MON COLLÈGUE EST UN ESPION
Et si Fabien, votre nouveau partenaire de golf, était en fait un agent double ravi de vous écouter parler de votre entreprise ? Peut-être est-il sorti diplômé de L’EGE, l’école de guerre économique à Paris, qui forme ses étudiants à l’économie globalisée
disent les pros. Il accueille aussi des professionnels en formation continue. En cette rentrée, les effectifs ont carrément doublé. Niché dans le 7e arrondissement, L’EGE se situe pile entre l’école militaire et l’hôtel des Invalides, un quartier truffé de soldats et d’agents. Pour autant, l’école n’enseigne pas l’art de l’espionnage industriel à de petits James Bond. Ici, les élèves apprennent à chercher et à utiliser des informations cruciales pour la compétitivité d’une entreprise, en toute légalité. Ils s’initient aussi à la géopolitique, le tout pour 12 000 euros l’année.
FUTURS EXPERTS EN IE, ils connaissent les enjeux brûlants des entreprises : internationalisation croissante, problèmes de compliance – c’est- à- dire de vérification de la conformité des partenaires aux lois anti- corruption américaines –, hausse du nombre d’intox, de fuites de documents, de piratages… « En France, il y a des attaques informatiques tous les jours, observe Alain Juillet, président du Club des directeurs de sécurité et de sûreté des entreprises ( CDSE). Rien que la “fraude au président” (des aigrefins qui imitent la voix du patron au téléphone pour obtenir des virements, ndlr) a déjà coûté plus de 400 millions d’euros aux entreprises. Beaucoup de sociétés s’en cachent parce que ce n’est pas très glorieux. Parmi les attaques connues, la moitié est commise par des Français, l’autre vient de pays étrangers. » Tels la Russie, la Chine ou Israël. Dans ce contexte, de plus en plus de sociétés recrutent à L’EGE. En 2018, deux- cents élèves sortiront diplômés, en comptabilisant les MBA pour professionnels dont la nouvelle formation en cybersécurité. « C’est la meilleure formation en intelligence économique, et de loin » , affirme Philippe Caduc, PDG de l’adit. Leader de l’intelligence stratégique, la société, qui travaille pour tout le CAC 40, compte 230 salariés en France, dont une vingtaine d’anciens de L’EGE, « dans la fraction de ceux qui réussissent le mieux » . Pourtant, ce n’était pas gagné au départ. L’école, qui appartient à l’espagnol Grupo Planeta, a été créée en 1997 par le général Pichot- Duclos avec Christian Harbulot, qui en a vite pris la direction, et Benoît de Saint Sernin, qui en est vite parti. « En 1997, pas grand monde ne misait sur cette école, se souvient Philippe Caduc dans son très chic bureau du quai Anatole- France avec poissons
N
en moi. » Des amis qui l’aideront à se familiariser avec le renseignement économique. S’ensuit une « traversée du désert » , selon ses termes : Harbulot passe un DEA, travaille dans la presse, enseigne à l’école alsacienne... avant de sauter le pas et de se lancer dans l’intelligence économique. La lutte armée appartient au passé, à lui la lutte pour le marché. Le 22 juin au soir, alors que l’été débute sous les tilleuls de l’école militaire, il semblait ne pas regretter ce virage radical. Autour de lui, plus de sept- cents personnes trinquaient, toutes venues fêter les 20 ans de l’école de l’ex- mao. Parmi eux, Cyril Bertschy, 42 ans, a tout de suite été séduit par « ce vieux briscard qui a roulé sa bosse » . Inscrit à L’EGE depuis mars en formation continue pour un MBA, ce Niçois jongle avec son agenda pour suivre les trois jours de cours par mois car il mène en même temps une levée de fonds pour la start- up qu’il dirige, Greenerwave. Soutenue par Station F, l’incubateur de Xavier Niel, la société commercialise une technologie destinée à améliorer la réception du wifi à l’intérieur des bâtiments. Cyril Bertschy souhaite la développer à l’étranger, d’où son besoin de se perfectionner en IE. De 2006 à 2013, il a travaillé en Chine pour Gravotech, un groupe français qui fabrique des machines pour graver des pièces automobiles, des bijoux ou des montres afin d’en assurer la traçabilité. À Shangaï, il a également été conseiller au commerce extérieur pour la France. « Comme beaucoup, je suis arrivé comme si la Chine m’attendait, raconte- t- il dans un café du 13e, proche de Station F. On visait le marché automobile. J’avais en tête des règles classiques : on analyse le marché, les concurrents et on y va. »
