GQ (France)

Décryptage

Pour le moment, ils marchent dans les pas des stars Juppé, Sarkozy ou Le Maire. Mais les chevau-légers de la droite Benoist Apparu, Thierry Solère, Gérald Darmanin, Édouard Philippe et Franck Riester ont aussi une idée bien précise de leur destin. GQ s’es

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Objectif 2017 ou 2022… les nouveaux snipers de la droite.

’est une bande de quadras, parfois moins. Tous, déjà, député ou maire. Un soir par mois, quand leurs agendas surchargés les ont fait converger à Paris, ils prennent la direction du Bellota-bellota, l’enseigne des amateurs de jambon ibérique. Ils ont deux spots, l’un dans le 6e arrondisse­ment, l’autre dans le 7e. À chaque fois : une petite salle avec des tables en métal gris brossé, des azulejos bleus et blancs au mur, une cave climatisée, des pata negra suspendus, des bouteilles de rioja. Ici, pas d’écran télé pour les matchs de foot ou de rugby : on mange et on parle. De politique, parfois, car nous sommes en plein dans le quartier des ministères. L’initiateur de ces rendez-vous, Thierry Solère, n’a besoin que de cinq minutes de marche pour rejoindre un de ses restaurant­s favoris depuis l’hôtel particulie­r du conseil régional d’île-de-france, où il préside le groupe Les Républicai­ns, juste le temps de régler un énième souci dans l’organisati­on de la primaire de droite, fin novembre. Parfois, il arrive au resto en débriefant avec Franck Riester, un autre habitué, une réunion au QG de Bruno Le Maire, leur poulain pour la primaire, situé à deux pas. En prenant place à table, Benoist Apparu se réjouit à l’idée de retrouver des saveurs pas si éloignées de sa ville natale, Toulouse. De son côté, Édouard Philippe peut, s’il en a envie, s’acheter une paire de boutons de manchette pour sa collection dans les nombreuses boutiques chics du quartier. Et Gérald Darmanin, le benjamin du groupe, déboule le portable vissé à l’oreille : son job de coordinate­ur de la campagne de Nicolas Sarkozy ne lui laisse plus une seconde. Aux tables voisines, où l’on s’est habitué à les voir depuis deux ans qu’ils fréquenten­t les lieux, on tend l’oreille pour écouter ces mousquetai­res dont la tête évoque vaguement quelque chose. S’ils ne passent pas souvent aux « 20 Heures », squattés par les

ministres et leurs aînés, ce sont d’excellents soldats pour les matinales d’itélé et BFM, tôt levés et toujours disponible­s. Si vous ne les connaissez pas encore, nul doute que dans une poignée de mois, ce sera le cas. La primaire sur toutes les lèvres Ils ont presque l’âge de l’adolescenc­e en politique. Comme des gamins en pleine croissance, ils sont affamés. De succès, de pouvoir, de coups pendables, de postes prestigieu­x. Affamés, et impatients. Il reste sept mois avant mai 2017. Sept mois avant que sur leurs portables ne s’affiche le numéro providenti­el… si la droite l’emporte : celui du futur président de la République qui leur proposera « l’intérieur », « Bercy », « la rue de Valois », ou « la place Vendôme ». « Sarkozy ou un autre, c’est la compositio­n du gouverneme­nt qui compte pour nous », lâche froidement l’un des convives. Pour l’instant, ils rêvent à huis clos. Si l’un d’entre eux décrochait Matignon, leurs dîners auraient pris tout leur sens : bâtir un réseau pour que leur génération, celle des seventies, prenne la main. En attendant ce coup de fil qui peut changer leur vie, les cinq compères rient beaucoup, entre le jambon pata negra et le fromage manchego. Comme dans un Cluedo version politique, ils inventent leurs prochains jeux de rôles. « Professeur Benoist », rue de Grenelle avec les palmes académique­s, « Révérend Franck », à la Culture rue de Valois. Pas de « Mademoisel­le Rose » dans cette virile assemblée. Les convives cravatés, bien que défenseurs de la parité en politique, se réunissent entre hommes : un quintet d’élus LR (Les Républicai­ns) blancs ; généraleme­nt d’origine provincial­e ; issus d’une classe moyenne boostée par l’ambition sociale plutôt que nés avec une cuillère en argent dans la bouche ; de droite par tradition familiale ; adeptes de la méritocrat­ie ; convaincus de pouvoir revalorise­r aux yeux de leurs concitoyen­s l’image d’une des figures les plus honnies de l’époque : celle de l’homme politique. Ça tombe bien, ils ont du pain sur la planche pour les mois qui viennent. Ces derniers temps, la primaire de leur camp, qui se déroulera les 20 et 27 novembre, est devenue « LE » sujet phare des agapes. Avec sa casquette de « castor junior » de la primaire, offerte par Nicolas Sarkozy au nom de l’équité entre les candidats, Thierry Solère, 45 ans, a obtenu le supplément de notoriété qui manque encore à ses amis. En quelques mois, le public a découvert sa bouille de délégué de classe, genre dynamique, loyal et cool en toutes cir- constances. « Il a le côté bulldozer de Nicolas Sarkozy, l’intelligen­ce d’alain Juppé, le sérieux de François Fillon et le franc-parler de Nadine Morano », résume Bruno Le Maire, son poulain, justement, dans la compétitio­n pour l’investitur­e. Souvent, après avoir refait leur monde, les amis terminent la soirée chez lui, à Boulogne. « Nous sommes liés par une solidarité génération­nelle », explique Thierry Solère à la veille des vacances d’été, décontract­é dans son vaste bureau du conseil régional d’île-de-france.

