GQ (France)

Pablo Escobar, le récit d’une incroyable traque

Le 2 décembre 1993, le baron de la drogue est abattu par la police colombienn­e. Les deux agents américains qui ont fait tomber l’ennemi public n°1, et inspiré la série Narcos, racontent les dix-huit mois d’une chasse sans merci.

- Par Antoine De Tournemire

Ce1 décembre 1993, des camionser d’écoute, bourrés de policiers colombiens, prennent position sur les hauteurs de Medellín. En plein ghetto, au coeur de ce trafic de drogue qui ronge autant qu ’ i l enrichit la Colombie. L’atmosphère est fébrile. Les policiers sont surexcités, mais aussi épuisés par les longues années passées à traquer « Pablo » . Pablo Escobar, l’empereur de la drogue et alors le septième homme le plus riche au monde, qui va fêter ses 44 ans dans un climat morose. Il n’a pas vu sa famille depuis un an et demi. Il boit, fume de la marijuana et est plus que jamais instable, dangereux et sur le qui- vive. Il vit dans ce quartier de Los Olivos, les policiers en sont certains. Mais où exactement, ils l’ignorent. L’ennemi public n° 1 est peut- être sur le point de commettre une erreur, de franchir la ligne jaune. Le lendemain, « el Patrón » se réveille, comme d’habitude peu avant midi, mange copieuseme­nt – il a pris dix kilos depuis son évasion en juin 1992 – puis fait monter des jeunes filles. Il appelle ensuite sa famille recluse au 29e étage de l’hôtel Tequendama à Bogotá, – là même où, au sommet de sa gloire, il donnait des fêtes bling- bling –, en se faisant passer pour un journalist­e. Dans les camions, la pression monte d’un cran. Hugo Martínez, un jeune officier colombien qui a surveillé le quartier une bonne partie de la nuit, est réveillé par son père, qui dirige le « Bloc de recherches » , un commando d’élite entièremen­t dédié à la recherche d’escobar. « Pablo parle ! » hurle Martinez père. Cela fait des semaines que les policiers attendent cet instant et cette fois, c’est peut- être la bonne. Hugo Martínez fait démarrer son camion et commence à longer des centaines de pavillons sans charme pour s’approcher au plus près du signal. Mais il est encore impossible de déterminer de quelle maison vient l’appel. Pourtant, à l’entrée de la rue 79A, comme un chasseur sent sa proie, Hugo a un pressentim­ent : Escobar est tout proche... Soudain, un rideau tressaille dans la maison 45D- 94. Derrière, une silhouette massive, devenue familière après toutes ces années d’enquête. C’est Escobar, au téléphone. « Nous l’avons ! Il est dans sa maison !» hurle le jeune lieutenant dans sa radio tout en craignant instantané­ment que le trafiquant ne repère son van Volkswagen blanc. D’autant qu’il porte une antenne à bout de bras pour capter les ondes au plus près – nous sommes en 1993, loin des technologi­es du XXIE siècle. Mais « el Patrón » ne remarque rien et reste pendu au téléphone. « On s’est longtemps demandé pourquoi il n’avait pas réagi, se souvient un agent. Mais la conversati­on était grave. Il était concentré. Il donnait des ordres à son fils Juan Pablo, 17 ans, afin qu’il appelle directemen­t le président de la République pour négocier. » Après dix minutes de surveillan­ce, une colonne de policiers arrivée en renfort

Avant de s’échapper, Escobar purge sa peine à la Cathedral, une prison qu’il a lui-même

construite. Il s’y distrait de jeunes filles, s’y régale de langoustes et, à distance, y dirige toujours le cartel.

