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MAGINEZ LA SCÈNE. Au lendemain d’une courte nuit passée en compagnie d’un nourrisson agité, d’une amante vénéneuse ou d’un ami noctambule ( rayez les mentions inutiles), la réunion « brief clientèle » est compliquée à gérer. Confus, vous vous trompez dans
chant en soi, il faut en convenir, mais si la répétition d’une telle situation nuisait petit à petit à votre évolution professionnelle ? C’est un véritable cri d’alarme qu’a poussé en novembre 2017 Sylvie Royant- Parola, psychiatre et directrice du Réseau Morphée, en signant avec d’autres spécialistes une tribune dans Le Monde afin de dénoncer l’inquiétant mépris du ministère de la Santé pour les questions entourant les troubles du sommeil. Pourtant, L’INSV ( Institut national du sommeil et de la vigilance) démontrait en 2017 que 36 % des Français rencontraient des problèmes la nuit et qu’un tiers des actifs dormaient six heures ou moins ( alors qu’il ne faudrait pas descendre en dessous de sept heures). Au même moment, aux États- Unis, Matthew Walker, chercheur éminent à l’université de Berkeley ( Californie), où il dirige le Center for Human Sleep Science, publiait sur le site New Scientist un manifeste pour alerter sur les conséquences catastrophiques du manque de sommeil généralisé dans nos sociétés, qui favoriserait notamment l’apparition d’alzheimer. Obésité, maladies cardio- vasculaires et neurodégénératives, diabète, dépression, et, depuis peu, cancers de la prostate chez l’homme et du sein chez la femme : la liste des dégâts s’allonge chaque matin, mais personne ne se réveille. Une hérésie, pour Sylvie : « C’est surréaliste car il y a une urgence à dormir. Le sommeil est une cause mondiale, les États- Unis sont d’ailleurs à la pointe de la recherche. Mais en France, la question du sommeil n’est pas prise au sérieux. Il y a un problème de représentation, comme si parler du sommeil revenait à être contre- productif. Rien ne se voit quand on a dormi, il n’y a pas de résultats... Et c’est une méconnaissance totale du sujet, car au contraire, tout ce qui se passe pendant le sommeil est énorme, et primordial. »
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