GQ (France)

KEVIN MAYER LE DIEU DU STADE

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25 ans. PROFESSION : décathloni­en, un homme qui fait des dix discipline­s d’athlétisme en deux jours : 100 m, saut en longueur, lancer du poids, saut en hauteur et 400 m le premier jour puis 110 m haies, lancer du disque, saut à la perche, lancer du javelot et 1 500 m le second. « Pour tous les décathloni­ens, le 1 500 m est la discipline la plus dure, explique Kevin Mayer. Parce qu’il arrive à la fin des dix épreuves, déjà, et, surtout, car les neuf autres épreuves sont explosives et on utilise alors la puissance. Le 1 500, c’est de la résistance. Lorsque l’ on travaille la puissance, on régresse en résistance, et inversemen­t. Et comme l’on privilégie la puissance à l’entraîneme­nt, on subit beaucoup cette course de fond, c’est une difficulté mentale et physique. » FAIT D’ARMES 2017 : champion du monde de décathlon à Londres le 12 août. Une première dans l’histoire de l’athlétisme français. S’il domine assez facilement la compétitio­n, il fut pratiqueme­nt en tête du début à la fin des dix épreuves, il s’en est fallu de quelques millimètre­s pour que son rêve d’or se transforme en plomb. Lors du saut à la perche, la huitième épreuve, il en est à son troisième et dernier essai. Quand il voit la barre ( à 5,10 m) vaciller, il est persuadé d’échouer. Mais elle tient bon. « Tout le monde parle de mon mental d’acier, mais là, franchemen­t, c’est de la réussite, avoue- t- il. Pour moi, c’était mort, je n’allais pas la passer. Je n’avais aucun repère, j’étais perdu. Un mois avant, j’étais tombé à la perche lors d’un entraîneme­nt et je n’avais plus sauté depuis. J’ai tout donné sur ce saut. » Ce qui explique sa course folle dans le stade olympique de Londres, comme s’il avait gagné la médaille d’or. « Je suis champion du monde en fait là, oui ! Il ne reste que le javelot et le 1 500 m, aucun risque de se manquer. » Il attendra tout de même sept heures de plus pour être officielle­ment sacré et poser, comme le veut la coutume du décathlon, torse nu avec ses compagnons de compétitio­n. Il le refera pour nous. « Lors des shootings, les photograph­es me demandent souvent de le faire. Je dis non la plupart des fois. Là, c’est GQ, c’est haut de gamme, donc pas de souci. » SIGNE CARACTÉRIS­TIQUE : un père éducateur sportif, une mère professeur­e de sport, Kevin ne pouvait faire autre chose que du sport. Après avoir tenté pendant sept ans le tennis, il abandonne, trop énervé de ne pas maîtriser sa puissance et de perdre, soi- disant, contre plus nul que lui. Viennent ensuite, entre autres, le rugby et la natation. Mais, lassé par des entraîneme­nts jugés trop répétitifs, il renonce, encore. Avant d’entrevoir la lumière dans l’athlétisme où il s’adonne avec plaisir à une discipline différente chaque jour. Peu lui importe que le sport choisi, le décathlon, fasse davantage référence à une marque sportive discount qu’aux travaux d’hercule ( « Pour ceux qui pensent que Décathlon est seulement un magasin, je vais leur montrer ! » ) , c’est pour lui un style vie. « Ce n’est pas vraiment un travail puisque je suis l ’ un des seuls à être bien payé en France pour faire cela, confie- t- il. C’est avant tout une passion, une manière de vivre. On vit décathlon, on mange décathlon, on dort décathlon. Toute notre vie est organisée autour de ce sport, pour être performant dedans. » Rigoureux, talentueux et beau, il se forge un corps sublime ( 1,86 m pour 82 kilos, de muscle), une caisse d’enfer et un mental d’acier. Triptyque gagnant pour briller sur les pistes et, surtout, faire la couverture de GQ. Son appétence pour la physique ( il a étudié la géologie et les mesures physiques) et pour l’écologie ( militant affirmé, il ne rêve plus de Porsche Cayenne mais de Tesla) ne gâte rien. I L A DIT : « Quand tu es un peu beau gosse et que tu as gagné un titre de champion du monde, en boîte de nuit, ce n’est plus pareil. Je suis plus beau maintenant qu’il y a un an visiblemen­t. Pourtant, je crois que je suis le même, non ? »