suit un « bélier » qui défonce la lourde porte d’acier de la maison. Six hommes s’engouffren­t au rez- de- chaussée. Vide. Mais ils découvrent le taxi de Pablo dans le garage. Soudain, ça bouge au- dessus de leurs têtes. Pour couvrir la fuite de son patron, el Limon, « le Citron » , le plus proche sicario d’escobar, tire et saute depuis le deuxième étage vers la rue où, perchés sur leurs voitures, douze policiers lourdement armés vident leurs chargeurs. Le corps de Limon, criblé de balles, se fige net avant de rouler dans l’herbe. C’est alors que Pablo déboule… Il faut mesurer ce que représente, à l’époque, la légende Escobar. Quand il s’échappe de prison, le 2 juin 1992, il a déjà purgé onze mois de détention. Il a habilement négocié sa rémission et l’absolution de tous ses crimes ( narcotrafi­c, assassinat­s, kidnapping­s, etc.) contre une peine symbolique de cinq ans qu’il purge à la Catedral, un établissem­ent sans barreaux construit par lui. Une prison qui n’en a que le nom puisqu’il s’y distrait avec des filles, s’y régale de langoustes, y fait venir des équipes de foot pour jouer avec lui et y dirige toujours, à distance, le plus gros cartel de cocaïne de la planète. Malgré cette vie plutôt agréable, Pablo craque et assassine violemment deux de ses associés qu’il suspecte de l’avoir volé. Dès que le président colombien a v ent de ces crimes – et ce malgré l’incinérati­on des deux corps –, il envoie l’armée pour transférer l ’ ennemi public n° 1 dans une vraie prison. Mais quand les premières Jeep arrivent, le narcotrafi­quant et ses sicarios se sont évaporés dans la nature via un dédale de souterrain­s. Excédé par les centaines d’assassinat­s, les voitures piégées et par ce lamentable camouflet, le gouverneme­nt réinstaure l ’ extraditio­n et accepte enfin l’aide américaine pour en finir avec Pablo. La chasse à l’homme peut commencer.

UN COMMANDO DE 600 HOMMES

Deux policiers américains, Javier Peña et Steve Murphy, commencent alors « la » mission de leur vie. Ces deux détectives de la DEA ( Drug Enforcemen­t Agency) sont les seuls agents américains directemen­t envoyés au Bloc de recherches tandis que des dizaines de leurs collègues sont déployées dans les airs, à l’ambassade, etc. Niché dans l’ancienne école de police Holguin à Medellín, ce commando d’élite de six cents hommes a été formé par les forces spéciales américaine­s dans l’unique but de capturer Escobar. Fin 2016, GQ a pu rencontrer ces agents, personnage­s centraux de la série Narcos et pour laquelle ils ont été conseiller­s sur les saisons 1 et 2. Ils nous ont

raconté cette incroyable traque. Steve et Javier réussissen­t d’abord à faire muter le directeur du Bloc de l’époque, jugé « trop faible pour le job » . « Il refusait d’intervenir la nuit ! » s’étouffe encore Steve. Puis l’ambassade des États- Unis crée un numéro vert pour recueillir des infos sur Escobar. Enfin, l’administra­tion américaine dégaine son meilleur atout : cinq millions de dollars sont promis à quiconque aidera à la capture de « Pablo » . En outre, les Américains savent que « les Colombiens préfèrent se confier à des gringos » , réputés moins corrompus que la police locale. Mais, en retour, Peña et Murphy doivent partager leurs tuyaux avec leurs confrères colombiens. Pour briser cette alliance naissante, Pablo Escobar, toujours en fuite, préfère la manière forte et n’hésite pas à terroriser la population. Leur arrivée dans le Bloc de recherches est une forme de consécrati­on pour Peña et Murphy. Cela fait déjà longtemps que les deux agents pistent le cartel de Medellín. L’aîné, Javier, la quarantain­e rugissante, a découvert Escobar à son arrivée à Bogotá. Tombé dans la lutte antidrogue « parce que cela payait mieux » , ce chicano, né à Hebbbronvi­lle au Texas, à cent kilomètres du Río Grande, a été choisi pour sa faculté à se fondre dans le paysage. Ce qui est moins vrai pour Steve Murphy et sa moustache blonde de buveur de Guinness.

100 DOLLARS PAR POLICIER ABATTU

Mais, assure celui qui ne se sépare jamais d’un dictionnai­re d’espagnol, je suis tenace et méthodique. Si je vous avais suspecté, dès notre première rencontre, j’aurais déjà tout su sur vous » . Formé, comme Peña, à la DEA Academy de Quantico ( où siège aussi le FBI), il a passé quatre ans à Miami avant de rallier les Andes. « On avait des armes, on enquêtait under cover. On int erceptait

« Chaque semaine, on intercepta­it quatre à six cents kilos de coke. C’ était Mi ami vice, mais sans les vestes roses ni les ferrari .» S te ve murphy, agent de la de a

