UN NOUVEAU MONDE S’OUVRE À VOUS
Et si les « faits alternatifs », au lit, permettaient de réinventer notre vision du sexe et des genres ?
Il va falloir s’habituer : en matière de sexe, l’ère des faits alternatifs a commencé – elle n’a attendu ni les complots russes, ni que Trump se vante d’attraper les femmes par le minou. Dans ce nouveau contexte, le gentleman moderne a intérêt à douter de tout... Quelques exemples : la demoiselle installée au fond du bar, avec ses talons hauts et son infernale chute de reins, est un homme, tandis que la twerkeuse aux fesses aériennes se revendique féministe radicale. Votre cousine catholique pratiquante traîne en soirée échangiste, les hipsters propagent les codes lesbiens, et quand vous déboutonnez une demoiselle, une sueur froide vous innonde – qu’est-ce qui se cache sous le chemisier ? Des faux seins, un push-up, un tatouage de yakuza en forme de tête de mort ? Je vous rassure, c’est pareil pour les femmes. On a grandi avec des codes simples comme « les hommes aiment leur pénis et la viande », maintenant nos vegans préférés écartent nos mains de leurs boxers : « Ne me réduis pas à mon membre, vile femelle, car je refuse cette chosification qui nie ma complexité multi-dimensionnelle. » Signe des temps encore : sur les applis de rencontre, on se met au fact- checking. Les soupirants mentent comme des arracheurs de dents, sur leur taille (80 % des hommes s’augmentent de quelques centimètres), sur le boulot (quand le barman du bar de quartier se proclame directeur artistique du département boisson d’un lieu événementiel), sur les formats intimes ( histoire vraie : mes dix derniers plans potentiels sur Tinder me promettaient des dimensions de pornstar, je n’ai pas été vérifier au triple- décimètre, mais sauf aberration statistique, j’ai comme un doute). Mars et Vénus ont laissé place à l’immensité de la Voie lactée, matière noire incluse. Les rapports sont complexes, nous renégo- cions en permanence – non seulement entre hommes et femmes mais entre humains et prothèses, jouissances physiques ou cérébrales, passifs et actifs, domination et soumission, ajoutez ici vos catégories dépassées – toutes les catégories sont dépassées, sans exception, au point que le missionnaire du samedi soir devienne une curiosité, un fétichisme des temps anciens, trop domestique, forcément trop cadré.
LE PHÉNOMÈNE S’AMPLIFIE, au moment où vous sortez votre glaive, nous sommes tous des Jon Snow : « You know nothing. » Deux filles qui s’embrassent peuvent démontrer leur hétérosexualité, la moitié des testostéronés veulent être en- dessous. On ne peut plus juger sur les réseaux ( trop d’avatars), ni à l’allure (la déconnexion du ressenti et de l’apparence étant actée) ni même aux discours – tout avis est temporaire, toute contradiction est embrassée. Nous ne cherchons plus la théorie unificatrice. Nous sommes devenus des niches à nous- mêmes. Mais que les choses soient claires : si les faits alternatifs sont un désastre dans le domaine de la science, ils sont hautement jouissifs dans la chambre à coucher. Ils formulent la sexualité comme radicalement intime, personnelle : vous êtes le seul décisionnaire, et comme dans les livres dont vous êtes le héros, vous pouvez créer votre scénario préféré. La carte du tendre contemporaine n’a pas de GPS, les aventuriers sont de retour. Il suffit d’explorer plutôt que de subir, de jouir plutôt que de râler : homme libre toujours tu chériras la chair – et la femme libre n’attend que ça.