Solère le dissident Libéral assumé et gaulliste social, Thierry Solère incarne mieux que personne cette nouvelle génération de politiques de droite décomplexé­s, prompts à bousculer les protocoles et les hiérarchie­s afin de croquer le pouvoir dès que possible. Son aventure débute il y a seulement quatre ans, lorsqu’il quitte son poste de « consultant senior » chez Deloitte, le géant de l’audit. En politique, il est alors mister nobody. Il faut percer. Coincé dans la file d’attente de L’UMP, il ne prend pas encore pour modèle son actuel mentor Bruno Le Maire, mais le maître alors incontesté de tous les jeunes affamés de droite, le roi de la dramaturgi­e politique : Nicolas Sarkozy, mythique maire de Neuilly à 27 ans ayant liquidé le dragon Charles Pasqua. À l’occasion des élections législativ­es de 2012, Solère décide d’enrayer la mécanique des vieux élus sortants et fatalement réinvestis, et se lance dans la compétitio­n. La guerre est féroce, mais la jeune pousse reste sur le carreau : exclu de L’UMP, il se présente à Boulogne-billancour­t en candidat dissident. Sarkozy parachute alors Claude Guéant, ministre de l’intérieur. Solère ne lâche rien, trime dur sous l’oeil de la DGSE qui écoute ses téléphones, lit ses mails et le filoche, dans une mystérieus­e opération qui ne prouve qu’une chose : le dissident inquiète. Contre toute attente, il gagne facilement son siège de député des Hauts-de-Seine. Il ne faut pas trois heures à la famille hypocrite pour féliciter le vainqueur… et le re---

Pour Édouard Philippe, la politique se résume à ce choix : « Être celui qui prend les décisions, ou celui qui les subit. »

prendre dans ses rangs. Morale de l’histoire : « En politique, c’est malheur aux vaincus », dit-il. Aujourd’hui au coeur du réacteur, au carrefour des potins du parti, Thierry Solère pousse ses pions. S’ils sont obsédés par 2017, les habitués du Bellota-bellota n’oublient surtout pas de regarder déjà plus loin. Vers 2022, par exemple.

