est pas très différent de celui d’un automobiliste qui viendrait de voir un chien écrasé au bord de la route. De longues secondes de malaise s’écoulent entre nous. Nous finissons par briser la glace en lui demandant s’il observe de près les agissements de la concurrence. Adidas est après tout en train de sérieusement décoller : cela l’inquiète-t-il de quelque façon ? « Lorsque vous passez votre temps à foncer vers le futur, peu importe qui se trouve derrière vous, répond Hatfield. Si jamais vous vous faites dépasser, c’est que votre concurrent est meilleur que… » Il marque une pause et se corrige : « Pardon. C’est que vous n’avez pas fait ce qu’il fallait. Et aujourd’hui, c’est assez compliqué de nous dépasser, parce qu’il me semble que nous sommes entraînés et formés d’une façon sacrément intelligente. » Avant de quitter le campus, nous passons un moment aux côtés de Leo Chang, directeur du design basket. C’est à lui que revient la mission cruciale de préserver l’hégémonie de Nike dans la NBA. À seulement 35 ans, Chang est un garçon réservé, aux cheveux longs. Il est arrivé