Céline Sallette L’ÉMANCIPÉE
Beauté atypique et intense, Céline Sallette est à l’affiche de deux films ce mois-ci : Corporate et Cessez-le-feu. Rencontre avec une actrice habitée mais qui ne se prend pas au sérieux.
«Je vais faire l’interview en soutien- gorge ! » Céline Sallette détend l’atmosphère dès qu’elle nous croise pendant le shoot. Blagueuse, nature, elle donne en vrai une impression assez éloignée de l’image que sa voix grave, ses yeux d’un bleu abyssal et ses rôles extrêmes ont pu nous suggérer d’elle. Prostituée autodestructrice dans L’apollonide (2011), infirmière brute de décoffrage dans Les Revenants (Canal + 2012-2015), elle est aujourd’hui à l’affiche de deux films tout aussi acrobatiques sur le plan psychologique : Cessez-le-feu et Corporate. Dans le premier, mélodrame historique au lendemain de la Première Guerre Mondiale, elle tente d’aider des soldats revenus traumatisés du front. Un rôle compliqué à habiter. « C’est quand c’est difficile à faire que ça m’intéresse. Dans Cessez-le-feu, j’interprète un professeur de langue des signes qui doit aider un soldat à se reconstruire : il y a un enjeu, un risque pour moi d’être très mauvaise ! C’est justement comme ça que je ne me fais pas chier… »
« Ce métier me donne le droit d’explorer différents aspects de ma personnalité, d’être égoïste, de me prendre pour une bombe… »
« Dans la vie, je fais beaucoup de blagues » Le second, Corporate, est une fable glaçante sur la gestion des ressources humaines et la souffrance au travail. « Un rôle dément pour une femme, car il y a très peu de grands rôles féminins. On voit pas mal de films avec des femmes qui attendent des hommes, qui ont des problèmes d’amour avec eux. Corporate, au contraire, c’est un film d’hommes qui décide de mettre une femme en avant. » Elle y incarne une executive-woman hyper compétitive, DRH d’un groupe financier qui se rend compte de la violence de ses fonctions à la suite d’un suicide. « J’ai pris un pied fou à jouer cette espèce de salope qui incarne la domination, la force, l’argent. Il y a une jubilation à être en puissance. Ça dépend évidemment au service de quoi, mais je crois que l’on devrait tous aspirer à ça. » Une déclaration volontariste, sortie l’air de rien, sans la théâtraliser. Car, malgré son air énigmatique et ses traits minéraux, Céline Sallette vue de près ne joue aucunement la carte de la séduction ou de la distance affi-
chées par la plupart de ses consoeurs. « Dans la vie, je ne suis pas spécialement sérieuse, je fais beaucoup de blagues. Ce sont les rôles que j’endosse qui me donnent cette image dure. Les gens doivent s’imaginer en me voyant que je ne suis pas commode, mais pourquoi pas ! » Dame de compagnie dans Marie-antoinette ( 2006), femme au foyer dans La French (2014), éducatrice dans Geronimo (2014) : Céline Sallette n’exploite par pour autant le filon de l’actrice française intello-torturée. « Ce métier me donne le droit d’explorer différents aspects de ma personnalité, d’être égoïste, de me prendre pour une bombe… Ça tombe bien parce qu’un acteur, en réalité, ça ne tourne pas tant que ça. On se retrouve souvent seul avec soi-même, alors heureu- sement qu’on a le droit de se raconter des histoires qui font du bien. » Et Céline Sallette a envie de se raconter plein d’histoires. « Mon projet a longtemps été d’être regardée, désirée. Je sais, ça craint ! », s’esclaffe-t-elle. « Là, j’ai envie de jouer des femmes qui cherchent la liberté et la joie, plutôt qu’à se caser avec un mec. » Prête alors à être cette femme fatale qu’elle camperait si bien à nos yeux ? « Ça pourrait bien venir ! » On attend ça avec impatience.
CORPORATE, de Nicolas Silhol, avec aussi Lambert Wilson et Stéphane De Groot (en salle). CESSEZ-LE-FEU, d’emmanuel Courcol, avec aussi Romain Duris et Grégory Gandebois (sortie le 19 avril).