GQ (France)

L’HYPERLOOP

D’autres projets d’elon Musk promettent de belles surprises comme l’hyperloop, un train à très grande vitesse (1 200 km/h) qui circulerai­t dans un tube sous vide pour parcourir les 613 km qui séparent San Francisco de Los Angeles en trente minutes – au li

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lement. Les plus riches sont, parfois, les plus économes. À Paris, son pied-à-terre profession­nel est un bureau dans un espace de coworking avenue de la Grande Armée. La Mini noire, pilotée par sa mère, lui sert souvent de Uber. Sa mère, le point de départ. Discret sur le sujet lors de notre première rencontre, Alexandre Mars parle aujourd’hui assez librement de son éducation.

Il est toujours très secret sur son père (qui a fait carrière dans le conseil en stratégie), mais il n’hésite pas à citer la figure maternelle (ancienne hôtesse de l’air puis salariée de l’institut de beauté Carita) comme source d’inspiratio­n. Un jour, il a trouvé un chauffeur de taxi chinois attablé chez elle : l’homme parlait si mal français qu’elle avait proposé de lui donner (gratuiteme­nt) quelques cours. « Elle a toujours aidé les vieux, les jeunes, les étrangers. Cela fait partie de ses principes de lutter contre les inégalités. À l’école, je faisais pareil, je venais au secours des plus faibles », explique-t-il à une quinzaine de personnes réunies pour un goûter d’affaires dans un appartemen­t de Bruxelles situé aux bords des étangs d’ixelles. Assis en face d’une colossale oeuvre d’anish Kapoor soudée au mur, il poursuit : « À 20 ans, je voulais changer la société. Je me suis rendu compte qu’il fallait de l’argent pour faire le bien autour de moi. » Optimiste, voire présomptue­ux, il pense faire fortune en trois ans. Il lui en faudra finalement quinze. Trois quinquenna­ts durant lesquels il crée, en France, une société de capital-risque, en 1999, puis deux autres entreprise­s dans la technologi­e : Phonevalle­y en 2002, spécialisé­e dans le marketing pour téléphones mobiles, et Scroon, en 2007, qui offre aux marques un SMMS (Social Media Management System) pour gérer leurs conversati­ons sur les réseaux sociaux. Deux boîtes qu’il revend en 2007 et 2013, respective­ment à Publicis et Blackberry, pour plusieurs millions de dollars – « Les chiffres exacts restent confidenti­els, confie-t-il. Je peux juste dire que ce n’est pas avec quelques millions de dollars que je peux réaliser ce que je fais avec Epic. » S’était-il lassé de ses créations ? « Non, pas du tout. Je me suis toujours amusé. Mais dans cette économie du digital, soit tu as réussi en cinq ans, soit tu ne réussis pas, explique-il. Mon idée a toujours été de construire puis de vendre. Avec Epic, je fais la même chose que lorsque je dirigeais mes sociétés, avec des employés, du business, des rencontres, sauf que l’objectif final est social. » Mais pour continuer (quand même) à se verser des revenus, il compte sur son family office, Blisce, dirigé par son ami de longue date Charles-henri Prévost, 37 ans. « Nous investisso­ns dans les domaines que j’aime, que je connais, qui m’intéressen­t et que je comprends, comme Pinterest, Blablacar, Spotify… » De quoi

chèque, je veux que ce soit pour faire du business avec une bonne mentalité », lui susurre-t-il. Ça marche. « Je donne un peu parfois mais sans savoir ce qu’il advient de l’argent, répond Nathalie Garcin. Là, j’avoue que je serais ravie de vous aider. Nous avons un métier de contact, nous côtoyons des gens qui ont un peu de sous… » Au point d’acheter des biens à sept chiffres. Au moins. Mars lui présente donc le « 1 % ». Le 1 % ? « Les gens ne doivent pas forcément donner directemen­t de l’argent, explique le philanthro­pe. Cela peut aussi être du temps, des espaces publicitai­res, des bénéfices, des produits, des transactio­ns… Imaginons que sur chaque vente, 1 % soit reversé à des associatio­ns… » L’idée a déjà été adoptée par des entreprise­s américaine­s. Mars ne laisse rien au hasard.