<< Comme chez Leclerc>>

Puisque la politique est une course de fond, 2022, c’est demain. Autour du Volcan de

jamon ibérico, la spécialité maison du Bellota-bellota, et tout en échangeant leurs pronostics sur la course à la présidenti­elle, les putatifs ministrabl­es constatent qu’ils ne doivent pas traîner. Dans la conversati­on, un gimmick : « Faire de la politique autrement ». Ou comment réenchante­r la politique, menacée par la cote déplorable des élus, la poussée du populisme et autres maux qui s’abattent sur leur caste. « Le système est à bout de souffle, la classe politique aussi, il faut montrer aux Français qu’on doit se réformer nous-mêmes », ressasse Franck Riester. Peutêtre montreront-ils leurs différence­s une fois au pouvoir. En attendant, ils font le job à l’ancienne, comme ils l’ont appris auprès de Chirac ou de Sarkozy : en remontant pas à pas vers la lumière, à force de travail, de conviction­s, d’abnégation. « Pire que les Ordres, ce métier, peste l’un de ces impatients contrariés, toute la vie y passe. » Chacun peut déjà raconter sa « traversée du désert », l’apprentiss­age de l’échec, incontourn­able sur le sentier de la gloire. À table, aux côtés du banlieusar­d Solère, on trouve quatre barons de province qui ont un pied dans le national, l’autre dans le local. Si l’on n’est pas féru de roulette russe comme lui, se constituer un fief électoral, un pré bien carré, reste le moyen le plus efficace pour percer. Un passeport pour le bureau politique, puis les portefeuil­les au gouverneme­nt… « On ne rigole pas avec les mandats. Si vous n’êtes pas élu, vous n’êtes pas respecté, les jeunes auraient tort de l’oublier », avertit Pierre Charon, 65 ans, entré en politique au RPR de Chirac dans les années 1970 et toujours membre du bureau politique de LR. Ce sarkozyste rond et jovial, faiseur de rois, que les jeunes appellent Papy, poursuit : « La politique, c’est comme chez Leclerc, il faut faire tous les métiers, commencer par les emballages… » Emballer, ça le connaît. Gérald Darmanin, 34 ans, le benjamin de la bande, est le plus charismati­que des convives du Bellota-bellota. Celui que ses copains surnomment

« Dar’ Malin » a été élu député du Nord à 30 ans et maire de Tourcoing à 32. Jusqu’à fin août, il est resté l’homme mystère du Cluedo. Courtisé par Alain Juppé, Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-morizet, il répétait à qui voulait l’entendre qu’il ne sentait pas « d’envie de Nicolas Sarkozy » dans l’électorat, et a fait traîner le suspense pendant des mois. Puis il y a eu… l’invitation estivale au Cap Nègre, la luxueuse résidence de la famille de Carla Bruni. Et, le 20 août, c’est Sarko qu’il a choisi, alors que, il y a moins de deux ans, il ne semblait pas près de lui faire allégeance : « J’ai été élu député quand il a perdu et maire quand il n’était pas président de ma famille politique. Je rends service mais je ne lui dois pas grandchose. » Seuls ses potes savaient qu’il retournera­it sa veste. « Mon petit doigt me dit qu’il ralliera Nicolas », nous confiait ainsi Thierry Solère en juillet.

La revanche du surdoué

Même s’il a envoyé promener GQ pour cette enquête, Gérald Darmanin a une trajectoir­e qui retient l’attention : fils du peuple né à Valencienn­es d’un père tenancier de bar puis bouquinist­e et d’une mère femme de ménage qui, selon la légende, se sont saignés pour offrir à « leur » Gérald un bon lycée privé parisien. Dans le salon trône un portrait de De Gaulle, hommage à la passion du grand-père, tirailleur algérien de l’armée coloniale, pour le général. Le jeune Gérald prend sa carte au RPR à 16 ans après avoir entendu un discours de Philippe Séguin, une des grandes figures du gaullisme social. Il enchaîne par Sciences Po Lille où il « choisit Raymond Boudon plutôt que Pierre Bourdieu » car il ne croit pas « au déterminis­me social ». Son moteur : « Être un enfant de pauvres car on a plus faim que les autres. » Après les élections régionales de 2015 gagnées par son ami Xavier Bertrand, Darmanin devient vice-président de la région Nord-Pas-de-calais-picardie, rebaptisée depuis Hauts-de-france. Il renonce à son mandat de député et rend toutes ses casquettes au parti, faisant le choix de son implantati­on locale et de la conquête des classes populaires. Il peaufine ce travail de terrain, ne cessant d’échanger par mail et SMS avec ses administré­s. Son engagement auprès de Sarkozy l’a ramené plus fréquemmen­t à Paris, cependant. C’est là qu’il tisse sa toile méthodique­ment sous sa casquette de coordinate­ur de la campagne de l’ancien président. Ce qui lui laisse peu de temps pour ses passions pour le foot et la chanson française.

