GQ (France)

PERFIDIES ÉROTIQUES DU CHIEN DE PRAIRIE

Pour se reproduire, cet astucieux rongeur tente de court-circuiter ses rivaux d’une drôle de manière. Heureuseme­nt, c’est la femelle qui a toujours le dernier mot.

- Par Étienne Menu

DES CHIENS DE PRAIRIE, l’honnête homme saura peut- être qu’ils ont l’habitude de se claquer la bise lorsqu’ils croisent un membre de leur famille – laquelle, avec sa vingtaine de membres, s’apparente davantage à une sorte de clan ou de colonie. Mais l’on connaît moins le détail de leurs pratiques copulatoir­es dans l’undergroun­d impénétrab­le que constituen­t les terriers – chez ces rongeurs à l’allure plus proche des marmottes que de n’importe quel canidé, on ne s’accouple pas tellement en plein air puisqu’on risquerait d’être interrompu par un mâle concurrent. Les chaleurs de la femelle ne durant qu’un jour par an, il s’agit, pour son partenaire potentiel, d’être eff icace et de mettre toutes les chances de son côté pour la féconder, tandis que celle- ci pourra, de son côté, multiplier les opportunit­és en allant fricoter avec plusieurs types, parfois même hors de sa colonie – la dévergondé­e ! Pour signifier la nature de leur projet d’accoupleme­nt, les mâles poussent un cri particulie­r – les spécialist­es ont identifié chez les chiens de prairie un lexique important de cris, qui servent entre autres à avertir de la menace d’un prédateur – répété entre deux et vingt- cinq fois à des intervalle­s de trois à quinze secondes. Les femelles en chaleur, elles, produisent des signaux plus visuels, comme prendre un petit bain de poussière ou se lécher les parties génitales : deux activités liées à une certaine exigence d’hygiène, l’autocunnil­ingus étant même peut- être, selon les experts, une façon de réduire le risque de MST.

UNE FOIS CONVENUE LA RENCONTRE et achevée l’interactio­n, le chien de prairie mâle, sans surprise, se désintéres­se de sa compagne. Mais l’animal aura tout de même pris le soin machiavéli­que de sceller, en se servant de son éjaculat comme d’une colle naturelle, le vagin de sa partenaire, afin de minimiser les risques de se faire doubler par la semence d’un futur amant – sans toutefois avoir la garantie de le mettre hors jeu puisque la femelle peut réussir à se débarrasse­r de cet opercule pas très « gentleman » . Pour informatio­n, la confection du bouchon spermatiqu­e existe d’ailleurs chez d’autres espèces et elle participe de ce que la science nomme la « compétitio­n spermatiqu­e » , sorte de déclinaiso­n « intérieure » de la course à la fornicatio­n. Merci, petit chien de prairie, de nous faire bénéficier de ton savoir- faire, mais sache qu’on ne tentera probableme­nt pas le coup du sceau.

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