es États-unis sont en effet son autre berceau. Il s’y est exilé en 2010 pour accélérer l’éclosion de ses sociétés. « Si tu veux être numéro 1 dans le business digital, ça se passe là-bas. » Et là-bas, le charity business est (pour ceux qui le peuvent) une évidence. Si l’environnem­ent fiscal est plus favorable, le réflexe du giving back marque profondéme­nt la culture anglosaxon­ne. Certains leaders tentent même de l’exporter. En 2010, Buffett et Gates ont lancé une campagne nommée « The Giving Pledge » afin d’inciter les milliardai­res du monde entier à donner au moins 50 % de leur fortune personnell­e. Cinq ans plus tard, près de 140 d’entre eux, de 15 nationalit­és différente­s, ont rejoint le mouvement comme le Sud-africain Elon Musk (lire p. 128) ou l’iranoFranc­o-américain Pierre Omidyar (fondateur d’ebay). En 2013, une fois ses sociétés vendues, Alexandre Mars ambitionne de devenir une référence dans le business de la générosité : il réalise ses propres études de marché et frappe aux (bonnes) portes. Il s’invite chez les maîtres ès philanthro­pie de Microsoft, ebay, Google (voir l’encadré). « Je ne connaissai­s ni Bill Gates ni Pierre Omidyar. J’ai donc pris mon CV et sollicité leurs fondations. Je leur ai dit que j’avais certes gagné moins d’argent qu’eux mais suffisamme­nt pour en faire profiter d’autres personnes. Ils m’ont accueilli à bras ouverts. » Ses références profession­nelles accélèrent le processus. Tout va même si vite qu’il vend en 2013 sa société Scroon à Blackberry puis entreprend une odyssée de sept mois pour étudier la philanthro­pie hors des États-unis. Avec femme et enfants, il voyage de Lima à Oulan-bator en passant par Sydney, Moscou, Bangkok… De bidonville­s en luxueuses villas gouverneme­ntales, il apprend, écoute, enregistre. Le triptyque « confiance, traçabilit­é, expérience » prend forme. Pour atteindre son objectif en 2016 – lever 10 millions d’euros –, Alexandre Mars sollicite tous azimuts. À Paris, il navigue entre le bureau de Thomas Savare (président du Stade Français Paris Rugby), le groupe Dassault ou la Fondation du PSG, qui annule in extremis le rendez-vous. Mars retentera sa chance. « Il est très déterminé, indique son ami T.G. Herrington, producteur et réalisateu­r qui l’accompagne sur le terrain. “Try, fail and try again” est une de ses formules. C’est typiquemen­t new-yorkais. » Par l’intermédia­ire du metteur en scène Jean-luc Moreau, Michel Drucker lui accorde vingt minutes dans ses bureaux du Studio Gabriel. Après avoir écouté une présentati­on d’epic, le parrain du PAF promet d’y « réfléchir tranquille­ment ». Puis ajoute : « Vous avez vu l’émission de Frédéric Lopez, “Folie passagère” ? Alexandre Jardin tient une rubrique avec un invité décalé, ce serait bien que vous le voyiez. » Ça tombe bien, Jardin est chroniqueu­r dans l’émission de Marie Drucker. La présentatr­ice a carrément offert à Mars de jouer pendant une heure le rôle du rédacteur en chef de son « Journal inattendu » sur RTL. Le deal s’est noué via un ami commun, le publicitai­re Romain Hatchuel. Le réseau, encore et toujours. « Maintenant que je le connais un peu, je peux vous dire que sa fondation et la philanthro­pie ne sont pas un outil narcissiqu­e, affirme Marie Drucker, elle-même marraine de Sports dans la ville, une associatio­n qui aide les enfants. Pas 1 % de mes invités ne prépare l’émission comme lui l’a fait. » Une implicatio­n qui lui permet aussi de maîtriser son image. Mars aime bien par exemple connaître le nombre de pages qui lui seront consacrées dans un journal, ou la taille des photos (ce qu’il a d’ailleurs demandé à GQ). Avant de s’envoler vers New York, Alexandre Mars a fêté ses 41 ans avec quelques amis. Devenu un VIP en quelques mois, il a ses entrées partout. Il a même convaincu Arnaud de Puyfontain­e, le PDG de Vivendi, (« Moi, en costume, au milieu de tous ces jeunes branchés ! ») de faire un crochet au Raspoutine, une boîte de nuit sélect du 8e arrondisse­ment parisien. Mars ne nous a pas précisé s’il portait ce soir-là son précieux « bootcut ».

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