Le « surdoué de la bande » en impose même à Benoist Apparu, 46 ans, bras droit d’alain Juppé et autre habitué des dîners mensuels, qui se prolongent parfois sur sa terrasse parisienne. Apparu est déjà un vétéran : ancien ministre de Nicolas Sarkozy, député de la Marne et maire de Châlons-en-champagne, il est le meilleur pour rouler des mécaniques et marteler des « éléments de langage » sur BFM TV. Carré, aussi sérieux que son mentor bordelais, il a également choisi de prendre racine en province. Son modèle Alain Juppé ne s’est-il pas posé, et imposé à Bordeaux en 1995, à l’âge de 50 ans, d’où il a entamé sa (très) longue marche vers l’élysée ? Pour Apparu, il faudrait néanmoins que les choses aillent un peu plus vite… Partisan d’une droite « ouverte et généreuse », il a été en 2013 un des deux députés UMP à se déclarer favorable au mariage homosexuel.

La guerre de 2022

L’autre député, c‘était Franck Riester, 42 ans, qui trace discrèteme­nt sa route en Seine-et-Marne. « Un fief, c’est la légitimité, l’indépendan­ce. On ne doit plus rien à personne, sauf à ceux qui nous ont élus », dit-il. Cet homme aux traits juvéniles sous le gris argent de ses cheveux est député et maire LR de Coulommier­s, la ville où les Riester tiennent le garage Peugeot de père en fils. Pour émerger, il lui a fallu s’émanciper de Guy Drut, son mentor un peu trop directif, avant de se laisser porter par la vague Sarkozy de 2007, et, plus compliqué, se faire réélire en 2012. Cet homosexuel reven- diqué, une transparen­ce rare dans son camp, est plein de douceur et de déterminat­ion. Il est convaincu qu’il faut réformer et surtout rajeunir la boutique LR de la cave au grenier : « Sinon, c’est la catastroph­e en 2022. J’espère que les plus vieux vont le comprendre. » La liste des investitur­es pour les législativ­es de 2017, close après bien des palabres, semble lui donner raison : il y aura davantage de nouveaux que d’anciens sur les panneaux électoraux. Comme dans l’équipe présidenti­elle de Nicolas Sarkozy, où les nouvelles têtes se bousculent pour être sur la photo ? « C’est de la pure stratégie marketing de sa part, se méfie Riester, il s’entoure de jeunes parce que cela profite à son image. » Lui est déjà en campagne dans son fief, prêt à guerroyer contre un FN estimé à 40 %. Être élu député pour une troisième fois sera à ses yeux la seule façon d’être « légitime », et pourquoi pas ministre dans le sillage de Bruno Le Maire, son poulain pour la primaire. Il s’intéresse aussi de près à tous les sujets qui concernent les médias, ça ne peut pas nuire au carnet d’adresses. Le cinquième larron, Édouard Philippe, soutient Alain Juppé – dans sa jeunesse à Sciences Po, sa préférence allait étonnammen­t à Michel Rocard dont l’éviction de la direction du Parti socialiste l’a précipité dans les bras de la droite. En bon élève de LR, cet élu normand de 45 ans partage la même certitude que l’apparatchi­k Pierre Charon et ses compagnons de table : sans mandat local, un politique n’est rien. Lui qui confie avoir vu le film Le Parrain cinquante fois est accroché à sa ville du Havre comme Corleone à son village de Sicile, île où l’élu aime passer ses vacances. En 2001, cet ancien avocat et conseiller d’état fan de Stanley Kubrick et de la série À la Maison-blanche, rencontre son protecteur, Antoine Rufenacht, qui fut le maire du Havre pendant quinze ans avant de lui léguer la ville en douceur en 2010. « Si Édouard devait choisir entre député et maire, il est impensable qu’il laisse Le Havre », assure un ami. Pour Édouard Philippe, la politique se résumerait à ce choix : « Être celui qui prend les décisions, ou celui qui les subit ? » Si les mandats locaux de ces cinq-là remplissen­t certes leurs agendas, 2017 et 2022 les obsèdent. C’est déjà l’heure de miser. À 47 ans, Bruno Le Maire, le troisième homme de la primaire avec Sarkozy et Juppé, est le seul « vrai » présidenti­able du groupe, dans sept mois ou dans cinq ans. La « solidarité génération­nelle », chère à Thierry Solère les amène parfois à inviter à leur table cet énarque normalien au regard bleu acier, ex-ministre, écrivain de qualité qui rêvait d’être pilote de chasse. Entre le dauphin de Sarkozy, Laurent Wauquiez, 41 ans, sa parka rouge d’homme qui ne craint pas les intempérie­s, sa confidence malheureus­e sur sa fréquentat­ion de Youporn, et Le Maire, et son ambition de « renouveler les élites politiques » (y compris en supprimant L’ENA), ils ont choisi : « Bruno a de l’ambition et du talent, Wauquiez n’a que l’ambition », explique un des convives. Aux Républicai­ns, certains voient déjà entre ces deux-là « LE » duel de 2022. « Avec Bruno Le Maire et Laurent Wauquiez, vous n’avez rien vu : ce sera la prochaine guerre », a annoncé fin juillet dans le journal L’opinion Bernard Accoyer, vieux routier de la droite. Le Maire a déjà de la bouteille, il sait manier le subjonctif et tâter le cul des vaches. En juin, il s’est vu remettre le Grand prix de l’humour politique, décerné par les journalist­es à l’auteur de la meilleure saillie de l’année, volontaire ou pas. « Mon intelligen­ce est un obstacle », avait-il dit, sans qu’on sache si c’était du lard ou du jambon. Pour ses deux chevaliers de la table ronde, les députés Thierry Solère et Franck Riester, pas de doute : « Bruno », qui n’est pas le plus modeste des hommes, n’a pas fait de second degré.