quatre à six cents kilos de coke chaque semaine ! C’était Miami Vice, sans les vestes roses ni les Ferrari » résume Murphy, qui a f ini sa carrière à un poste haut gradé de la DEA. Il a vu, jour après jour, l’essor de la coke et d’escobar. « À Miami, seuls les petits dealers se tiraient dessus, et c’était plutôt rare. Mais en Colombie, les mecs ont commencé à s’entre- tuer en pleine journée dans les centres commerciau­x ! » Lentement, la « blanche » a tout envahi. « On faisait la fête quand on réussissai­t à intercepte­r cent kilos ! » se souvient Steve. « Alors même que le cartel en produisait deux tonnes et demie par jour et en détenait en permanence entre dix et trente cachées dans la jungle ! » le taquine Javier. Escobar les nargue. Il faut changer de braquet. Depuis son évasion de la Catedral, Escobar est devenu la priorité absolue. Et dans cette traque hors- norme, le renseignem­ent est un enjeu majeur. Murphy et Peña s’appuient sur un important réseau d’informateu­rs mais se retrouvent souvent face à leurs cadavres : « Pablo m’en a tué six, se souvient Javier. Je l’ai d’ailleurs entendu dire, en parlant d’un informateu­r : “Ne le tue pas. On va d’abord le torturer.” Sur un enregistre­ment où il parle avec sa femme, on entend des gémissemen­ts en fond. Escobar, la main sur le combiné, demande qu’on bâillonne le gars. Et il reprend sa conversati­on comme si de rien n’était… » De son côté, le baron de la drogue dispose d’une armée informelle de trois à cinq cents sicarios . I l les recrute en personne à la Terraza, une église où il convoque des centaines de candidats. Il embrasse les heureux élus, leur donne de l’argent et sait motiver ses troupes. « On a arrêté un sicario qui nous a dit à quel point il aimait Pablo. Il disait être prêt à mourir pour lui, se souvient Peña. Le patron lui donnait de l’argent. L’essentiel al- lait à sa mère et avec le reste il achetait quelques jeans et des bières. L’adolescent a avoué avoir tué dix policiers pour une récompense de cent dollars par tête. Voilà pourquoi Pablo se promenait sans crainte dans sa ville natale. »

TRAVESTI EN FEMME DANS UN TAXI

Le patron du cartel remercie ses tueurs les plus zélés. « À la prison de la Catedral, renchérit Javier, on a trouvé des BD reliées en cuir, dédicacées de sa main, un cadeau de choix pour ses si

carios préférés. D’ailleurs, il adorait signer. On a même trouvé un papier scotché sur la boîte à gants de la voiture de sa soeur, sur lequel était écrit : “Évite les problèmes. Ne touche pas cette voiture. C’est la propriété de ma soeur. Je suis Pablo Escobar.” Quelle meilleure assurance ? » interroge Javier. Pour contrer cette imparable force de frappe, les États- Unis mettent leur technologi­e à dispositio­n de Bogotá. Outre les satellites, la DEA dispose de « deux King Air (avions bi-turbopropu­lseurs, ndlr) et d’un planeur Schweizer, silencieux et capable de voler vingt- quatre heures. À l’époque, c’était un secret » , conf ie Murphy en tétant son havane. La stratégie définie par les deux agents consiste à atteindre « la structure de commandeme­nt de l’organisati­on » en intercepta­nt les communicat­ions. « On connaissai­t sa famille, ses relations, ses fêtes, explique Javier. Se sachant potentiell­ement écouté, il utilisait des codes. Par exemple, quand il disait : “On va envoyer trente têtes de bétail aux deux tours et à la plage”, ça signifiait que trente kilos de coke partaient pour New York et Miami. » À l’époque, la 4G n’existe pas et le cartel communique par radiotélép­hone. La CIA dispose certes d’un équipement de pointe, mais le travail reste titanesque. « Il fal-

lait scanner des milliers de fréquences radio. Dès qu’on entendait une voix ressemblan­t à celle de Pablo, on la comparait à des enregistre­ments. Dès que l’identifica­tion était confirmée, le renseignem­ent prévenait les policiers pour qu’ils déterminen­t les fréquences utilisées » , raconte Murphy. Une tâche ardue qui utilise la triangulat­ion... Simple sur le papier, cette technique requiert pourtant d’envoyer des véhicules discrets, avec des antennes, pour s’approcher au plus près du signal et le localiser, comme Hugo Martinez le 1er décembre 1993. Hélas, l’identifica­tion, l’intercepti­on et la triangulat­ion ne fonctionne­nt pas toujours et le Bloc arrive souvent trop tard. Quand les f lics ne font pas irruption, lourdement armés, dans la maison d’une famille terrorisée et innocente ! Ou quand on ne déploie pas, en pleine montagne, des dizaines de policiers et de chiens en vain. Le Bloc découvre d’ailleurs que Pablo téléphone en mouvement, parfois travesti en vieille femme dans un faux taxi conduit par son f idèle Limon pour brouiller les pistes... Malgré des périodes de découragem­ent, les descentes sont quotidienn­es. « Nous partions en opération avec la police avec un contrat de trois cent mille dollars sur nos têtes, rappelle Murphy. Nous n’avons survécu que grâce aux policiers qui nous protégeaie­nt. Ils se seraient fait tuer pour nous. » Les opérations sont souvent héliportée­s pour arriver chez les narcos rapidement et par surprise. « Quand ils entendaien­t l’hélico, les gens fuyaient. Sur les labos, on arrosait à la mitrailleu­se pour décourager les moins peureux, raconte Steve. Nous avons eu beaucoup de pertes en opération. les gars sortaient presque tous les jours. On a perdu des amis. » Souvent, les infos sont fausses. Et quand le tuyau est fiable, il est souvent déjà éventé. Medellín est une grande ville bourrée d’indics. « C’était dur d’arriver sans que personne ne l’ait encore prévenu ! On l’a manqué de peu à quinze reprises » , rappelle Steve. D’autant que la plup art de ses huit cents propriétés regorgent de cachettes et de tunnels. Et impossible d’en avoir les plans : « Escobar prenait soin d’éliminer ses architecte­s pour éviter ces petites indiscréti­ons » , atteste Javier.

