GQ (France)

120 MINUTES AVEC...

Producteur et journalist­e, Philippe Collin est entré à Radio France par la petite porte en 1999, où il a trouvé sa voie, et même sa voix. Nous l’y avons suivi... et écouté.

- Par Fabrice Tassel_ Photograph­ies Gaël Turpo

Philippe Collin, le dandy d’inter.

15 H MAISON DE LA RADIO, 5E ÉTAGE, BUREAU 5413

C’est un couloir tristounet, encore enlaidi par d’énormes travaux qui remuent les entrailles de la « Maison ronde » . Un homme en costume prune et à l ’ élégance joyeuse l’arpente et s’arrête devant une porte grise. Philippe Collin y pose sa main : « Voilà, c’est mon grigri. Les jours de grand stress, je répète ce geste car c’est ici que j’ai tout appris. » C’est derrière cette porte que, fin août 1999, le jeune étudiant breton embauche à Radio France. Il rejoint un de ses mentors, Gérard Lefort, illustre journalist­e de Libération qui l’a repéré lors d’un festival de cinéma à Brest. Lefort a besoin d’un coup de main sur « À toute allure » , une émission de France Inter que Collin n’a alors jamais écoutée ( seule France Info été admise dans la bagnole parentale). C’est dire si ce jour d’août marque un grand plongeon. Collin a vendu ses disques, ses planches de skate, tout ce qu’il a pu pour rejoindre Paris, son « unique objectif à l’époque » . Avec dix mois de budget devant lui, il s’immerge dans la bande de Gérard Lefort, découvre la capitale de jour comme de nuit. « Je n’étais venu à Paris que deux fois » , se souvient Collin. Il n’en est plus reparti et ne retourne presque jamais à Brest, à laquelle il pense malgré tout avec tendresse.

15 H 20 DEVANT L’ASCENSEUR DU 5E ÉTAGE

Il se déplace de quelques pas et se retrouve face à un ascenseur, devant un palier sur lequel, en 1999, les fumeurs grillaient encore leur clope. Un jour, environ deux mois après son embauche, Collin en savoure une. La porte de l’ascenseur s’ouvre et il se retrouve nez à nez avec… David Bowie. Ici c’est Paris ! Même époque, même lieu : le jeune homme discute avec un grand type à la tignasse grisonnant­e. « Vous êtes qui, au fait ? » , demande la récente recrue de 24 ans. « JeanLuc Hees. Je dirige France Inter. » Nul doute que Collin a illico rallumé une cigarette. Et que deux saisons d’ « À toute allure » lui ont permis de toucher à l’écriture, à la recherche de docs et à la découverte des sons.

15 H 50 5E ÉTAGE, STUDIO 135

Le Studio 135 est détruit. Dommage... En juillet 2003, Philippe Collin y livre sa première chronique, à la demande d’un autre de ses

mentors – Frédéric Bonnaud ( journalist­e vedette d’inter, ex- directeur des Inrocks, aujourd’hui patron de la Cinémathèq­ue) –, intitulée « Sueurs froides » . Collin répète environ « huit mille fois » ce court texte qui évoque le légendaire footballeu­r brésilien Garrincha. « Évidemment, j’ai parlé beaucoup trop vite » , se souvient ce dingue de sport qui, depuis 2015, panse le blues du dimanche soir dans « L’ Oeil du tigre » , une émission mêlant sport et pop culture. Allumez votre radio à 18 heures, vous ne pourrez pas louper cette voix chaude, rauque juste ce qu’il faut, instantané­ment chaleureus­e. Un timbre choisi par Collin pour contenir son stress. Anxieux comme tous les grands actifs, il paniquait tant avant l’antenne qu’il a choisi de jouer un rôle. « J’assume » , confie- t- il de sa « vraie » voix, presque fluette par instants. Aujourd’hui, il ne panique plus que dix secondes avant l’antenne.

16 H 15 5E ÉTAGE, STUDIO 511

Retour en zone libre de travaux, moquette encore propre, bureaux tout neufs. C’est l’étage de France Inter. Collin prend place dans le fauteuil qu’occupe chaque matin Nicolas Demorand. C’est dans ce studio qu’il a interviewé François Hollande en juin 2016 – un petit scoop puisqu’il s’agissait de la première visite d’un président de la République en exercice dans un programme de France Inter non consacré à l’actualité. Bien sûr, Philippe a caressé la porte du bureau 5413 avant l’émission.

16 H 35 6E ÉTAGE, BUREAU 5F15.

Dernière étape dans l’antre de « L’ Oeil du tigre » . Sur un tableau, le nom des futurs invités, dont Jean- Pierre Papin et Éric Cantona. L’oeil de Collin, ancien milieu de terrain qui a peu goûté la vie en club, brille déjà d’excitation. Ce boulimique de travail ne cesse de réfléchir à la façon de « se réinventer » : de nouveaux formats d’écriture radio, par exemple sur le numérique ( il rêve de fiction) ; une BD, déjà en cours ; « Personne ne bouge » , une émission culturelle hebdomadai­re sur Arte ; et le cinéma, bien sûr, puisque il est aussi producteur associé chez Agat Films, société de production pour laquelle il cherche de nouveaux formats visuels. À 42 ans, Collin est plus que jamais un homme multimédia. Terribleme­nt dans l’époque, en somme.

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Apocalypse­now ( 1979), Philippe Collin, fan de cinéma, se l’est fait tatouer sur son avant- bras. Ci- dessous, l’animateur de « L’ Oeil...
CINÉPHILE, COLLIN ? « Saigon,shit,i’mstillonly­in Saigon», cette tirade prononcée par Willard ( Martin Sheen) dans Apocalypse­now ( 1979), Philippe Collin, fan de cinéma, se l’est fait tatouer sur son avant- bras. Ci- dessous, l’animateur de « L’ Oeil...
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