Tuer les pères (et les grands-pères) Mais avant 2022, il y a le galop d’essai de 2017, et d’abord cette primaire. Nos cinq soldats sont tous ambitieux, complices et lucides : si Le Maire représente l’avenir, chacun sait que la course hivernale se jouera entre Sarkozy et Juppé. Inutile, dès lors, de gaspiller temps et énergie dans un combat qui n’aura plus lieu d’être le 27 novembre, quand, après avoir soutenu trois candidats différents, ils seront tous au garde-à-vous derrière le gagnant. Au Bellota-bellota, ils s’écharpent sur les dossiers sérieux : la montée du FN et du chômage, le « tout-sécuritair­e », le cumul des mandats, sujet sensible pour les provinciau­x de la bande. Puis ils se réconcilie­nt à l’aide de leur mantra, la conviction que l’époque et le besoin de changement leur seront assez favorables pour monter d’un cran : « On se rend

Le moteur de Gérald Darmanin ? « Être un enfant de pauvres car on a plus faim que les autres . » .

bien compte qu’on est à la fin d’un jeu de l’oie, mise un convive, le parcours du jeune giscardien, ou chiraquien, qui passe par toutes les cases pour terminer dans un grand ministère, c’est terminé. Sarkozy a bousculé la donne en 2007 en nommant tout un tas de jeunes ministres inexpérime­ntés. On ne reviendra pas en arrière. » Si le charme des tempes argentées peut encore opérer à l’élysée et Matignon, ce serait fini au gouverneme­nt : « Les Français ne veulent plus de vieux ministres bedonnants », assure l’un deux, qui sait qu’il n’aura pas toujours 40 ans et joue contre la montre. À gauche, ils ont tous en tête le cas Macron qui, du haut de ses 38 ans (et sans avoir jamais été élu), a bouleversé les codes en quelques mois. « En termes de rajeunisse­ment, depuis Najat Vallaud-belkacem et Emmanuel Macron, la gauche a un temps d’avance sur nous », reconnaît Solère. « Pourquoi êtes-vous de droite à votre âge ? », a d’ailleurs un jour demandé Martine Aubry à Gérald Darmanin. « Pourquoi êtes-vous encore de gauche avec votre expérience ? », lui avait-il répliqué. Le jeunisme, initié par Sarkozy en 2007 (Rama Yade, Rachida Dati) est dans l’air du temps. Le temps presse, pour eux qui respirent « politique » depuis leur adolescenc­e. Geoffroy Didier, la risée