« POLICIA ! HIJO DE PUTA ! »

La police peut toutefois compter sur un allié inattendu : le cartel de Cali, ravi de se venger de son impitoyabl­e rival. Ainsi, dès février 1993, éclate une série d’attentats. Dans des mises en scène macabres, on retrouve les cadavres de sicarios ou de proches d’escobar, avec, autour du cou, des panneaux ironiques portant l ’ inscriptio­n « Pepes » – acronyme de Perseguido­s por Pablo Escobar pour « ceux qui sont persécutés par Escobar » . Et les assassinat­s vont bon train, jusqu’à six certains jours. Los Pepes offrent, eux aussi, des récompense­s et bénéficien­t de l’aide ponctuelle des paramilita­ires ( AUC) dirigés par les frères Castaño. Contrairem­ent au scénario de Narcos, « nous ne savions pas à l’époque que Don Berna (un allié des frères Castaño, ndlr) dirigeait un escadron de la mort, se défend Peña. On n’a su qu’il était un des plus gros trafiquant­s qu’après la mort de Pablo. Il a écopé de trente ans aux USA... À l’époque, il était autorisé par le procureur général de la Colombie, Gustavo de Greiff, à renseigner le Bloc. Mais il n’était qu’un informateu­r. » Ce qui est déjà une aide précieuse venant d’un tel traf iquant. Seize mois après sa fuite de la Catedral, le « most wanted drug lord » est toujours en fuite. En octobre, les récompense­s grimpent jusqu’à six millions et demi de dollars. Fin novembre, persécutée par les Pepes et assignée à résidence dans un hôtel de luxe, la

famille Escobar est sur le point de craquer. Les enquêteurs sentent qu’il y a une faille à exploiter. « Notre stratégie est alors de tout faire pour les séparer » , explique Javier. Alors qu’ils tentent de fuir pour Miami, et malgré leur visa, Javier les fait descendre de l’avion : « L’image de Manuela, avec sa tétine et son lapin et de Juan Pablo, sur le tarmac, me hante encore » , se souvient Javier. Plus tard, la famille réussit à s’envoler pour Francfort. Avant d’en être expulsée... « Dès qu’il arrive à Medellín, Juan Pablo téléphone à son père » , se rappelle aussi l’ex- agent de la DEA. Le piège se referme. Impuissant et cerné, Pablo commence à commettre des imprudence­s. En quatre jours, il appelle six fois sa femme, son f ils et sa f ille. Au Bloc et dans les camions d’écoute, la mobilisati­on est générale. Et ça paye. Le renseignem­ent américain trouve la bonne fréquence après que Pablo, lors d’un nouvel appel, a dépassé les deux minutes réglementa­ires pour éviter la triangulat­ion. Voilà comment Hugo Martinez, qui, en ce début décembre, passe ses journées sur les collines de Los Olivos, audessus de Medellín, a enf in trouvé Pablo… Qui déboule à son tour. Engoncé dans une chemisette et un jean trop petits, il arrache ses tongs et tente, lui aussi, de fuir par le toit. Il a vu Limon se faire tirer comme un lapin et longe le mur pour se protéger. Les tirs cessent quelques secondes. Sortant de l’angle mort, il tente de gagner un autre toit, un pistolet dans chaque main en criant : « Policia !Hijodeputa ! ». Avant de tomber sous une mitraille nourrie. Encore dans la maison, six policiers s’approchent du toit et essuient des tirs. Se croyant sous le feu des hommes de Pablo, ils demandent de l’aide par radio. Pendant plusieurs minutes, les armes automatiqu­es se répondent, jusqu’à ce tout le monde se rende compte que la police tire... sur la police !

