Mise à jour
Petit voyage à travers le temps. 38_ La nouvelle vie de Miley.
LA FAMEUSE REPRÉSENTATION de l’évolution de l’humanité est toujours la même : sous forme de pictogrammes, un primate quitte la posture à quatre pattes, se redresse lentement, puis avance droit comme un « i » vers un avenir censément plus civilisé. Aujourd’hui, cette imagerie qui associe le processus d’hominisation à la verticalisation est largement incomplète. Si l’on regarde dans les rues de nos mégapoles, on constate, certes, que l’homo erectus est debout, mais surtout qu’il arbore bien souvent une roue verticale entre ses pieds. Cette gyroroue – ou monowheel, pour ceux qui manient la langue de Donald Trump ( chacun fait ce qu’il veut) – tend aujourd’hui à remplacer l’hoverboard, dont les deux petites roues et la planche horizontale se montraient souvent incapables de passer les obstacles. D’un usage étendu, la gyroroue, inventée aux États- Unis en 2006, en raconte bien plus sur l’occident moderne que tous les livres d’alain Finkielkraut réunis, redéfinissant si profondément notre rapport à l’équilibre qu’elle pourrait figurer l’allégorie d’un effondrement encore imperceptible.
COMME AVEC SON LOINTAIN ancêtre, le Segway, il faut incliner son corps vers la proue pour avancer en un mouvement qui habituellement provoquerait une chute. L’électronique embarquée donne alors des ordres à la mécanique pour corriger le déséquilibre. Si on peut voir dans ce jeu à somme nulle entre des forces contraires une parenté avec la marche, une chose diffère : pour le déplacement individualisé sur de faibles distances, nous soustraitons à la technologie ce qui était jusque- là pris en charge par nos propres ressources physiques. On imagine ce que pourraient être, d’ici quelques années, la perte de souffle et la fonte musculaire d’un usager régulier. Si elle offre des calembours approximatifs ( « Un beau but d’olivier Gyroroue ! » ) , la monowheel nous aura permis en réalité de comprendre une chose : correctif cosmétique des grands équilibres physiques, la technologie n’est pas ce qui nous fait avancer, mais ce qui nous fait chuter sans nous en apercevoir.