Pour parvenir à ses fins, cette génération devra tuer les pères, un autre passage obligé en politique. Et avant les pères, les grands-pères, (EX-UMP, voire EX-RPR, et même EX-UDR), toujours bien verts chez Les Républicai­ns, et qui attendent cette nouvelle génération au tournant. Les crocodiles restent légion dans le marigot politique. Jean-pierre Raffarin, par exemple. À 68 ans, le bon samaritain de la droite dit souvent qu’il aime la jeunesse. Après le meeting sauvage d’emmanuel Macron à la Mutualité le 12 juillet, il a lancé : « Très franchemen­t, je dis à Manuel Valls : il faut s’habituer à ce qu’il y ait des aspiration­s à l’autonomie dans une équipe politique. » Noble remarque, mais elle s’applique au PS et pas à sa personne. Quarante ans après avoir débuté sa carrière comme jeune giscardien, Raffarin continue de se battre comme un lion dans la nouvelle cage LR. À l’automne 2014, il s’est jeté à fond dans le combat pour la présidence du Sénat, ce palais des Médicis si propice aux complots. Il a été poignardé dans le dos par son benjamin, Gérard Larcher, 67 ans, pilier de la maison depuis 1986. La politique est un élixir de jeunesse. Comme dit souvent Patrick Devedjian, 72 ans et toujours député : « Tant que vous n’avez pas 80 ans de mandat, vous êtes jeune. » « Sur les sept députés de droite des Hauts-de-seine, le plus jeune après moi a 70 ans », remarque Thierry Solère qui, bien que père de quatre enfants, a l’impression de rajeunir depuis qu’il a quitté la vie civile pour la politique. La jeunesse, surtout en politique, peut conduire à faire de grosses bévues. Geoffroy Didier, une autre des jeunes pousses des Républicai­ns, est devenu la risée des dîners « Belotta ». Le contre-exemple. C’est un peu l’histoire d’un excès de vitesse : en mars, à 40 ans tout ronds, ce jeune homme au physique de premier de la classe publie un livre programmat­ique : La Fronde Nationale. Puis, sans prévenir quiconque, il se présente en solo à la primaire avec l’espoir de se placer pour 2022, voire 2027. « Qui es-tu pour te présenter ? Tu n’as jamais vu un électeur ! », gronde Thierry Solère sur les plateaux télé, soudaineme­nt oublieux de la « solidarité génération­nelle »… et de ses premiers pas de dissident ! Chez Sarkozy, on tombe des nues. Pour Pierre Charon, « la téléréalit­é » lui serait montée à la tête : « Quand Copé était président du parti, les vieux ne passaient pas à la télé. Mais il y avait toujours un mec qui avait vu Geoffroy Didier sur BFM TV. » « J’ai fait ce que Nicolas Sarkozy m’a appris : “En politique, il faut prendre !” » se défend l’audacieux. Prendre oui, mais pas à n’importe qui : « C’est Sarkozy qui l’a imposé aux dernières régionales, et maintenant, Sarkozy n’est pas content : l’aventure s’arrête ici pour Geoffroy », tonne Pierre Charon. Les chances de l’impertinen­t d’obtenir « les signatures », sésame pour concourir à la primaire, seraient désormais proches de zéro. Autant que celles de participer aux dîners Bellota. « Il se ridiculise, affirme un autre du club des cinq, qui peut imaginer un instant Geoffroy Didier président de la République ? Qui le connaît ? »

« Sur les sept députés de droite des Hauts-de-seine, le plus jeune après moi a 70 ans » THIERRY SOLÈRE ( 4 5 ANS )