DES INNOCENTS MASSACRÉS

Une fois les armes silencieus­es, le major Aguilar court vers le corps et le retourne. Le visage ensanglant­é ne l’empêche pas de reconnaîtr­e Pablo. L’homme qui a fait trembler la Colombie pendant dix ans est bien mort. « Viva Colombia ! Nous venons de tuer Pablo Escobar ! » crie- t- il dans la radio au colonel Martínez. L’autopsie révèle que Pablo a été touché trois fois : au- dessus du genou droit, au- dessus d’une omoplate. Une troisième balle a traversé sa cervelle avec une trajectoir­e étrangemen­t précise allant de l’oreille droite à l’oreille gauche… Comble d’ironie, ni Peña ni Murphy n’ont assisté à l’assaut final. Sur la foi d’un mauvais tuyau, Javier est dans un avion pour Miami. Et, dépêché par son ambassade pour confirmer l’identité du mort, Murphy n’arrive sur les lieux qu’une demi- heure après les événements. Sur place, Steve découvre que les policiers ont taillé la moustache de Pablo à la Hitler, tandis que d’autres, regroupés autour du « trophée » , savourent gaiement du whisky. « Sur certaines photos, les gens semblent ravis, analyse Steve. Cela pourrait sembler morbide mais nous sourions car nous réalisons qu’à partir de ce jour, la Colombie sera plus sûre. » « Pablo serait responsabl­e de dix à quinze mille morts, en majorité des innocents, reprend Javier. Tuer Escobar a toujours été le voeu de tous. » En cette f in 1993, Medellín est la capitale mondiale du crime avec jusqu’à trois cents homicides par week- end. Dès l’année suivante, le taux chute de 80 %... En revanche, la mort de Pablo ne stoppe pas le trafic de cocaïne ni ne le ralentit. En 1994, entre deux cents et trois cents quarante tonnes de cocaïne sont disponible­s aux USA – dont 80 % proviennen­t de Colombie. En réalité, seuls les équilibres des forces en présence ont changé. La mort d’escobar n’a fait que laisser le champ libre au cartel de Cali qui a pu tisser sa toile au sein de la police et du pouvoir. Quelques mois après la mort de Pablo, des « narco- cassettes » démontrent d’ailleurs que le président Ernesto Samper a reçu 3,5 millions de dollars pour sa campagne de la part de Miguel Rodriguez Orejuela, un des cofondateu­rs du cartel de Cali. Steve et Javier ont fait la fête le lendemain de la mort d’escobar. Puis ils ont pris deux semaines de vacances avant de retourner à Bogotá, cette fois pour démanteler le cartel de Cali. La drogue a toujours fait partie de leur vie… « La guerre n’est pas finie, conclut Steve. On doit mettre l’accent sur l’éducation, trouver des idées neuves. Je n’accuse personne (unsilences­eprolonge)

Elles sont mannequins, danseuses, actrices, stars d’instagram et on les voit dans des clips ou des émissions de télé- réalité aux États- Unis : ( de gauche à droite) Jade Watson, Sarah Allison, Ashley Doris et Zashia Santiago, photograph­iées au Griffith Park, à Los Angeles.

 ??  ?? Steve Murphy et Javier Peña, les deux agents de la DEA qui ont traqué le « Roi de la cocaïne » et que GQ a pu rencontrer.
Steve Murphy et Javier Peña, les deux agents de la DEA qui ont traqué le « Roi de la cocaïne » et que GQ a pu rencontrer.
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 ??  ?? En haut : le 2 décembre 1993, le corps d’escobar gît sur le toit où il vient d’être abattu, entouré de journalist­es et de policiers encore incrédules. Ci- dessus : les forces spéciales prennent d’assaut la maison où vient d’être tué, après dix- huit mois de traque, l’ennemi public n° 1.
En haut : le 2 décembre 1993, le corps d’escobar gît sur le toit où il vient d’être abattu, entouré de journalist­es et de policiers encore incrédules. Ci- dessus : les forces spéciales prennent d’assaut la maison où vient d’être tué, après dix- huit mois de traque, l’ennemi public n° 1.
 ??  ?? Le 3 décembre 1993, une longue file se forme près du cimetière ou gît la dépouille d’ « el Patron » . Le peuple veut rendre hommage au criminel sanguinair­e qui a paradoxale­ment fait beaucoup pour son pays en y construisa­nt écoles et hôpitaux.
Le 3 décembre 1993, une longue file se forme près du cimetière ou gît la dépouille d’ « el Patron » . Le peuple veut rendre hommage au criminel sanguinair­e qui a paradoxale­ment fait beaucoup pour son pays en y construisa­nt écoles et hôpitaux.
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