prète. FA I T D’ARME S 2017 : il s’est essayé au rap avec brio et désinvoltu­re sur le single « Hyper tranquil le » qui annonçai t son album Volver, tandis que le précédent, Palermo Hollywood, recevait plus tôt dans l’année une Victoire de la musique ( la deuxième après celle de Lasuperbe en 2010). SIGNE CARA CT É R I STIQUE : au dépar t chanteur estampi l lé « bobo- pari s ienqui- vi t - dans- sa- bul l e- nostalgiqu­e » , il est aujourd’hui l ’ ar t iste français masculin le plus unanimemen­t reconnu de sa génération grâce à des disques toujours plus aventureux. I L A DIT : « Sur “Hyper tranquille”, je ne me suis pas servi de l’auto- tune, contrairem­ent à ce que tout le monde a dit, mais du vocoder, un autre outil de transforma­tion vocale plus ancien et plus di Œ cile à maîtri - ser. L’auto- tune, c’est un correcteur pour les gens qui chantent faux ; le vocoder modifie juste la texture de la voix, pas les notes. Du coup, j’ai pris le vocoder parce que désolé, mais je chante juste. Ce titre a fait jaser les plus conservate­urs de mes fans, certains ont même pris ça pour de la provocatio­n alors que c’était pas du tout mon intention. Je me dis juste que j’ai la liberté de faire ce que je veux, donc j’en profite. Et comme je n’ai pas envie de “faire mon âge” en musique, je me donne la liberté de rapper. J’écoute énormément de musique, dont pas mal de choses qui ne ressemblen­t pas du tout à c e que je f ais ou du m oins à l’idée que les gens peuvent s’en faire. En France c’est une idée à laquelle on a encore du mal du mal à se faire, ce mélange des registres et des publics. C’est comme la variété, c’est toujours un peu rejeté par le bon goût. Pourtant Dominique A écrit des très beaux textes pour Calogero, Miossec pour Johnny ou Nolwenn Leroy, moi j’ai travaillé avec Isabelle Boulay et Henri Salvador… Ça ne devrait pas perturber les gens comme ça. Le rap ou la variété pour ados, genre Louane, pour moi ça fait partie de la musique française d’aujourd’hui, au même titre que des trucs soi- disant plus ra Œ nés. Et c’est donc naturel pour moi de m’y intéresser. En Argentine, où j’ai vécu pendant quelques années, les auditeurs ne sont pas comme ça, ils veulent se marrer, danser, chanter des gimmicks. C’est ça le vrai principe de la variété : il faut varier les styles. » ADIEU HUBERT : « Cette année, mon ami Hubert Mounier nous a quittés. C’était le chanteur de L’A ¦ aire Louis’trio dans les années 1980 et 1990. Depuis la séparation du groupe, il sortait des disques en solo, sur lesquels j’avais travaillé, et il avait aussi beaucoup contribué à mes premiers disques. J’ai fait mes débuts dans la musique auprès de lui, c’était un artiste à la fois super doué, super pédagogue et super exigeant dans sa façon d’envisager l’écriture d’une chanson. Le succès surprise de “Chic Planète” lui avait à tort donné une image de rigolo. Mais fallait voir la tête des musiciens chevronnés qui se retrouvaie­nt avec lui en studio et qui jouaient ses partitions en disant « oh putain l’enculé ! » tellement ses compos étaient subtiles et sophistiqu­ées. C’était aussi un très grand dessinateu­r de bande dessinée, dans le style “ligne claire” d’yves Chaland. Sa pop aussi était très “ligne claire” quand on y pense. »

« J’élève ma fille, en coproducti­on avec sa mère, c’est déjà comme ça que je me défi - nis, en tant qu’homme de 2017 (rires). J’essaie surtout ne pas reproduire le comporteme­nt de mes aînés : quand j’entends des histoires de vieux acteurs qui racontent comment ça se passait avec leurs femmes, leurs maîtresses, leurs enfants qu’ils ne voyaient pas, ça m’excite pas trop. Avec ma fille, je ne reste surtout pas les pieds sous la table, ce serait horrible de lui renvoyer cette image. »

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