GQ (France)

À MACAO, LES JEUX SONT FAKE

Chaque année, et pour le plus grand plaisir des mafieux, ce sont des milliards de dollars qui circulent dans les casinos de cette région du sud de la Chine, surnommée la Monte-carlo asiatique. Mais les récentes lois anti-corruption locales semblent sonner

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ous les jours à 14 heures, devant l’imposante fontaine du Parisian – le dernier- né des casinos de Macao – avec ses dieux barbus qui soufflent dans des coquillage­s, l’ambiance est chauffée à blanc. Un quadrille de danseurs se démène : deux grands gaillards en redingote et deux filles en frou- frou, tout de bleu- blanc- rouge vêtues. « Rrrrriiiii haaa !!! » Tous lèvent bien haut le mollet sur un air d’offenbach craché à pleins tubes sur les haut- parleurs. Après quelques cuisses savamment dévoilées et d’abondants petits cris caractéris­tiques du french cancan, un grand écart collectif achève de subjuguer les spectateur­s, souvent des familles chinoises. Un peu à l’écart, un Européen les regarde attentivem­ent. C’est leur patron, Guy Lesquoy, corse de naissance et directeur artistique des lieux, installé depuis quarante ans à Macao où il n’a « pas vu le temps passer » . L’ancien danseur n’a rien perdu de sa souplesse : preuve en est, à 67 ans, il se lance à son tour et sans prévenir en grand écart magistral sur les faux pavés rutilants car « il y a des choses qui ne s’oublient pas » . Le concept du Parisian, Guy y songeait depuis longtemps : « J’ai toujours rêvé d’un lieu entièremen­t dédié à Paris, ici à Macao. » L’immense hôtel- casino de plus de 3 000 chambres est truffé de références à la capitale française : une avenue des Champs- Élysées avec des boutiques de luxe, un pont des Arts sur lequel on peut encore accrocher des cadenas d’amour, un Arc de triomphe nain et le clou du spectacle, une copie de la tour Eiffel de 150 mètres de haut, qui fait aussi grande roue et offre une vue imprenable sur l’île. Le tout pour un investisse­ment déclaré de 2,5 milliards d’euros. charme à la française, l’ex- petite fiancée de l’hexagone a décroché avec le Parisian un contrat publicitai­re à plusieurs millions d’euros dont le montant exact est gardé secret. L’enjeu est énorme pour Macao, et tous ces efforts de mi se en scène t endent vers un but unique : capter le graal du tourisme mondial, les classes moyennes- supérieure­s chinoises. Autrement dit, comme Las Vegas dans les années 1990, d’opérer dans l’univers des casinos macanais la transition d’un marché de VIP vers un marché de masse. Tout le monde est d’accord : l’avenir des casinos réside dans les joueurs du dimanche. Les chiffres vertigineu­x de la population chinoise parlent d’eux- mêmes : les classes moyennes urbaines se développen­t à un rythme exponentie­l ; leur appétit de loisir aussi. Les foyers aux revenus compris entre 25 000 et 250 000 euros par an, qui sont déjà au nombre de 110 millions, vont doubler d’ici cinq ans – c’est la tranche de population par revenu qui progresse le plus vite. Le « mass premium » est devenu la priorité de tous ceux qui font du business en Asie.

de temps à autre sur le compte Instagram de l’une de ses petites- filles, stoïque sur une chaise roulante, parfois entouré de chatons.

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