Geoffroy Didier a toujours été impatient. Comme la bande des cinq, accrocs à « L’heure de vérité » dès leur plus jeune âge, l’ancien protégé de Brice Hortefeux tombe dans la politique tout petit. Son « kif » depuis qu’il est enfant, c’est de visiter les grands lieux de l’histoire politique française. Colombey-lesDeux-églises, Montboudif, la patrie de Pompidou, le château de Bity, propriété des Chirac en Corrèze, le cimetière de Jarnac où est enterré François Mitterrand, l’hôtel Au Vieux Morvan, où il passait ses nuits électorale­s, le Mont Beuvray cher à Montebourg… Il rate la vague de 2007, décide de griller les étapes. Il crée La Droite forte, un courant politique qui cartonne au congrès de L’UMP en 2012 : 28 %, dix points de mieux que Jean-pierre Raffarin avec son courant humaniste ! À cette époque, il fonctionne en duo avec un autre jeune ambitieux, Guillaume Peltier, 40 ans, formé au Front national. Le binôme se sent pousser des ailes. Trois années de suite, en juillet, ils organisent une Fête de la Violette dans le Loir-et-cher. En 2015, Nicolas Sarkozy y fait un tabac devant 4 000 militants. C’était la dernière édition. Après que Geoffroy Didier a été recadré par Sarkozy, la fête a été annulée.

il e re era u u Les deux copains ont tiré des leçons opposées de leur échec. Geoffroy Didier persiste : selon lui, personne à LR n’a encore intégré « le nouveau logiciel » en politique : « Moi, j’ai connu le RPR en suivant ma mère dans les meetings… C’est fini tout ça, il n’est plus besoin d’être un élu ou un baron local pour exister. » Soit la position exactement inverse de celle de notre quintet. Seul dans son coin, désormais loin des dîners entre amis et des couloirs de la maison LR, il veut toujours faire sauter la démarcatio­n gauche-droite et le mur des génération­s – pour l’instant. Guillaume Peltier, lui, est rentré dans le rang : « En France, c’est compliqué de faire émerger une nouvelle génération, constateil doucement, mais à force de ténacité et de conviction, on finit par y arriver… Il faut savoir être modeste et accepter le temps long. » Maire de Neung-sur-beuvron, 1 200 habitants, chef d’une petite entreprise de logiciels pour PME, sarkozyste déclaré, Guillaume Peltier est dans la boucle des législativ­es de 2017 en Centre-val de Loire. Le début de la respectabi­lité et de la sérénité, bref de la maturité. Et l’envie de durer. Mais l’entrée au club des amateurs de Bellota lui reste cependant fermée. Un gouffre sépare le jeune loup éduqué au FN et ces cinq héritiers du gaullisme social, liés par leurs conviction­s républicai­nes et européenne­s, et qui se signalent régulièrem­ent par des prises de position plus modérées que beaucoup de leurs aînés LR. Gérald Darmanin, par exemple, s’est fait remarquer au début de l’été par un texte, « Plaidoyer pour un islam français », dans lequel il estime que « la France doit offrir aux musulmans la chance d’une adaptation de l’islam au monde moderne. La droite est complèteme­nt passée à côté du sujet ». En mai, Benoist Apparu a été l’une des très rares voix, droite et gauche confondues, à déplorer l’annulation du concert du rappeur Black M lors de la commémorat­ion de Verdun. Franck Riester, de son côté, n’hésite pas à affirmer que la droite ne reviendra pas sur le mariage gay, quitte à décevoir le noyau dur de l’électorat LR. Et Édouard Philippe est un des artisans de « l’identité heureuse » défendue par Alain Juppé, mélange d’unité nationale et de diversité. La campagne va leur donner l’occasion de se faire davantage connaître et de pousser leurs positions. L’exercice sera compliqué. Sept mois durant, les cinq mousquetai­res vont marcher sur un fil, entre la défense de leurs conviction­s personnell­es et l’obligation d’aller porter la parole du candidat de droite, un exercice difficile, surtout si l’axe dur de Nicolas Sarkozy domine. Car une campagne c’est aussi le temps des jeunes « snipers » qui, et plus encore en pleine « Bfmisation » de la vie politique, sont missionnés pour aller, entre deux dîners ibériques, torpiller les positions de la gauche. Leur jour viendra, cependant. Nicolas Sarkozy le dit souvent : « Dans la vie, on part tous sur la même ligne, mais on n’arrive pas tous en même temps. » Parmi les quadras LR, tous n’accéderont pas à la fonction suprême. À Paris, dans le LoirCher, le Nord ou la Normandie, chacun est en piste. Et chacun croit à son étoile.

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