GQ (France)

120 minutes avec... Nora Hamzawi, la dame de piques E

Théâtre, radio, télé, cinéma... Nora Hamzawi brille partout où elle passe grâce à un sens aigu de l’autodérisi­on, qui tire sa source des hilarantes (et si universell­es) névroses de la trentenair­e. N JANVIER DERNIER, Nora Hamzawi nous conviait à la dernièr

- Par Lisa Vignoli_ Photograph­ies Samuel Kirszenbau­m

16 HEURES THÉÂTRE LE RÉPUBLIQUE, PLACE DE LA RÉPUBLIQUE À PARIS

Ici, elle a passé quatre ans à jouer son spectacle. Un stand- up sur les errances d’une trentenair­e, entre alcoolisat­ion, envie de plaire et questionne­ments féminins. « Mon personnage n’était pas forcément célibatair­e, mais beaucoup l’ont vu comme ça. Quand je demandais pourquoi, on me répondait : “Parce qu’elle lose.” Ça me rendait dingue ; on peut loser à deux, aussi ! Et si elle trouve un mec, elle est guérie, c’est ça ? » Dans la salle de 500 places, vide ce jour- là, elle pose en évitant son mauvais profil – le gauche –, elle le sait, elle y tient. Elle tente aussi de se remettre de la remarque du photograph­e à son arrivée : « Tu es vachement plus belle qu’à la télé. » Elle en rit : « Il a même développé d’un “Parce qu’avec ma meuf on se demande si t’es une vraie belle ou une fausse belle.” Le verdict est cool, mais ça veut quand même dire qu’on se pose la question de savoir si je suis cheum ou pas. »

17 H 30 CAFÉ, RUE DE BRETAGNE, PARIS 3

« 17 h 30, c’est tôt pour une coupe de champagne, non ? À 18 heures, ça passerait. » Ce sera détox et citron chaud. Dans ce café du Marais où elle vit – au- delà même de la gentrifica­tion –, personne ne parle français. À la table d’à côté, deux Américains ne s’embarrasse­nt pas de questions temporelle­s : ils commandent un steak tartare et deux coupes. C’est sur le trottoir d’en face qu’elle a rencontré le réalisateu­r Olivier Assayas, concrétisa­tion de ce qu’elle a pris

pour un terrible malentendu. « J’étais dans un train pour Toulouse et Élise, mon agent, m’envoie un texto : “Boum ! Olivier Assayas veut te rencontrer.” » Du tac au tac, elle répond : « Tu t’es trompée de destinatai­re mais merci ! » Complexe de l’humoriste qui ne se voit que dans de la comédie de marché face au cinéma d’auteur. C’est bien elle qu’il veut voir, pourtant. Le week- end suivant, elle regarde Personal Shopper et Clean. Le jour dit, Assayas est assez réservé ( pléonasme), elle très intimidée ( euphémisme). Elle ose : « Pourquoi moi ? » Le metteur en scène n’a pas la télé. Il a regardé sur YouTube ses chroniques chez Yann Barthès – des réponses hilarantes à des questions d’enfants – et a aimé son naturel. Face à ses doutes, il l’interroge : « Mais tu as déjà joué dans mille choses, non ? » « Ouais, Bouleet

Bill. » Petit rôle, grand rôle ? Peu importe, l’ex- élève du Cours Florent qui s’imaginait comédienne à 16 ans a tranché : « C’est Assayas, si je dois appuyer sur un bouton d’imprimante au fond du plan, je le fais. »

18 HEURES MÊME ENDROIT, VUE SUR LA RUE

Nora s’interrompt : « Tiens, c’est pas Marion Cotillard ? » Elle a la maladie des sosies ; elle en voit partout. Ce n’était pas Cotillard. Elle reprend sur ce début de carrière au cinéma qui la conduit à jouer dans le prochain film de Nicolas Pariser et le premier long- métrage de son frère Amro Hamzawi, scénariste de 20 ans d’écart. « Je me suis mise au one- man parce que rien ne bougeait de ce côté- là. » Écrire et se faire jouer lui a longtemps suffi, mais elle apprécie ce délicieux ego trip de la comédienne : être choisie. « J’ai adoré ça, je n’étais plus toute seule à me faire confiance et à m’écouter. » Elle s’interrompt encore : « Oh regarde, c’est Pauline Lefèvre ! » Encore raté. Dans E-book, Nora joue aux côtés de Vincent Macaigne, Juliette Binoche et Guillaume Canet une conseillèr­e politique hyper sincère, la seule qui n’appartienn­e pas au milieu de l’art ( les autres sont écrivain, actrice ou éditeur). Deux semaines d’un tournage « génial » mis à part le vol vers Majorque, une épreuve pour cette phobique « grave » de l’avion qui pleure et tient la main de ses voisins pendant le trajet. Pour être sympa, la production lui a dit : « Comme on sait que tu as peur, on t’a mise à côté de Binoche. » « C’était un petit avion, Macaigne s’est endormi avant le décollage et Binoche, même quand il y avait un micromouve­ment de l’avion, faisait exprès de me parler pour que je ne panique pas. Parfois, je me disais “C’est un rêve, je vais me réveiller.” En plus, elle sentait hyper bon. » Juliette Binoche devrait proposer des stages Air France...

19 HEURES À LA CROISÉE DE NOS CHEMINS

Nora part « délivrer la nounou » ( bien vu, pour le champagne). Il y a deux ans et demi, elle est devenue maman, mais dans son nouveau spectacle, elle ne compte pas traîner sur le sujet, « trop chiant » . Elle a déjà écrit la moitié de son texte, préfère s’intéresser à l’usure du couple et aux centres d’intérêt apparus avec sa « vieillesse » ( 34 ans !) : « La décoration, l’immobilier et la façon dont j’ai commencé à mélanger tous ces sujets dans ma vie, au point de m’entendre dire : “Si on avait de beaux plaids, on niquerait plus.” » Nous nous quittons là- dessus.

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L’HUMOUR AU QUOTIDIEN Depuis 2013, Nora Hamzawi cartonne avec son one- man- show tout simplement baptisé comme elle. Et entre deux représenta­tions, elle anime ( entre autres) une désopilant­e pastille pour « Quotidien » , dans laquelle elle répond à de...
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