Les élèves apprécient cet aspect pratique de l’école. Thibaud Bielli, 28 ans, ex- salarié dans l’aéronautique à Toulouse et plus jeune élément de cette promotion de MBA, vient de boucler une enquête sur une ONG qui milite contre la pêche intensive. Avec une dizaine de camarades, il dit avoir démontré qu’elle sert, sans le dire, les intérêts de groupes américains et australiens. « Pour les grandes entreprises, conclut- il, les ONG sont des armes de guerre économique. » Puis, dans un sourire : « À l’école, on apprend à être parano. » Sans tomber, jure- t- il, dans la théorie du complot. « “À qui profite le crime ?” doit- on toujours se demander » , renchérit Charlotte Renoux, 24 ans, passionnée de polo et de géopolitique. Diplômée en juin et stagiaire pour six mois à Havas, elle aimerait travailler dans l’industrie de l’armement. Elle aussi a aimé la mise en application des cours. « Avec quatre étudiants, j’ai travaillé pendant huit mois sur les problématiques sécuritaires d’une entreprise dans l’énergie, raconte- t- elle. En juin, on a présenté en vingt minutes notre travail à des directeurs de la stratégie, pour leur expliquer quel lobbying faire et comment se positionner par rapport aux médias. » Elle n’en dira pas plus ; elle a signé un contrat de confidentialité. Ce programme d’exercices « pour de vrai » , dénommé Mercurie, réunit plusieurs entreprises partenaires telles EADS, EDF, GDF- Suez, Carrefour ou la Macif. Peu à peu s’est dessinée une communauté « EGE » . En vingt ans, l’école a formé 1 400 élèves réunis au sein d’une association très active, créée par l’actuel directeur adjoint, Charles Pahlawan. « Ce réseau, c’est la grande force de L’EGE par rapport aux autres formations » , estime Alain Juillet. Parmi les principaux concurrents, ni l’école européenne d’intelligence économique ( EEIE) à Versailles, créée en 2005 par Benoît de Saint Sernin, ni le master de L’IAE de Poitiers ne peuvent se vanter d’un tel dynamisme. « Rien que pendant ma conférence annuelle sur le Moyen- Orient, j’ai reçu des dizaines d’invitations d’élèves sur Linkedin, raconte l’avocat d’affaires franco- iranien Ardavan AmirAslani. Je conseille régulièrement d’anciens élèves qui me contactent depuis différents pays. » L’intervention de l’avocat marque souvent les esprits. « J’explique que pour les grands contrats d’état, ce n’est pas parce qu’on a des produits de qualité qu’on emporte la mise. En 2009, EDF, GDF, Areva et Total ont ainsi perdu l’appel d’offres pour des centrales nucléaires aux Émirats arabes unis à cause d’une méconnaissance de la chaîne décisionnelle sur place. » Il déplore le retard hexagonal. « En France, on prend encore les experts en IE pour des “barbouzes”. Pourtant, une entreprise en a autant besoin que d’un avocat ou d’un expertcomptable » . En cas de mobilisation, les petits soldats de la mondialisation se tiennent prêts.
Le match entre King et Riggs est fixé au 30 septembre au Houston Astrodome, et diffusé en prime time sur ABC. L’événement est organisé par le promoteur et producteur de télé Jerry Perenchio, déjà responsable du « match du siècle » entre les boxeurs Ali et Frazier. Vendu comme « The Battle of the Sexes », il se déroulera en cinq sets et le vainqueur empochera 100 000 dollars. Bobby Riggs
Bobby Riggs s’incline : « Billie Jean était trop bonne, trop rapide, reconnaît- il, je sais que j’ai dit tout un tas de choses qu’elle me fait regretter ce soir. Je pense que je suis le plus gros clochard de tous les temps. Mais je dois l’accepter. »