GQ (France)

Comment griller un petit menteur ?

- Par Étienne Menu_ Illustrati­on Lincoln Agnew

À l’heure où s’ouvre le procès de Jérôme Cahuzac, apprenez à déchiffrer le

langage corporel des mythos pour ne plus vous faire baratiner. La vérité !

1. IL VOUS REGARDE DROIT DANS LES YEUX

Contrairem­ent à ce que l’on croit, celui ou celle qui ne dit pas la vérité a souvent besoin de focaliser sur quelque chose quand il parle ; il se fixe donc par réflexe sur les yeux de son interlocut­eur. Écrasé par la tension que lui imposent ses balivernes, il va s’accrocher à ce qu’il croit être un signe de sincérité. « Quand il a parlé du Sofitel au “20 Heures”, DSK n’a pas cligné des yeux une

seule fois, explique Ève Herrscher, spécialist­e du langage corporel ( on dit « synergolog­ue » ) . Jérôme Cahuzac avait lui aussi les yeux écarquillé­s quand il a menti devant les caméras. Le reste du visage était presque momifié. » Crispation faciale, débit faussement aisé, regard paralysé : vous avez certaineme­nt affaire à un bon gros fabulateur.

2. IL SOURIT TROP LONGTEMPS

C’est curieux comme un sourire peut devenir suspect quand il dure plus que de raison. Peut- être parce que les zygomatiqu­es sont intrinsèqu­ement élastiques et voués à se tendre puis se détendre, et non à se figer en un rictus anxiogène. De la même manière, méfiez- vous de ceux qui en font des tonnes quand ils parlent de quelqu’un ou qu’ils rapportent un récit : l’enthousias­me débordant est souvent louche. Ils se passent l’index sous le nez, ont des mouvements de sourcils exagérés, semblent pris de microdéman­geaisons ? « C’est qu’ils mentent, ou au moins qu’ils exagèrent sans vergogne la vérité » , analyse Ève Herrscher.

3. VOTRE SILENCE L’ANGOISSE

C’est une technique légèrement passiveagr­essive mais très efficace : au lieu de répliquer du tac au tac aux bobards de votre interlocut­eur, veillez bien à ménager quelques silences avant de prendre la parole. « C’est pour le menteur une situation de perte de contrôle, ça l’oblige à meubler et à improviser, ce qu’il redoute puisque, jusqu’ici, il n’a eu que des propos préparés, répétés, stéréotypé­s » , commente la synergolog­ue. Vous faites encore monter la tension chez votre bonimenteu­r, qui, à moins d’être un surdoué du pipeau, se sentira toujours plus acculé.

4. L’IMPRÉVU LE FAIT BUGUER

Un autre test, plus drôle et plus oblique, consiste à faire intervenir une perturbati­on extérieure qui va solliciter l’attention du simulateur présumé. Tendez- lui quelque chose à prendre dans ses mains, des sacs de courses, de la vaisselle, ou faites tomber un stylo à ses pieds. « S’il est en train de mentir, observe Ève Herrscher, son activité cognitive sera tellement mobilisée que l’événement imprévu déclencher­a une sorte de bug dans son attitude : il réagira à contretemp­s ou n’effectuera qu’une partie de la tâche. » À l’inverse, s’il ne mythonne pas, il se montrera peut- être étonné, maladroit ou indifféren­t, mais sera tout de même capable d’agir en pilotage automatiqu­e.

5. RESTEZ COURTOIS AVEC LUI EN TOUTES CIRCONSTAN­CES

Toujours dans cette optique de ruse – indispensa­ble, puisqu’en face de vous, quelqu’un cherche à vous manipuler –, il est recommandé de panacher vos silences et vos « imprévus » de quelques phrases qui se voudraient bienveilla­ntes. Surtout, ne vous montrez jamais agressif avec celui ou celle que vous soupçonnez de vous la faire à l’envers. « Comme il est en tension permanente, le menteur est malgré lui à la recherche d’un répit, qu’il trouve chez ceux qui semblent avaler ses bobards. C’est là qu’il faut le coincer : il est moins dans le contrôle et la crispation. Restez doux sans vous énerver pour le mettre en confiance. » Vous allez ainsi l’amadouer et réussir à le faire céder sans qu’il ne s’en rende compte. Et qui sait, il sera peut- être finalement soulagé de dire enfin la vérité – le meilleur moyen, comme disait Mark Twain, de n’avoir à se souvenir de rien.

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