LA VIE DES INTERNETS
L’américaine cumule les abonnés et les dollars grâce à ses poses provocantes. Hum, et l’authenticité dans tout ça ?
Ce mois- ci, GQ s’est penché sur le compte Instagram de Jen Selter, la fitgirl la plus célèbre au monde.
AVEC 1 1 , 5 MILLIONS d’abonnés, Jennifer Selter, 24 ans, est la plus populaire des f itgirls. Comme ces dizaines de coachs, athlètes ou mannequins revendiquant un style de vie « healthy & sporty », l ’ Américaine dévoile des courbes athlétiques épousant les codes esthétiques de notre époque. Volume, fermeté, tonicité. Cette jeune femme qui ne vit que sous le soleil pose dans des décors de rêve, le plus souvent en maillot de bain, mais aussi dans de luxueuses salles de gym en brassières, legging et baskets. Parce qu’il fallait bien s’extirper de cette myriade de néogourous du f itness, cette très habile femme d’affaires – un post “sponsorisé” peut atteindre les 75 000 dollars – s’est inventé un singulier business model en misant sur son atout majeur : ses fessiers. Et non pas ses fesses... La nuance sémantique est subtile mais cruciale car, dit- elle, elle dédouane son entreprise de toute connotation mal placée ( quand bien même elle s’exhibe en string affriolant) et rassure sa maman qui lui a formellement interdit de poser dans Playboy. La reine autoproclamée du # belf ie ( contraction de « butt » et « self ie » ) se défend d’être une bimbo. Elle est une « f ille du f itness » qui sculpte son outil de travail à grand renfort de séances de cross- training ou de postures yogi, ses messages renvoyant à son site et son appli qui complètent un arsenal digital lui rapportant un million de dollars par an ( quand même). Réalité troublante, au f il de son compte : l’absence des corollaires ordinairement claironnés par les athlètes connectés ( l’ef fort, la souffrance, le dépassement de soi). Normalement, on rougit, on sue, on douille, on râle. Le T- shirt finit en serpillière et on en est même plutôt fier ( donc on le montre). Tout cela n’existe pas dans le monde merveilleux de Jen, qui enquille les squats tout sourire, épargnée par les effets peu flatteurs de la thermogénèse. Son « Insta » est un miroir aux alouettes sans pleurs, sans sueur et sans crachat ( c’est bien connu : les princesses, ça ne fait pas ça). Pas dupes, les féministes l’accusent de f lir ter avec les limites du porno, les puristes du training reprochent ses approximations techniques et ses consoeurs médisent sur l’authenticité de son popot i n ( Photoshop ? Bistouri ?). Hashtag jalouses ?