GQ (France)

DÉCRYPTAGE La doudoune ultra- light colonise nos vestiaires. Tenue égalitaire ou uniforme en marche ?

Cet habit léger et technique a envahi nos vestiaires, brouillant les marqueurs sociaux et gommant, l’air de rien, ce qui fait de nous des individus.

- Par Nicolas Santolaria

EN QUELQUES ANNÉES, la doudoune ultra- light s’est imposée comme l’incontourn­able uniforme post- moderne. Regardez autour de vous et vous verrez que le constat est sans appel : vos contempora­ins ressemblen­t presque tous à des Bibendum Michelin qui auraient subi une liposuccio­n drastique. Qu’elle soit portée sous une veste de costume ou sur un simple tee- shirt, la doudoune ultra- light fait office de seconde peau adaptable à tous les contextes. Transclass­e, elle peut aussi bien s’afficher avec une paire de mocassins à glands sur une jetée du Cap Ferret qu’avec des Converse à un meeting de la France Insoumise. Transgenre, elle convient aussi bien aux hommes qu’aux femmes, participan­t à sa manière à la porosité croissante du vestiaire, ce nouveau champ de bataille de la déconstruc­tion. Elle transcende par ailleurs les catégories du vêtement luimême, au point que l’on ne sait plus vrai- ment à quoi on a affaire. Un blouson ? Un gilet emplumé ? Un peu des deux. Ou plutôt, ni l’un, ni l’autre. À l’instar d’emmanuel Macron qui se présente comme « ni de droite, ni de gauche » , la doudoune ultra- light est le premier vêtement « ni- niste » diffusé à des millions d’exemplaire­s. Dans le contexte mouvant de la « société liquide » , ce monde en perpétuell­e dérégulati­on qui a été brillammen­t théorisé par Zygmunt Bauman, la doudoune ultra- light milite pour le droit de ne pas choisir et permet de passer d’un univers social à un autre, avec la fluidité de l’eau s’adaptant à n’importe quel contexte. Mais poussons plus loin la réflexion : la doudoune ultra- light ne serait- elle pas, derrière son apparente banalité, l’instrument d’une société où toutes les distinctio­ns auraient disparu ? Dans ce monde totalement fonctionne­l, nous serions tous d’extrême- centre et finirions par être clonés avec nos vêtements. Tous différents, mais tous pareils.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France